Patrice Laurent : « La guerre en Ukraine affecte déjà le bassin de Lacq » - Premium

Pourquoi une délégation d’une ville ukrainienne a-t-elle visité Mourenx ? Nous avons été mis en relation avec la ville de Pervomaïski par une ONG. Ils ont pensé à nous parce que nos deux villes ont un profil très proche. Elles sont toutes les deux nées en 1957 autour de la découverte de matières premières. Nous, autour du gisement de gaz de Lacq ; eux, ils cherchaient du pétrole et du gaz… et ils ont trouvé du sel. Aujourd’hui, c’est une ville de 30.000 habitants, avec toute une industrie autour de la chimie du sel. On a organisé une première rencontre à distance, puis la visite de la délégation, et maintenant nous allons jumeler nos villes.Quels sujets leur visite concernait-elle ? Le sujet numéro un pour eux, c’est l’énergie. À cause des frappes russes sur les centrales électriques, ils ont des usines qui ne sont pas alimentées en permanence, qui s'arrêtent et redémarrent tout le temps. Économiquement, c’est compliqué. Et à plus long terme, c’est aussi sortir de la dépendance à l’énergie russe.Enjeux énergétiques et de traitement des déchetsEt sur ce sujet, qu’est-ce le bassin de Lacq pouvait leur apporter ? On a commencé par une présentation du GIP Chemparc, qui a permis de montrer comment fonctionnait notre écosystème, comment on arrive à réunir tous les acteurs, entreprises, collectivités, Etat, autour d'une table, à définir ensemble une stratégie, à prospecter, à aménager. On est allés visiter le méthaniseur de BioBéarn. Ils sont d’une région qui est fortement agricole, y faire du biogaz aurait tout son sens. Ça les a beaucoup intéressés, et cela fera partie des sujets sur lesquels ils vont investir. On leur a aussi parlé de la production d’hydroélectricité, de photovoltaïque, on a abordé toutes les manières de produire de l’énergie et sortir de la dépendance énergétique. Pour le coup, ce qui les intéresse, c’est moins le côté renouvelable que le fait que c’est une énergie décentralisée et donc moins vulnérable à des attaques. Il y a quelque chose qui m’a beaucoup touché, c’est qu’ils considèrent qu’ils ne savent pas combien de temps la guerre va durer, mais qu’ils pensent que ça durera encore très longtemps et veulent continuer de vivre et de se développer. Ils ont une résilience extraordinaire.Y avait-il d'autres enjeux économiques durant cette visite ? Oui, on a fait une visite autour du traitement des déchets. Aujourd’hui, chez eux, le recyclage se limite au verre, au carton et à certains plastiques et tout le reste est mis à la décharge sans incinération. On a pu leur faire visiter une usine d'incinération des ordures ménagères, une déchetterie, leur présenter nos filières de recyclage. Ils étaient demandeurs de ces thèmes, parce que leur ville accueille des réfugiés venus des régions occupées. Quand vous avez des populations qui affluent, qui vivent dans des bâtiments qui ne sont pas adaptés, il faut savoir quoi faire de tous les déchets. D’autant plus que les biodéchets, ça peut aussi aller dans la méthanisation. On leur a aussi montré comment, en brûlant nos déchets, on fait de la vapeur que l’on revend à Sobegi.À lire également - Pau : le réseau de chaleur urbain officiellement inauguré, le développement futur déjà planifiéLe bassin de Lacq, déjà affecté par les répercussions de la guerreEst-ce que dans le cadre de la future reconstruction de l’Ukraine, les collectivités locales auront un rôle à jouer ? Et les entreprises béarnaises ? Il faut d’abord que les Ukrainiens gagnent la guerre. C’est le premier point. Aujourd’hui, pour venir chez nous, ils ont fait 17h de route jusqu’à Cracovie pour prendre l’avion. Une fois qu’il sera temps de parler de reconstruction, il y aura des groupes industriels qui voudront participer et qui iront en Ukraine pour le faire ; mais on aura du mal à trouver des acteurs internationaux qui iront investir tant que la guerre durera.En attendant, la guerre en Ukraine a provoqué un boom de l’industrie de l’armement. Est-ce que cela affectera le bassin de Lacq ?C’est déjà le cas. Toray, aujourd’hui, vend énormément de fibre de carbone pour le Rafale. C’est l’un des avions les plus vendus au monde, et il est certain que cela a des répercussions évidentes sur l’activité de leur site de Lacq. Prenez aussi Caremag, avec leur processus de recyclage des aimants pour récupérer les terres rares : c’est un enjeu de souveraineté nationale. Patrice Laurent sera le prochain invité des rencontres B to Biarnès, ouvertes gratuitement aux adhérents de Placéco Béarn. Inscriptions.

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