Face à l'effondrement de son plus gros marché, la filière blé régionale doit s'adapter
En moyenne, 3 millions de tonnes de blé tendre qui partent à l'export via le port rochelais de la Pallice. Crédit : Arvalis
La filière régionale du blé tendre se réunit ce mercredi à La Rochelle, port d'exportation, pour son colloque. Après une « très mauvaise » année, les acteurs doivent entamer des mutations longues.
Changement climatique, cartes géopolitiques rebattues, c'est toute la filière du blé tendre qui doit s'adapter à une nouvelle donne. Elle va devoir devoir nettement se montrer agile et résiliente. ce ne sont pas que des mots à la mode. Produisant en moyenne six millions de tonnes de grain par an, la filière du grand quart sud-ouest de la France doit faire face à l'effondrement de son premier marché et envisager les moyens de s'adapter au dérèglement climatique. Ces enjeux seront à l'ordre du jour du colloque organisé ce mercredi à La Rochelle. La filière se compose des agriculteurs, coopératives mais aussi des collecteurs, meuniers, fabricants d'alimentation pour bétail, traders.
« 2024 a été une très mauvaise année, résume Alexis Decarrier, ingénieur chez Arvalis et animateur de la filière blé tendre. La récolte a été mauvaise après presque deux ans de pluie ». Le bassin de production du Poitou-Charentes, Pays de Loire et l'ouest de la région Centre a produit quatre millions de tonnes en 2024, à peu comme en 2020, année de forte sécheresse.Les deux tiers sont destinés à l'alimentation humaine (farine, pâtisserie, pain) et un tiers pour l'alimentation animale.
Rester compétitif dans un marché mondial
En plus, le bassin « Océan Centre Ouest », qui exporte via le port de La Rochelle, est très tourné vers l'export. Et en 2024, le marché algérien a chuté. Chaque année, ce sont environ 3 millions de tonnes de blé tendre qui partent à l'export via le port rochelais de la Pallice. « Suite aux tensions politiques entre la France et l'Algérie, ce pays ne se fournit plus chez nous, indique Alexis Decarrier. Nous avons donc commencé à chercher de nouveaux marchés, notamment en Afrique sub-saharienne, en forte croissance, mais aussi au Maroc ou Portugal ou en Europe. » Pour l'alimentation du bétail, le marché est français et stable.
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L'enjeu de la filière du blé tendre est d'adapter sa production aux différents marchés mondiaux ayant des cahiers des charges différents mais au sein d'une réglementation Européenne plus forte que dans d'autres zones du monde. Clairement, pour rester compétitif, la filière devra augmenter la quantité de grains produits (par la génétique et l'adaptation des variétés en fonction du climat) tout en diminuant les coûts de production (en baissant le volume d'intrants, le coût de la main d'oeuvre et de la mécanisation).
Pour résister au déréglementation climatique, un travail de recherche est mené de longue date par les semenciers pour créer des variétés résistantes aux sécheresses comme aux fortes pluies. « Celle que nous utilisons semble bien résister aux précipitations » estime Frédéric Boursiquot, agriculteur en Charente-Maritime et président du Forum Blé tendre Océan Centre Ouest. Les outils d'aide à la décision (logiciels…) permettent de plus en plus finement de suivre l'impact des maladies sur la plante. Cela permet d'adapter l'apport d'intrants en fonction de l'avancement de la maladie ou des aléas climatiques, donc plus finement, et avec des quantités moindres. Pour les engrais, c'est le même principe avec le même objectif : réduire la quantité d'intrants.
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Afin de diminuer le coût de la mécanique, la filière pense à la mutualisation du matériel, avec le recours aux Cuma notamment, mais aussi à l'augmentation des surfaces des exploitations. « Les départs à la retraite de bon nombre d'agriculteurs permettent d'agrandir les surfaces de nos exploitations afin de lisser les coûts » renchérit Frédéric Boursiquot.
Dérèglement climatique
Standardisation des grains, augmentation des surfaces des exploitations ne vont pas forcément dans le sens de la préservation de la biodiversité mais les producteurs avancent l'argument de devoir s'adapter aux demandes des acheteurs. « La biodiversité c'est très bien mais les acheteurs ne sont pas prêts à payer un peu plus cher, affirme l'agriculteur charentais-maritime. Ils regardent le prix et la qualité. Les marchés français font un peu plus attention à la biodiversité et à l'environnement, et encore pas tous. Les marchés qui paient pour préserver la biodiversité, c'est virtuel, ça n'existe pas. »
La filière se positionne en jonglant entre marchés de niches (chaînes de supermarchés, boulangeries) ou marchés de masse (marchés français de farines, export pour l'alimentation du bétail). La force de la zone grand ouest de la France est son terroir qui lui permet de produire un grain répondant aux cahiers des charges : taux de protéine à 10 ou 12%, force boulangère (capacité de déformation de la pâte réalisée par une farine), poids du grain, etc.
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