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Responsabilité des entreprises : qu’est-ce que le territoire, cette notion en constante évolution ?

Écosystème
lundi 15 avril 2024

Maryline Filippi est professeur d’économie à Bordeaux Sciences Agro. Crédits : M. F.

La notion de RTE, pour responsabilité territoriale des entreprises, est de plus en plus connue, et travaillée, par les entreprises. Qu’est-ce que le territoire ? Comment œuvrer à son développement ? Maryline Filippi, professeur d’économie à Bordeaux Sciences Agro et chercheuse associée à l’INRAE, livre quelques éléments de réponse.

Dans une société mondialisée comme la nôtre, la notion de territoire peut sembler floue. Comment la définiriez-vous ?
Je définis le territoire comme étant une co-construction par les acteurs. Ce n’est pas un découpage administratif qui correspondrait à une région prédéfinie, mais ce sont les interactions entre des acteurs qui vont faire territoire à travers leurs projets, à travers un certain nombre d’interdépendances d’activités, qui vont se regrouper dans une proximité géographique, une proximité organisationnelle. Ce qui est perturbant pour certains acteurs, c’est que le territoire a des frontières mouvantes, mais c’est intéressant justement parce que ce n’est pas quelque chose de figé. Il se co-construit, cela prend du temps. On va avoir des règles qui vont se mettre en place, des apprentissages, de la confiance, c’est tout cela qui va structurer le territoire.

Avez-vous des exemples pour illustrer cette définition ?
Eh bien, vous allez avoir des territoires qui sont connus pour un savoir-faire, où l’on dit, « il y a un patrimoine culturel ». Ce territoire n’est pas formalisé par un découpage administratif. Ce sont les acteurs, les entreprises qui collaborent sur les secteurs d’activités présents, qui vont construire l’apprentissage, le savoir-faire qui va, justement, faire que c’est un territoire. On peut prendre l’exemple des produits locaux comme les AOP [ndlr, appellation d’origine protégée] ou les IGP [ndlr, indication géographique protégée], quand elles sont fortes autour d’un produit, différents acteurs vont se mettre à valoriser la ressource. Ils vont en faire un fromage, un vin, d’autres acteurs vont s’y mettre, et il y aura une structuration de la filière. C’est tout un écosystème qui va se mettre en œuvre.

Co-construire un ancrage territorial

Il y a la notion d’ancrage territorial qui va de pair avec celle de RTE. Finalement, qu’est-ce que c’est ?
Il y a différents types d'ancrages. D’abord, vous pouvez être localisé sur un territoire, mais ne pas y avoir d’ancrage. Si demain, l’entreprise diminue ses coûts en déménageant, elle va délocaliser son activité - on dit qu’elle est nomade car elle peut bouger sans problème. Lorsqu’on a un ancrage territorial, le nomadisme est plus contraint. De par les ressources que vous pouvez exploiter par exemple, mais si vous êtes dans l’exploitation stricte, le jour où cette ressource disparaît, vous partez car il n’y a plus d’intérêt pour vous. Enfin, troisième forme, celle qui est propre aux entreprises de l’économie sociale et solidaire mais que l’on retrouve aussi dans l’économie traditionnelle - la co-construction. C’est vous qui créez la valeur et la ressource sur le territoire avec les autres acteurs, et à partir de ce moment vous n’avez plus un comportement prédateur. Car si vous partez de ce territoire-là, vous en perdez la valeur. C’est le cas de certaines entreprises comme Saft [ndlr, usine de batteries à Bordeaux], qui est enracinée à Bordeaux et soucieuse que son territoire se développe.

Comment travailler sur sa RTE, sur son ancrage territorial lorsqu’on est une entreprise ?
Engager un processus de co-construction, on vient de le dire, n’est pas seulement économique. Il y a des activités de mécénat, ça peut être de subventionner le club de foot du coin, celui de mes enfants. Mais ça peut aussi consister à engager des compétences de mon entreprise au service du développement du club, par exemple, là on n’est pas dans du mécénat classique. On peut citer Michelin pour illustrer cet engagement atypique, bien que le groupe ne soit pas basé en Gironde - pour améliorer son impact au niveau des territoires, il permet à ses salariés d’accompagner certaines TPE ou PME, qui n’ont pas la compétence pour penser une campagne marketing par exemple. Ce ne sont pas des sous-traitants de Michelin, ils n'ont aucune activité directe ensemble, mais ce qui importe à Michelin c’est que l’entreprise en question soit sur le territoire.

RTE ou RSE ?
La RTE et la RSE sont deux notions distinctes. « En passant de la RSE à la RTE, on va basculer de l’individu au collectif », résume Maryline Filippi. Avec la RSE, l’entreprise va créer des liens avec ses parties prenantes, la démarche reste centrée autour d’elle. « Avec la RTE, il y a un intérêt de générer de la valeur économique, sociétale, sociale et environnementale. Je définis la RTE comme un entreprendre en collectif et en responsabilité pour le bien commun », affirme l’enseignante-chercheuse.

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