Pour résoudre ses problèmes de recrutement, Safran mise sur l'apprentissage - Premium

La salle est encore vide, mais les affiches rappelant les procédures de sécurité sont déjà accrochées au mur. Au sol, des bandes adhésives blanches marquent une dizaine de rectangles : c’est l’emplacement des futures machines. Il y aura, ici, cinq tours et cinq fraises à commande manuelle. On ne s’en sert plus guère, dans l’industrie, mais, « c’est comme cela que l’on apprend le métier, le réglage des machines, le choix des outils, la vitesse de coupe… » assure Julien Monceaux, chef de projet CAMI Aéro. Nous sommes à deux pas de l’usine de Bordes, où l’ex-Turboméca produit, depuis 1942, des turbines d’hélicoptères. Ici, Safran Helicopter Engines va ouvrir son nouveau centre de formation pour apprentis, baptisé CAMI Aéro, comme « Centre Alternance Métiers Industriels », mais surtout comme « chemin » en béarnais.CAMI Aéro sera installé dans un bâtiment de mille mètres carrés, loué par Safran Helicopter Engines à l’UIMM. L’investissement de départ représente entre 2 et 3 millions d’euros, commente le motoriste, auxquels s’ajoute un million d’euros de dépenses annuelles. Un coût pour l’instant entièrement assumé par Safran Helicopter Engines, mais pour lequel celui-ci espère recevoir une subvention de la Région Nouvelle-Aquitaine. Le bâtiment est étudié pour reproduire fidèlement les zones de production de la vraie usine, jusqu’aux barrières qui l’entourent et aux espaces de travail intérieurs. Au total, 19 machines seront installées : elles sont attendues au mois de juin. Et si celles du premier espace de travail sont manuelles, les suivantes seront équipées de commandes numériques. Les apprentis s’y entraîneront à produire des « pièces clones » de celles produites par l’usine. « Un pignon, un carter, un arbre de transmission... avec le même cahier des charges et la même documentation », explique Christophe Mialocq, Adjoint Technique à Safran Helicopter Engines.Importants besoins de recrutement « Le marché de l’hélicoptère est en supercroissance », se félicite Florence Gourmanel, DRH du site de Bordes. Safran prévoit d’y produire plus de 800 moteurs en 2024, et plus de mille par an à partir de 2025. Une hausse de l’activité qui doit s’accompagner d’une hausse des effectifs. En 2023, Safran Helicopter Engines a ainsi effectué plus de 1.000 recrutements en France, dont 400 CDI et 200 alternants. « Nous avons beaucoup de besoins dans les métiers de l’usinage, reprend Florence Gourmanel. En 2023, nous avons créé 100 postes à la production ; et nous avons des difficultés à recruter. Il nous faut plus d’alternants ». À l’heure actuelle, le motoriste recrute vingt alternants par an et n’a pas la capacité de faire plus.CAMI Aéro est créé pour répondre à cet enjeu, en proposant trois parcours de formation, allant d’un à trois ans. Mais il ne s’agit pas d’une recréation de la célèbre école Turboméca fermée en 1992 : « ce serait compliqué à mettre en place, les investissements seraient lourds, et nous voulons recruter vite », explique la DRH. Cami Aéro s’appuie donc sur les partenaires de Safran Helicopter Engines, et propose un parcours en alternance inscrit dans le cadre du Pôle formation Adour de l’UIMM. La période en école se fera au sein de ce dernier, situé lui aussi à quelques centaines de mètres de l’usine de Bordes, et les périodes en entreprise se dérouleront chez CAMI Aéro, encadrées par trois salariés de l’usine passés sur ce nouveau poste à temps plein avoir suivi un cursus de formateurs.75 apprentis formés par anLes premières offres d’alternance sont déjà publiées, et la première promotion démarrera ses études en septembre 2024, annonce l’entreprise. Objectif : former cinquante apprentis tourneurs-fraiseurs par an la première année, puis 75 par an en rythme de croisière. Apprentis et apprenties, car CAMI Aéro vise un tiers de femmes dans ses promotions, en ligne avec l’objectif de rendre les métiers de l’industrie plus attractifs auprès de nouveaux profils. Lycéens, étudiants, jeunes, mais aussi actifs en reconversion… le nouveau centre de formation se veut le plus ouvert possible. « Je crois beaucoup à la reconversion des actifs, la perspective d’un emploi garanti est un facteur d’attractivité », considère Florence Gourmanel. « Aujourd’hui, nous recevons énormément de CV, témoigne Isabelle Thuillier, adjointe RH. Quand Safran annonce qu’il recrute, tout le monde veut venir. L’important, c’est de savoir tester et accompagner, nous visons 95% de réussite pour CAMI Aéro ».Les opportunités d’embauche seront en effet au rendez-vous : Safran Helicopter Engines annonce un « ramp-up » jusqu’en 2025, avec une centaine de postes à pourvoir en production. Même une fois cette phase d’accélération achevée, entre 30 et 40 postes en CDI ouvriront tous les ans par le simple fait des départs à la retraite. Les apprentis qui ne seraient pas embauchés chez Safran iront gonfler les rangs des nombreux sous-traitants aéronautiques de la plaine de Nay. « C’est encore plus difficile pour eux de recruter, et on a besoin de ce réseau de sous-traitants », considère la DRH. Tout l’enjeu sera, pour l’industriel, de ne pas se faire « siphonner » ses apprentis à la sortie de leur formation, par exemple par Airbus à Toulouse. « C’est effectivement un risque, un pari que l’on fait. Il faudra qu’on sache les fidéliser », commente Florence Gourmanel, qui avance, comme l’un des arguments de poids en faveur du motoriste, les salaires pratiqués par l’entreprise : « Chez nous, le plus bas salaire en CDI est à 30.000 euros par an », rappelle-t-elle.

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