Patrice Laurent à B to Biarnes : « l'industrie fait le boulot pour décarboner » - Premium

Le bassin de Lacq fait l’actualité pour ses grandes industries, mais qu’en est-il des PME ? Quelle place pour elles dans le tissu économique de la CCLO et dans les politiques locales ?On parle souvent d'industrie parce que ce sont des investissements importants et des créations d’emplois importantes ; mais quand on annonce un emploi industriel, c'est derrière trois emplois induits. Dans ces emplois induits, il y a la sous-traitance ; mais il y a aussi le commerce et les services liés à ces emplois. Donc, quand on parle d’industrie, on s’adresse aussi à toutes les entreprises qui sont concernées par ces industries. Ça ne nous empêche pas à l'échelle de la Communauté de communes de Lacq-Orthez, d'aider les entreprises, de l'incubateur à la pépinière, en passant par la création d'entreprise, la reprise, etc. Nous avons des règlements d'intervention qui nous permettent de le faire et on est évidemment attentif à tout cela. Après, on a effectivement un tropisme pour le développement industriel, tout simplement parce que c'est ce qui nous permet de développer le territoire et finalement les commerces, l'artisanat et tout le tissu économique.Comment exister en tant qu’interlocuteur sur ces grands projets industriels ? Prenons le cas de Lidl, dont le projet de plateforme logistique prend du retard. Comment l'intercommunalité de Lacq-Orthez peut-elle, ensuite, peser dans la discussion face à un groupe de cette taille ?On est évidemment les mains liées quand on est engagé. Mais on a la chance d'avoir des services qui travaillent les choses dans le détail. Quand on s'engage sur la vente d'un terrain, on met des clauses de retour. Après, dans le cas de Lidl, c’est aussi une question de conjoncture, les prix de la construction ont quasiment doublé, et on parle de la construction de sept hectares de bâtiments, ce qui est colossal. On passe d’un projet qui coûtait soixante-dix millions à un projet qui coûte cent quarante millions. Une fois que l’on a dit ça, ce n’est pas une question de pouvoir peser, c’est plus de faire le dos rond ensemble jusqu’à ce que la situation s’améliore.Est-ce qu’il est déjà arrivé qu’un projet ne corresponde pas à ce que vous attendiez et qu’en tant qu’élu vous deviez vous y opposer ? J'ai un exemple. Ça m'ennuie de citer l'entreprise, mais c'est une grosse entreprise qui voulait s'installer sur le bassin de lac pour incinérer des CSR, des combustibles solides de récupération afin de produire de la vapeur ou de l'énergie. Il fallait, pour que le projet se fasse, que 70% de l’énergie soit utilisée, et on nous a proposé, à l’époque, une production de tomates hors sol sur l’ancien site de Yara. On n’a pas vocation à faire ça sur le bassin de Lacq, donc on a dit non au projet, qui ne s’est pas fait. Et c’était un très grand groupe, mais on était en capacité de lui dire non, si on estime que ce n’est pas bon pour le territoire.« À titre individuel, je ne suis pas sûr que nous soyons au rendez-vous »Qu’est-ce qu’un projet « bon pour le territoire » ? Au sens écologique, en particulier, même un projet vertueux comme Elyse Energy consomme des ressources, est-ce que l’on n’est pas dans une fuite en avant technologique ? Je le disais il y a quelques jours à votre confrère des Echos, je trouve assez étonnant que l’on pose la question des ressources à une entreprise qui vient décarboner, qui a le soutien des écologistes, qui a le soutien de l'Ademe, qui a le soutien au-delà de l'Europe du gouvernement français et que sur plein d'autres questions, on ne pose jamais cette question… je trouve ça un peu irréel. Quand on voit l’accélération du réchauffement climatique, il ne se passe pas une semaine sans un phénomène climatique violent…Justement, les climatologues emploient souvent l’expression « on est en train d’aller dans le mur », est-ce qu’avec ce genre de projet, on ne fait pas que des aménagements à la marge pour y aller moins vite, alors qu’il faudrait faire franchement demi-tour ? Je pense que vous avez raison. On parle du prix de certaines actions, certains engagements climatiques, mais qu’en est-il du prix de l’inaction ? Si l’on ne fait rien, il faudra payer tous les dégâts liés au climat et ça va coûter beaucoup plus cher. Mais ce que je crois, c'est que d'une certaine manière, le monde de l'industrie est en train de faire le travail ou l'a déjà fait de manière assez importante sur la réduction de leur consommation en énergie, leur impact individuel. Par contre, à titre individuel, je ne suis pas sûr que nous soyons au rendez-vous, dans nos comportements du quotidien, que l’on ait vraiment pris la mesure de ce qui est en train de se passer. Et j’aurais donc tendance à dire que l’on pointe du doigt l’industrie, qui fait le boulot pour décarboner, peut-être pour éviter de nous poser ces questions à nous-mêmes…« Il y a le temps de l'élection, puis on se met tous ensemble et on travaille »Vous êtes, politiquement, situé à gauche. On identifie bien ce que ça veut dire sur de grands clivages nationaux, mais comment est-ce que cela s’exprime en matière de développement économique local ? Je suis un peu embêté pour répondre à cette question, parce que oui, je suis de gauche, mais pour autant, je pense que quand on est à la tête d'une collectivité, on est… je vais pas utiliser le terme ni de gauche, ni de droite… mais je pense qu'il y a des gens intelligents partout, et des gens qui sont moins intelligents dans tous les camps aussi. Je ne pense pas que ce clivage guide l’action politique dans ce domaine là : on regarde d’abord l’intérêt général, celui du territoire, de son développement.Et comment définir cet intérêt général ? Dès le début de la mandature, tous les élus de la Communauté de communes ont adopté un projet de territoire, qui donne une direction sur les cinq, dix prochaines années, sur tous les développement que l'on souhaite avoir : sur l'économie, sur la petite enfance, sur les mobilités, sur le logement… et c'est une vision partagée par l'ensemble des élus sans sans essayer de connaître la coloration politique d'untel ou d'un autre. Il y a un temps de l’élection, puis après on se met ensemble et on travaille.On parle d’attractivité d’un territoire. Mais un territoire attractif se définit par opposition à d’autres qui le sont moins. Alors, quel est notre territoire, où s’arrête-t-il et où commence celui du voisin avec lequel nous sommes en concurrence ? Si on parle à des acteurs économiques, la concurrence, elle est à tous les étages et à tous les niveaux, je crois qu'elle ne s'arrête pas au bord d'une interco… aujourd'hui notre terrain de jeu, c'est le territoire d'industrie Lacq-Pau-Tarbes, donc ça va de la Bigorre jusqu'à Bayonne, même si c'est pas le même territoire d'industrie, mais le port de Bayonne est un des éléments de développement de notre territoire. On travaille sur ce territoire-là, parce qu'on pense que c'est la bonne échelle à l'échelle industrielle. On a le groupement Chemparc, qui met autour d'une table tous les acteurs, les politiques, les salariés au travers des syndicats, les industriels, les deux CCI, l'UPPA, l'agglomération de Pau, le Département, la Région et l'État, puisque c'est le préfet qui préside le groupement. Et on fonctionne en mode startup c'est-à-dire que dès qu'on a un prospect, on se met tous autour d'une table et chacun apporte sa contribution : nous pour la question foncière, l’Etat avec les services de la DREAL, la Région sur le déblocage d’aides…« Mode startup », « prospect », « projet »… vous employez du vocabulaire qui vient du monde de l'entreprise. Est-ce qu’un territoire peut, ou doit, se diriger comme une entreprise ? À la différence d'une entreprise, nous, on est là pour dépenser de l'argent alors que l'entreprise est là pour en gagner. Parce que le service public, ça a un coût… et puis c’est très bien comme ça, on n’est pas là pour équilibrer les comptes ! Sinon, il n'y aurait pas de piscines, pas de cinémas, pas d'écoles, pas de crèches… Donc, non, on n’a pas la même manière de fonctionner. En revanche, on gère une collectivité comme une entreprise dans le sens où si on ne la développe pas, elle finit par mourir. Si on arrête de développer le service public, si on arrête de proposer de l'animation sur un territoire, les gens finissent par partir. Et c’est la fin de la collectivité comme c'est la fin de l'entreprise.

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