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(4/4) Pour Pierre Hurmic, « une entreprise polluante n’est pas la bienvenue sur notre territoire » - Premium

Écosystème
jeudi 16 mars 2023

Le maire de Bordeaux, Pierre Hurmic, défend l'idée d'une ville accessible et non attractive. Crédits : Ville de Bordeaux

Il se définit comme un maire du lendemain, et assume préférer l'économie sociale et solidaire aux industries polluantes, qui ne sont plus les bienvenues sur le territoire bordelais. Pour Placéco, Pierre Hurmic, l’édile de Bordeaux revient sur sa vision du développement économique. Avec, en fil rouge, la question de l’attractivité de la ville - ou plutôt son accessibilité.

Selon vous, quel doit être le rôle du maire en matière d’attractivité, dans une ville comme Bordeaux ?
Je retrouve une double dimension, du maire du quotidien et du maire du lendemain. Le maire du quotidien est facilitateur, il doit favoriser l’installation d’entreprises sur son territoire municipal - étant précisé que la Ville n’a pas de compétences en matière économique. Pour la dimension du lendemain, le maire doit avoir une vision de ce que doit être l’économie de demain. À ce titre, je suis heureux que Bordeaux soit vraiment repéré comme étant une ville importante, pilote en matière d’économie sociale et solidaire. Nous a été confié en 2022 la présidence du Forum mondial de l’ESS, et notre candidature a été assez exemplaire. D’abord, car elle a été pilotée par toutes les collectivités concernées - la Région, le Département, la Métropole et la Ville. Ensuite, car Bordeaux s’est signalée dès le début de notre mandat comme étant très motivée pour développer l'économie sociale et solidaire. Il y a quelque chose qui peut paraître symbolique, mais qui ne l’est pas à mes yeux : mon deuxième adjoint, Stéphane Pfeiffer, est délégué à l’économie sociale et solidaire. Je ne suis pas certain qu’il y ait beaucoup de villes qui aient cette configuration.

Le président de la CCI Bordeaux-Gironde, Patrick Seguin, explique que de son point de vue, il aura fallu deux ans et demi à vos équipes pour être opérationnelles. Y a-t-il eu une sorte de faiblesse de votre part, au démarrage ?
Non, du tout, mais il a fallu changer de route. Si on avait voulu modifier à la marge la politique de nos prédécesseurs, on aurait pu tout faire en trois mois. Il a fallu se doter de nouveaux outils, définir de nouvelles orientations, et ça ne se fait pas du jour au lendemain. De plus, les milieux économiques nous ont vu arriver avec beaucoup de méfiance, il a fallu mériter leur confiance. On s'est notamment doté d'un outil municipal pas inintéressant, et qui fonctionne bien : une plateforme RSE. Je ne crois pas que beaucoup de villes aient fait cela. [NDLR, au 14 février 2023, 375 comptes ont été ouverts sur cette plateforme. ]

Le refit, filière bienvenue à Bordeaux

Assumez-vous de dire à certains secteurs d’activité polluants, comme l’industrie, qu’ils ne sont plus les bienvenus sur le territoire ?
Ce que je dis, en matière d’industries polluantes, c’est qu’il faut trouver autre chose à la place… C’est évident qu’une entreprise de ce type n’est pas la bienvenue sur notre territoire. Quant à l’argument de l’emploi, il y a des tas d’activités non polluantes, qui produisent des emplois. On parle de réindustrialisation du territoire, mais on a changé de monde ! Ce qui me frappe, c’est que les jeunes qui entrent sur le marché du travail - mais aussi les moins jeunes - cherchent à donner du sens à leur emploi. Croyez-vous que pour eux, travailler dans une entreprise polluante, c’est donner du sens ? Actuellement, la génération climat est sur le marché de l’emploi et le développement économique se doit de répondre à leurs attentes. Beaucoup d’entreprises disent qu’elles ont du mal à recruter, je ne pense pas que la génération actuelle n’ait pas envie de travailler - je pense simplement qu’elle veut du sens.

Y a-t-il des secteurs qu’a contrario, vous aimeriez voir se développer sur notre territoire ?
Oui, il y a une activité que j’aimerais voir plus sur Bordeaux, c’est le refit. Quand on parle de ZFE [NDLR, zone à faibles émissions], cela impose un changement de beaucoup de véhicules. L’industrie du refit commence à se développer, et on a des entreprises à Bordeaux qui ne demandent qu’à prospérer. D’autant qu’à mon sens, la solution d’un changement de moteur est nettement moins onéreuse - même si ça reste très compliqué aujourd’hui, et que l'Etat doit faire des efforts. En aidant les particuliers au refit, cela donnera de l’activité sur Bordeaux, avec des emplois non délocalisables. Ensuite, il y a le domaine de l’écoconstruction. Il faut que l’on puisse créer une filière, et pas forcément à Bordeaux. Il faut essayer de ne pas raisonner qu’avec le prisme local. Quand on est maire d’une grande ville, on se doit de raisonner selon les intérêts des territoires voisins.

Avoir une ville accessible et plurielle

Vous n’aimez pas parler d’attractivité, mais préférez le terme de ville accessible…
En effet, dès que j’ai été élu, je n’ai eu de cesse de faire abandonner le terme de ville magnétique, qui correspond à une ville égoïste voulant tout aimanter sur son territoire, mais n’ayant pas les moyens de gérer cette activité. C'est la situation dont on a héritée, et je pense que mon devoir d’élu est de mettre un terme à cela. Les métropoles et notamment celle de Bordeaux, sont devenues inaccessibles. Regardez les bouchons tous les matins, il y a environ 600.000 véhicules qui font la navette entre Bordeaux et les territoires alentour ! On s’avère incapable de loger sur notre territoire urbain les citoyens, qui sont obligés d’aller habiter de plus en plus loin. Mais une ville accessible passe aussi par les services publics, et l’un de nos enjeux est de les conserver. Avant, on voyait un peu des chasseurs de primes à l’implantation, maintenant la tendance s'inverse, et le souci des entreprises est de choisir des territoires dans lesquels ils savent que leurs cadres seront heureux de s’installer. Ils veulent des crèches, des moyens de transport décarbonés… Bordeaux est un peu en pointe là-dessus avec 40% de cyclistes en plus depuis le début de notre mandat, et une pollution de l’air qui a diminué de 30%.

Pourtant, sur le plan du logement, Bordeaux apparaît de plus en plus comme une ville inaccessible, où il est difficile de se loger. N’avez-vous pas peur d'une gentrification accrue ?
Oui, c’est le risque, on assiste à ce phénomène qu’on le veuille ou non. Nous, ce qu’on veut, c’est avoir une ville beaucoup plus diverse. La gentrification est beaucoup due au prix actuel du foncier, nous avons essayé de nous doter d’outils comme les baux réels solidaires pour donner à l’accès à la propriété à des personnes à faibles revenus. On a également augmenté la part des logements sociaux dans les projets immobiliers, y compris dans le diffus et le centre-ville, on expérimente l’encadrement des loyers... À Bordeaux, on veut avoir une ville plurielle, pas une ville de bobos.

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