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Fret fluvial à Bordeaux : encore beaucoup de freins à lever - Premium

Écosystème
jeudi 06 octobre 2022

La péniche La Tourmente a déchargé 30 tonnes de denrées alimentaires, mercredi 5 octobre. Crédits : MB

Ce mercredi 5 octobre, une expérimentation était menée à Bordeaux sur le fret fluvial en cœur de ville. Si les intentions étaient affichées, et les acteurs motivés, plusieurs freins persistent aujourd’hui. Ce qui fait dire aux acteurs de ce projet qu’il faudra encore plusieurs mois – voire années – avant de retrouver une activité de logistique urbaine fluviale régulière.

Au printemps 2021, La Tourmente était amarrée aux Bassins à Flots. Une péniche mobilisée par le collectif Garonne Fertile, qui œuvre pour réhabiliter le fret fluvial entre le Lot-et-Garonne et la Gironde. Ce premier voyage était alors une expérimentation, pour évaluer la faisabilité de ce moyen logistique, qui émettrait quatre fois moins de CO2 que le transport routier. Un an et demi après, le projet persiste, et les différentes parties prenantes – notamment Mangez Bio Sud-Ouest à Damazan, le restaurant bordelais Casa Gaïa ou l’association Hydrogène Vallée, dans le Lot-et-Garonne – y croient.

Ce mercredi 5 octobre, le collectif était épaulé par la Métropole et la Ville de Bordeaux pour réaliser une nouvelle expérimentation, spécifiquement tournée vers le fret fluvial en cœur de ville. Un mode de logistique urbaine qui permet d’acheminer les marchandises via le fleuve, au plus près de ses destinataires, et de réaliser le dernier kilomètre en vélo cargo. 30 tonnes de produits alimentaires – contre 5 tonnes en 2021 – ont ainsi été acheminés entre Damazan et le ponton Richelieu, à Bordeaux, en deux jours au lieu de cinq initialement.

Elargir à d'autres secteurs d'activité

Pour aller plus loin, deux autres acteurs ont pris part à cette journée test. Notamment le groupe bordelais Boyé Matériaux, spécialisé dans les matériaux de construction, qui déménagera bientôt son site à Bassens. « Naturellement, je me suis posé la question du transport de nos matériaux par le fleuve car l’acheminement vers les chantiers situés en centre-ville est de plus en plus complexe, présente Jean Boyé, fondateur du groupe bordelais Boyé Matériaux. Nous avons une problématique de poids, avec grosso modo 1 tonne par mètre cube, et aujourd’hui les moyens de transport doux ne sont pas compatibles avec notre activité. Mais les choses vont très vite, et je pense que dans les années à venir il sera relativement facile de transporter des charges plus lourdes. » En attendant que les modes de transport alternatifs le permettent, un premier voyage a acheminé plusieurs palettes de matériaux entre Bassens et le quai de Bacalan, à l’entrée des Bassins à Flots.

La seconde société, elle, est positionnée sur la valorisation des biodéchets par la méthanisation et le compost. Restovalor est basée à Cenon, mais son dépôt de camions est lui aussi à Bassens. « Notre cœur de métier est certes la valorisation des déchets, mais leur collecte est une composante essentielle de notre activité, met en avant Daniel Folz, directeur de l’entreprise. Avec Garonne Fertile, on parle de la livraison depuis la périphérie vers le centre-ville, nous, nous sommes sur la partie "retour" des flux. » Car il s’agit, pour la PME, d’acheminer les biodéchets collectés auprès de restaurants bordelais, jusqu’à Bassens. « Ce serait un gain de temps énorme pour nos chauffeurs qui seraient à trois minutes de la zone portuaire de Bassens », se réjouit-il le directeur.

Trouver un modèle économique compétitif

Mais cette nouvelle journée de test, 17 mois après la première, révèle les freins auxquels est confronté, aujourd’hui, le fret fluvial. Et en premier lieu, la particularité de la Garonne, dont le niveau varie au grès des marées de deux à six mètres. Ensuite, si les quais du centre-ville ont un passé tourné vers la logistique, ils sont aujourd’hui dédiés aux loisirs et aux mobilités douces. « On ne peut pas y remettre des fonctions dures comme la logistique, sans prendre en compte l’existant, rappelle François Le Gac, directeur de la mission fleuve à Bordeaux Métropole. Et puis, le classement UNESCO nous oblige à nous assurer qu’on ne porte pas atteinte au cadre dans lequel la logistique pourrait s’insérer. » D’où cette journée d’expérimentation, qui, mieux que toutes les études réalisées « sur papier », permet de prendre connaissance à minima des conflits d’usages.

Si ces freins ne sont pas encore levés, la question d’un équilibre économie pérenne est elle aussi en suspens. « Après la première expérimentation, on a conclu que ce n’était pas complètement déconnant au niveau du coût, souligne Benjamin Labelle, de Mangez Bio Sud-Ouest. À partir de 30 tonnes de marchandises, sur ce territoire, on peut bon an mal an être à peu près compétitif à ce qu’on a pour le routier. » Un avis partagé par Mounir Creanza, du restaurant Casa Gaïa, qui rappelle qu’à ses débuts, la logistique à vélo coûtait elle aussi plus cher. « Mais on évite les bouchons donc les clients sont livrés à l’heure, et c’est aussi un engagement de leur part, d’accepter de payer quelques centimes en plus pour être plus vertueux sur le plan social ou écologique. »

Et maintenant, quel calendrier ?

Alors, quand le fret fluvial reprendra-t-il de l’essor au port de la lune ? Jean Touzeau, maire de Lormont et vice-président métropolitain chargé – entre autres – de la valorisation du fleuve, parle d’une « journée exceptionnelle » pour « entamer un processus ». « Je ne me situe pas par rapport à des engagements de calendrier, puisque l’expérimentation vise à une évaluation des perspectives de positionnement dans des appels à projets, des appels à manifestations d’intérêt qui peuvent nous permettre de rentrer dans du concret », explicite l’élu métropolitain.

Plus pragmatique, François Le Gac reconnaît que plusieurs aspects ne sont pas opérationnels même s’il souhaite aller le plus vite possible. Notamment, sur le choix du mode de gestion. « Une société privée, une régie ? » questionne le directeur. « Il faut amener les acteurs du fleuve et les entreprises à s’y intéresser pour générer du volume et cette dynamique, on n’est pas capable aujourd’hui, en réalité, de l’inscrire dans le temps. »

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