Les AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur tracent leur feuille de route - Premium
Stéphane Gabard est président du syndicat des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur
Réélu le 31 août à la présidence des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur, Stéphane Gabard revient pour Placéco sur la feuille de route et les objectifs de ce syndicat fort de plus de 4.700 adhérents.
Vous appelez à une stabilisation des rendements pour améliorer la compétitivité des entreprises représentées par le syndicat. Pourquoi ?
La variable du rendement fonctionne bien quand on dispose d’indicateurs macroéconomiques plutôt équilibrés, mais c’est moins vrai dans le contexte actuel, où l’on passe rapidement d’une situation d’opulence – avec des stocks importants qui pèsent sur le prix – à une année comme 2017 marquée par des gelées importantes, ce qui laisse penser au négoce qu’il va y avoir une tension, entraîne une flambée des prix, fait perdre des marchés et engendre des problèmes l’année suivante quand la production redevient normale. Le rendement n’offre pas le volant de réaction nécessaire face à ces variations. Nous essayons donc de stabiliser les rendements et de travailler sur d’autres facteurs comme la diminution des surfaces ou l’arrachage définitif contre prime, mais ce sont des sujets difficiles à faire passer auprès des instances dirigeantes, que ce soit au niveau français ou européen. Il y a une carte à jouer, soit en régulant notre potentiel de production, soit en augmentant un peu nos sorties. Cette année a été compliquée au niveau climatique pour la France entière comme pour nos voisins européens, c’est peut-être le moment de reprendre des parts de marché en jouant sur les prix.
Comment pouvez-vous influencer le marché ?
Ce n’est pas nous qui détenons les leviers du commerce, mais nous discutons avec le négoce. Comme le marché va se tendre, il faut qu’il y ait une remontée des cours pour donner une bouffée d’oxygène à nos adhérents et regagner des positions. Depuis 2017, nous avons créé des groupes de discussions entre les ODG (organismes de défense et de gestion) et les négociants par le biais de l’interprofession, notamment via la commission technique du vrac, pour essayer de rapprocher la production et la commercialisation. Nous avons par exemple lancé des contrats triennaux avec le négoce pour essayer de stabiliser les prix et les volumes. En parallèle, nous étudions d’autres pistes sur le positionnement de nos vins, et la diversité de nos profils produit, de façon à mieux répondre aux attentes du consommateur, sans renier ni nos principes, ni notre AOC.
L’attrait des Bordeaux soulève également la question de la qualité des produits, et donc celle du contrôle ?
Dans un univers très concurrentiel, on a tendance à stigmatiser les quelques lots qui ne sont pas au niveau. Notre système de contrôle, Quali-Bordeaux, a été lancé suite à la réforme de 2008. Il a donc douze ans. Aujourd’hui, on voit que certaines choses fonctionnent bien et d’autres mois. Nous voudrions le retravailler, pour que le contrôle soit un peu plus efficace, sans coûter plus cher à l’opérateur. Essayer de faire que le système soit moins prévisible, et plus équitable, avec des moyens de prélèvement similaires, que vous soyez négociant, viticulteur en chais indépendant ou membre d’une coopérative. L’idée n’est pas de contraindre plus nos adhérents, mais de contrôler un peu mieux.
Sur le volet commercialisation, vous appelez également à une plus forte implication des vignerons dans la promotion ?
Environ 50% de nos volumes sont vendus en vrac, la promotion est donc assez naturellement reportée sur nos collègues négociants, mais les plus importants d’entre eux sont multi produits et multi appellations, leur effort n’est donc pas toujours à la hauteur de ce que nous aimerions voir. Il y a donc des leviers et une vraie force commerciale à aller chercher en incitant chaque viticulteur à investir de son temps ou de son argent dans la promotion. C’est lune des raisons pour laquelle la politique des rendements ne doit pas pénaliser la rentabilité des exploitations. Les sociétés qui se portent bien font des efforts en matière de qualité, sortent de bons produits, tirent l’appellation vers le haut, et investissent une partie de leurs revenus sur la promotion.
Faut-il travailler sur l’image des AOC Bordeaux et Bordeaux Supérieur ?
Il y a un travail d’image à mener, y compris dans l’univers girondin. Nos appellations sont régionales, mais elles n’ont pas vraiment d’identité, dans la mesure où elles sont dispatchées sur un département où d’autres appellations ont des symboles forts ou des citadelles. Nous avions un symbole fort avec notre maison Planète Bordeaux, qui a brillé pendant quelques années, mais nous n’avons peut-être pas su la rajeunir à temps. Nous réfléchissons donc à un projet pour la réhabiliter.
- Sur le sujet, voir l'article Œnotourisme : 4M€ pour réhabiliter Planète Bordeaux
Vous envisagez également de travailler sur la segmentation des deux AOC, qui réunissent aujourd’hui des cépages, des méthodes de vinification et des produits très divers ?
La question est complexe, pour éviter qu’un changement ne se fasse au détriment d’autres aspects de l’offre. Nos appellations recèlent une vraie richesse, mais elle est malheureusement difficile à lire pour le client. Nous travaillons avec une agence sur le sujet de l’image des Bordeaux Supérieur, mais on ne veut pas se tromper, donc on préfère prendre le temps nécessaire. Nous avons également lancé l’idée, il y a une dizaine d’années, d’ajouter via l’INAO une troisième notification de type « crus d’exception » qui servirait à distinguer les beaux produits et terroirs.
Comment s’annoncent pour vous les vendanges de ce millésime 2021 ?
Particulières ! L’année a été très compliquée sur le plan climatique, puisqu’on a cumulé l’ensemble des incidents qu’on est susceptible de rencontrer sur une exploitation, avec des attaques de cicadelles en fin de saison. Par chance, on a eu une belle fin de mois d’août et un beau début de mois de septembre. Si le temps revient au beau, on devrait pouvoir sauver certaines parcelles et faire un millésime qualitatif. En quantité, les niveaux devraient être légèrement supérieurs à 2017, ce sera donc l’une des petites récoltes de la décennie.
