Placéco Gironde, le média qui fait rayonner l’écosystème

Votre édition locale

Découvrez toute l’actualité autour de chez vous

(1/4) Attractivité de Bordeaux : un choix entre environnement et dév' éco

Écosystème
lundi 13 mars 2023

Bordeaux doit-elle encore être attractive ? En a-t-elle encore les moyens ? Comment faire ruisseler le développement économique sur le reste du territoire ? Ces questions, nous les avons posées à plusieurs personnalités politiques et économiques du Port de la Lune. Une série d’articles à retrouver tout au long de la semaine.

Pour Patrick Seguin, président de la CCI Bordeaux Gironde, le Port de la Lune reste toujours attractif pour les entreprises. Crédits : Alberto Giron

Entre des contraintes environnementales de plus en plus prégnantes, et un besoin de maintenir le développement économique du territoire, comment se positionne Bordeaux ? Faut-il accueillir toutes sortes d’activités - même les plus polluantes -, ou instaurer une ligne rouge au détriment de potentiels emplois ? Éléments de réponse dans ce premier article de notre nouvelle série.

« Nous avons comme interlocuteurs à la Métropole, des élus de la majorité PS-EELV pro-activité, et d’autres, issus de la municipalité de Bordeaux, qui assument le mot décroissance et le fait que Bordeaux ne doit plus être attractive. » Cette phrase, prononcée par un cadre de Bordeaux Métropole, nous a fait nous interroger sur la problématique de l’attractivité du territoire. À l’heure où la question environnementale est primordiale, et où certaines communes françaises assument une volonté de moins attirer, ou mieux, qu’en est-il à Bordeaux ?

Pour le président de la CCI Bordeaux Gironde, Patrick Seguin, la ville-centre et plus largement la Gironde sont toujours aussi attractives. « Nous avons toujours beaucoup de demandes d’entreprises qui souhaiteraient s’installer sur notre territoire, et toujours autant de créations d’entreprises qu’en 2019, voire plus. Il ne s’agit pas du tout de décroissance [...], mais la différence par rapport aux années passées, c’est que la Ville et Bordeaux Métropole souhaitent faire un choix sur les entreprises pouvant s’installer sur notre territoire, par rapport à leurs objectifs environnementaux. » Selon l’agence Invest in Bordeaux, entre janvier et novembre 2022, 66 décisions d’implantation, d’extension ou de relocalisation accompagnées par la structure étaient annoncées en Gironde dont cinq sur six sur Bordeaux Métropole. Un bilan meilleur qu’en 2021, pourtant troisième meilleure année d’Invest in Bordeaux après 2018 et 2019.

Deux visions antagonistes ?

Thomas Cazenave, lui, considère qu’un clivage existe bien entre pro et anti-attractivité. Conseiller municipal et métropolitain (Renaissance), mais aussi élu à l'Assemblée nationale, il note « une vision portée par les Verts, et donc par Pierre Hurmic, qui sans jamais prononcer le mot décroissance, considèrent que l’attractivité présente des inconvénients et que ce n’est pas une fatalité d’accueillir de nouveaux habitants ». Il faut dire que le mandat de Pierre Hurmic a commencé, en 2020, par une décision loin d’avoir fait l’unanimité : la fin de la marque de territoire Magnetic Bordeaux, qui portait un modèle de métropole millionnaire. Une décision assumée, presque trois ans après, par l’édile : « Cela correspondait à une ville égoïste, qui voulait tout aimanter sur son territoire et n’avait pas les moyens de gérer cette activité. » Pierre Hurmic le redit, il préfère la notion de ville accessible, plutôt que de ville attractive. Ainsi, en avril 2021, l’agence Invest in Bordeaux dont le rôle est d’identifier et d’accompagner les projets d’implantation et de développement, présentait sa nouvelle feuille de route qui donne la priorité au développement durable, et aux projets hors-métropole.

Du côté du Palais Rohan, la municipalité s’est dotée en juin 2021 d’une feuille de route dédiée à l’économie sociale et solidaire, mais n’a jamais présenté de plan d’action pour l’économie au sens large, alors que ce dernier était annoncé pour la fin de l’année 2021. Si Patrick Seguin souligne « de bonnes, voire d’excellentes relations » avec l’équipe municipale, il précise qu’il « aura fallu presque trois ans pour que, derrière, les équipes s’organisent ». « Ce n’est pas une faiblesse, car nous avons voulu changer de route, répond Pierre Hurmic. Si on avait voulu modifier à la marge les politiques de nos prédécesseurs, en trois mois, nous aurions fini. Mais il a fallu se doter de nouveaux outils, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. »

Un juste équilibre à trouver

Exit, donc, la stratégie de l’ère Juppé et son magnétisme économique. Bordeaux assume de vouloir accueillir principalement des entreprises à impact positif, et notamment à impact carbone positif ; principalement dans le domaine de l’ESS. Pierre Hurmic cite le projet de centre commercial de la seconde main Ikos, qui comptera à terme 300 emplois, ou encore le pôle économique de la ManuCo dédié à l’ESS. « Je pense que Bordeaux est maintenant repérée, y compris à l’international. Ce n’est pas pour rien que Marlène Schiappa [NDLR, secrétaire d’Etat chargée de l’ESS et de la vie associative] m’a demandé de l’accompagner à l’ONU en mai prochain, pour défendre l’économie sociale et solidaire. » S’il précise qu’il n’y a aujourd’hui pas tellement de sélection des entreprises voulant s’installer - cette compétence ne relevant pas de la mairie -, l’édile du Port de la lune reste ferme quant aux industries polluantes : il faut trouver autre chose à mettre à la place. « C’est évident qu’une entreprise polluante n’est pas la bienvenue sur notre territoire. Et concernant l’argument de l’emploi, il y a des tas d’activités non-polluantes qui créent des emplois ! »

Un argument qui ne convainc pas Thomas Cazenave, pour qui il faut sortir des présentations « parfois trop caricaturales » : « On aura toujours besoin d’industrie lourde, martèle-t-il. Je préfère la stratégie qui consiste à dire “on va vous aider à accélérer sur la décarbonation de vos activités”, et ne pas uniquement regarder la question des nouvelles activités, des startups de l’ESS comme étant l’alpha et l’oméga de notre développement économique. » Celui qui est aussi vice-président à l’Assemblée du groupe d’étude sur l’économie circulaire et la gestion des déchets, cite en exemple le port de Bordeaux, qui poursuit des objectifs de décarbonation sur le territoire. « Ces entreprises n’ont pas d’autre choix que de se convertir, y compris car les normes environnementales sont de plus en plus sévères. Il faut se demander comment faciliter ces mutations, et mettre beaucoup d’énergies dans ce type de projet. C’est moins visible, moins sympa, mais tout aussi important que le soutien à l’économie sociale et solidaire. » 

Alors, où placer le curseur du développement économique ? Sur quelles bases développer une croissance raisonnable et raisonnée ? A cette question, le président de la CCI Bordeaux Gironde esquisse un début de réponse : « Il faut se fixer des critères qui peuvent évoluer dans le temps, en fonction des avancées environnementales. Pour le secteur de la logistique par exemple, beaucoup d’élus disent, “on ne veut pas de camions sur notre territoire”. Sauf que ces camions seront propres, demain. Dira-t-on quand même, “je n’en veux pas” ? » Patrick Seguin cite également des alternatives « qui commencent à entrer dans l’esprit des élus », comme le transport fluvial et maritime. Un mode de logistique moins émetteur de carbone, et qui permettrait, aussi et surtout, de désengorger les routes girondines - et notamment la rocade. Car si Bordeaux attire encore, la question de la mobilité se pose chaque jour, pour les élus du territoire.

À lire : (2/4) Mobilité, logements : Bordeaux a-t-elle encore les moyens d’être attractive ?

Dans la même série

Bordeaux est-elle encore attractive ?