Adaptation : Artouste mise sur le train et la diversification - Premium

La silhouette du Pic du Midi d’Ossau émerge d’une mer de nuages. Etonnant, comme l’angle depuis lequel on regarde une montagne peut changer son apparence. Depuis Artouste, il est si proche que l’on distingue des aspérités sur ses parois qui lui donnent une apparence organique, des airs de tête d’oiseau de proie. Et l’on se dit que Jean-Christophe Lalanne, le directeur de la station d’Artouste, a bien du mérite d’avoir gardé son bureau au pied du téléphérique plutôt que de l’avoir monté ici, au-dessus des nuages. La canicule tape en plaine ce jour-là. « Plus il fait chaud, mieux je me porte », rigole Jean-Christophe Lalanne. Quand il fait quarante degrés en plaine, il en fait trente ici, explique-t-il. Les gens montent rechercher la fraîcheur. Et la fréquentation d’Artouste explose. Car la station s’est engagée depuis longtemps dans la transition vers un modèle de fonctionnement sur quatre saisons ; un modèle dans lequel l’activité ski ne représente qu’une partie de l’offre touristique. Pourtant, Artouste a le temps de voir venir avant d’être menacée par le réchauffement climatique. Son atout : un front de neige très élevé, à 2000 mètres d’altitude, alors que les autres stations béarnaises se situent plusieurs centaines de mètres plus bas. « Ça nous donne un coup d’avance, considère Jean-Christophe Lalanne. Ce qui était notre inconvénient est devenu notre avantage ». Malgré cela, la station ne mise pas, pour demain, sur son activité ski. Elle a même fait le choix de ne pas avoir recours à la neige de culture, celle déployée par les canons à neige.« Il faut faire autre chose que du ski »« C’est une décision que j’ai prise en 2020. Ça n'a pas été facile de la faire passer en conseil d’administration. Mais c’est une décision économique et écologique. »Car pour produire de la neige de culture, il faut ce que les professionnels appellent une fenêtre de froid, c’est-à-dire plusieurs jours consécutifs de basses températures durant lesquels les canons à neige peuvent fonctionner. Une activité énergivore… et de plus en plus difficile à mettre en œuvre. « Dans les années 1980-1990, on avait des fenêtres de froid de sept jours, reprend Jean-Christophe Lalanne. Aujourd’hui, c’est trois jours. Jusqu’où va-t-on aller ? Est-ce raisonnable d’espérer produire en un jour ou deux la quantité de neige nécessaire à faire fonctionner la station ? » Renoncer à la neige de culture, c’est se priver d’une partie considérable de son activité pendant la saison hivernale. L’hiver dernier, le domaine skiable d’Artouste n’a fonctionné que pendant 53 jours sur les 100 espérés. Et il n’y a pas de raison de croire que la tendance va s’améliorer. Alors que faire ? « Se transformer » répond Jean-Christophe Lalanne. « Il faut faire autre chose que du ski… et cet autre chose reste à inventer ». Ce sont d’abord de nouvelles activités de neige, moins dépendantes du niveau d’enneigement, avec la mise en place de circuits raquettes et ski de randonnée, de motoneiges électriques…Le petit train, atout maître d'Artouste face au réchauffementMais l’atout maître de la station d’Artouste est ailleurs, et moins récent. Derrière le restaurant d’altitude, des rails, quelques aiguillages. Une petite locomotive rouge et jaune et des wagonnets ouverts attendent les voyageurs. C’est le Petit Train d’Artouste, attraction touristique centrale de la vallée d’Ossau. Avec 120.000 visiteurs à l’année, il représente 70% du chiffre d’affaires de la station. Pour le train, le réchauffement est même plutôt une bonne nouvelle, qui agrandit sa fenêtre d’exploitation : il commence même à ouvrir en hiver.Les activités de neige ne représentent, quant à elles, que 20% du chiffre d’affaires. Les 10% restants, ce sont toutes les nouvelles activités d’altitude dans lesquelles la station investit. Et là encore, les idées ne manquent pas : karts de montagne, location de VTT, mise en service d’une tyrolienne à virages, mais aussi restauration et services événementiels (repas en télécabine, concerts en altitude…), sont autant d’innovations introduites ces dernières années. Et Artouste ne compte pas s’arrêter en si bon chemin.2,5 millions d'euros investisSous les cabines du téléphérique, un chemin de terre serpente à flanc de montagne. C’est le tracé du futur circuit de luge sur rail. Et à quelques mètres de la gare du Petit Train, une pente herbeuse accueillera bientôt une piste de ski « toutes saisons », sur revêtement synthétique. Total des investissements prévus : 2,5 millions d’euros, financés par des subventions de la région, du département et de l’Etat. « Avec tous ces équipements, notre offre sera assez étoffée pour pouvoir recevoir des visiteurs pendant plusieurs jours. C’est notre objectif », assure Jean-Christophe Lalanne.« Vous voyez, répète-t-il en riant, moins il y aura de neige, mieux je me porterai ». Car ces nouvelles activités sont plus rentables que le ski, et également moins coûteuses en termes d’entretien et d’opération. « En termes de carburant, le train consomme moins en une année complète que ne consomme une seule dameuse à neige en une saison », explique le directeur de la station. Et faire tourner Artouste toute l’année permet aussi de fixer les emplois saisonniers et d’éviter les difficultés de recrutement. « Aujourd’hui, on tutoie l’équilibre financier. Demain, avec nos nouveaux équipements, on y sera, assure Jean-Christophe Lalanne. Je suis optimiste, on va devenir de plus en plus forts. Notre station est en pivot entre la France et l’Espagne, nous avons le bassin de population de Huesca-Saragosse, c’est un million de personnes qui ont très chaud en été ! Nous allons faire beaucoup de marketing et de publicité dans cette direction-là. Et je pense qu’à l’avenir nous allons faire des années exceptionnelles ! » Station d’altitude d’Artouste Chiffre d’affaires : 3,5 millions d’euros 60 employés (hiver), 110 (été)

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