Caisse d'Epargne : « Intégrer les critères ESG en premier lieu » - Premium

Le Béarn présente des indicateurs économiques supérieurs à la moyenne par rapport à la Nouvelle-Aquitaine et au niveau national. Partagez-vous ce constat ? Sébastian Rami : Sur la partie entreprise, ça se voit. Le secteur est très dynamique et les entreprises vont globalement bien, avec un nombre de défaillances qui est globalement inférieur aux autres territoires. Le territoire Lacq-Pau-Tarbes est extrêmement dynamique. Ce sont des milliards d’investissements annoncés, des milliers d’emplois. C’est d’ailleurs le recrutement qui se révèle le plus difficile. Laurence Maunas : Le constat est le même pour les commerces et les auto-entrepreneurs. On a des prestataires qui s’installent, se développent. Le secteur le plus compliqué reste celui du tourisme, hôtellerie et restauration, qui se développe beaucoup moins. C’est dû en grande partie aux problèmes de recrutement. Est-ce que ce dynamisme se retrouve dans votre activité de banque ?SR : Oui, nous sommes en progression. Les financements d’entreprises sont en progression, l’an dernier a été une année particulière, avec moins de projets qui sortaient, mais on a quand même progressé en matière de financements et de nouveaux clients. Sur la partie entreprise, on est, sur le Béarn, sur 15-20 entrées en relation chaque année sur des territoires qui sont déjà bien exploités.Vous mentionniez les difficultés de l’hôtellerie-restauration et du tourisme, est-ce un secteur que vous évitez dorénavant ? LM : Non, on continue d’aller sur ce secteur, mais plus de la même façon : quand on y va, c’est important pour nous que le porteur du projet sache cuisiner, tenir son hôtel. Le CV du porteur de projet est essentiel. La pharmacie est aussi un secteur sur lequel on a un regard plus attentif. On préfère aussi les dossiers où il y a de l’apport, on ne va plus aller sur les dossiers sans apport. C’est lié à des contraintes réglementaires, mais aussi au retour à une forme de normalité : la période de l’argent gratuit est terminée. Il n’y a pas de pourcentage idéal pour l’apport. Mais il nous donne aussi une indication sur le porteur du projet : est-ce que lui croit à sa boite, est-ce qu’il investit à titre personnel dans sa boutique ? SR : Aujourd’hui, il n’y a pas de valeur absolue pour le pourcentage d’apport. Si vous faites un financement de 2-3 millions et que vous demandez 30% d’apport il ne restera plus grand-monde. Evidemment, plus c’est risqué et novateur, plus on va demander d’apport personnel. On va regarder l’investissement du chef d’entreprise par rapport à la banque : elle est là pour accompagner mais ne peut pas tout porter. Il y a aussi des réseaux de business angels, vers lesquels on peut rediriger un porteur de projet. Le CV du porteur du projet, critère numéro unEst-ce une forme de retour à la normalité après l’euphorie post-Covid ? LM : On est dans le marché, avec les mêmes tendances. À mon niveau, j'observe qu'il y a moins de créations d'entreprises commerçantes, on a vu émerger toute une strate de métiers, d’auto-entreprises liées au bien-être et au soins. SR : Toute la partie aéronautique a été mise en standby pendant le Covid, aujourd’hui leur principal enjeu est de recruter, avant même celui de se financer. On est aussi très présents sur le marché de l’économie sociale et solidaire. Là-dessus, on constate des tensions nouvelles sur le secteur du médico-social. Beaucoup de structures présentent des bilans dégradés, avec des problématiques de hausses de salaire qu’ils ont du mal à compenser. Aujourd’hui, on n’est pas dans l’euphorie, mais pas non plus dans le catastrophisme. Ca fait un moment que l’on attend le raz de marée des défaillances d'entreprises, mais finalement ça n’a pas été plus impactant que ça. La vague s’est lissée.CV du dirigeant, apport, business plan… Comment, en tant que banquiers, hiérarchisez-vous ces critères dans votre décision de soutenir ou non un projet ? SR : Le premier angle d’analyse c’est le porteur de projet. Le deuxième, c’est l’emplacement. Et la partie financière ne vient qu’après ces deux critères. La vision du chef d’entreprise est primordiale. Plus que quelqu’un qui a un joli bilan financier sur les dernières années, il me faut un chef d’entreprise qui ait une vision stratégique claire, qui s'insère dans les transitions. LM : Ce qui nous intéresse c’est que les porteurs de projets restent agiles et qu’ils aient une vision sur les grands enjeux de demain: l’énergie verte, le RSE, le recrutement.SR : Ca fait un moment que l’on forme nos équipes pour qu’elles intègrent des critères ESG en premier lieu. Comment travaillez-vous sur l’égalité salariale, la parité aux postes de gouvernance… ça a été vraiment intégré, c’est des sujets que l’on aborde avec des clients. Dans une analyse de dossier, je demande d’abord de bien comprendre l’activité, la stratégie. La RSE s’insère à mon sens là-dedans : le client doit être capable de nous expliquer ce qu’il fait, où il veut aller, et pourquoi. C’est seulement après que je vais regarder son bilan prévisionnel.« Des positions fortes sur la transition écologique »Comment quantifier ces enjeux et les pondérer par rapport aux enjeux purement financiers ? SR : On n’a pas une analyse par score, le dossier s’analyse dans sa globalité, avec des points positifs et négatifs, et la subjectivité du banquier. LM : C'est à nous d’ouvrir les yeux du client sur l’importance de ces enjeux-là pour l’image et le développement de son entreprise. Ne pas aller sur tout ce pan de leur activité, à terme, va les desservir. SR : Par contre, la Caisse d’Epargne peut prendre des positions fortes pour la transition écologique. Sur un autre territoire, on a été sollicités sur un dossier industriel très rémunérateur, mais sur lequel on avait un doute en matière de RSE, de transition. On pouvait y aller, mais au plus haut niveau, on a décidé en conscience de ne pas le faire. On accepte de ne pas gagner d’argent, parce que ça ne correspond pas à ce qu’on voulait faire. Si quelqu’un vient me voir demain en me disant « je vais chercher du pétrole en sous-sol », je ne vais pas le suivre. LM : C’est aussi un enjeu d’image pour nous.SR : On a aussi la chance de faire partie d’un établissement qui peut se permettre de dire non.À quelle niveau la décision est-elle prise d’accompagner ou non un projet ? LM : En banque de détail, la quasi-totalité des décisions sont prises directement sur le territoire. SR : Au niveau des grands comptes, 75 à 80% sont décidés au niveau du centre d’affaires de Pau. Les autres ne vont, dans tous les cas, pas plus haut que Bordeaux. C’est essentiellement le volume d’investissement qui détermine cela, même s’il y a aussi parfois des financements plus spécifiques qui nécessitent un double regard. Notre souhait, c’est d’être capable de dire oui, ou non, mais de le dire vite.

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