Darwin s’intéresse à la Friche des Ponts, à Limoges, et poursuit son maillage régional - Premium

Le nom de la Friche des Ponts ne parle très certainement pas aux Girondins, et plus globalement, aux non-Limougeauds. Pourtant, à Limoges, cette guinguette éphémère installée en bord de Vienne s’est imposée depuis 2020 comme un événement incontournable de juin à août. Chaque année, foodtrucks et buvettes s’installent sur le parking du terrain de la Font-Pinot, mêlés à des animations qui attirent, sur trois mois, 50.000 personnes. Un événement « familial, multigénérationnel et écoresponsable, car c’est le premier festival de "food" où tout est servi dans de la porcelaine de Limoges », présente la cofondatrice de la Friche, Agathe Dacoury-Tabley. Or, il y a peu, le journal local Le Populaire du Centre révélait que ce village éphémère allait devoir se trouver un nouveau terrain… avant d’annoncer que le Bordelais Darwin Évolution, propriétaire de l’écosystème éponyme, était intéressé pour reprendre le concept - et surtout le foncier. Car la Friche, hormis l’écrin de verdure coupé de la circulation, occupe partiellement un terrain d’1,5 hectare, appartenant au porcelainier Pierre Arquié. Un site que ce dernier souhaite vendre. « En tout, il y a une emprise bâtie de 7.000 m² sur un seul niveau », présente à Placéco Frédéric Brochet, chargé du développement de Darwin Évolution. Qui confirme au passage l’intérêt de l’acteur bordelais pour la capitale de la porcelaine.Rien n'a encore abouti Bientôt, donc, un petit Darwin à Limoges ? Philippe Barre, fondateur de l’écosystème bordelais, réfute ce terme. « Je sais que pour certains, on peut être une sorte de référence. Moi le premier, avant de créer Darwin, je suis allé à Lisbonne, Berlin ou Brooklyn, dans des lieux qui m’ont inspiré et dont on a copié des bouts. Mais je veux être très clair, on est toujours le Parisien d’un autre. Et quand on va dans un territoire voisin au nôtre, on ne veut pas avoir l’air de dire “ce sont les Bordelais qui viennent dire à Limoges ce qu’il faut faire”. » D’autant que, rappelle Frédéric Brochet, rien n’est encore acté, et la vente n’est pour l’instant pas assurée d’aboutir. Du côté du collectif limougeaud, Agathe Dacoury-Tabley reste également prudente. « Nous sommes ravis d’avoir rencontré l’équipe de Darwin, mais tout est encore dans les tuyaux. » Pour autant, si le projet voit le jour, il pourrait intégrer une mixité d’usages similaire à la caserne Niel, qui compte aujourd’hui 300 organisations, entreprises, associations, collectifs informels et ONG. « Nous sommes dans cet esprit de lieu commun pour le territoire de Limoges. Qu’il soit ouvert, mais aussi un endroit où l’on travaille, où l’on fabrique. Un vrai lieu de croisement », esquisse Philippe Barre. Et d’ici là, la Friche des Ponts pourrait se dérouler à nouveau, en 2024. « Nous sommes habitués au "work in progress", nous sommes capables de prendre un lieu et de l’animer avant même le premier coup de pioche », rappelle le fondateur de Darwin.Angoulême, Arcachon, et autant de lieux hybrides Cette incursion en terres limousines n’est pas le premier projet hors Bordeaux. Darwin Évolution, l’entité juridique, a posé un pied à Angoulême avec le projet Alligator 57 : une friche industrielle de presque 4.000 m², baptisée la halle 57, aujourd'hui propriété de la SNCF et de plusieurs de ses filiales. Après avoir remporté un appel à projets, le Bordelais est en passe d’acquérir le foncier pour en faire un lieu hybride pérenne, en lien avec le Festival international de la bande dessinée de la ville charentaise. « Mais ça prend plus de temps que prévu, et ce n’est pas de notre fait, clarifie Philippe Barre. Les contraintes de la SNCF ne sont aujourd’hui pas en accord avec celles des collectivités. On avait tablé sur une ouverture en 2024, or on sera encore dans la même physionomie d’exploitation, c’est-à-dire uniquement lors du festival. » Des difficultés qui s’expliquent pas un terrain morcelé, composé de plusieurs fonciers répartis entre les différentes filiales de la SNCF. « On souhaite que ça accélère, on en a fait part aux collectivités locales, régionales, à l’Etat et à la SNCF. Pour qu’ils se rapprochent entre eux et que ce qui ne nous concerne pas - c’est-à-dire la mutation d’un site ferroviaire vers une ouverture au public - soit enfin réalisé », déroule notre interlocuteur. Enfin, dernière acquisition non pas bordelaise mais girondine : l’ancien site d’Orange de Camicas, fort de 24 hectares. Acheté par le groupe W Life en 2020, le terrain avait été loué dans un premier temps à Darwin Évolution. Qui avait dû se retirer à cause de la présence de squatteurs. « Les squats, les bidonvilles, les gens à la rue, on les connaît et on les accompagne. On a cherché à voir si on ne pouvait pas les aider, mais nos collaborateurs qui étaient sur le site ont été mis en danger, donc j’ai retiré tout le monde », se remémore le fondateur de Darwin. Qui réussira finalement à acquérir le foncier, accompagné de plusieurs investisseurs comme Jean Merlaut, propriétaire de plusieurs châteaux bordelais ou de la Source des Abatilles ; et Vincent Gaume du groupe éponyme, propriétaire entre autres du réputé restaurant la Corniche, au pied de la dune du Pyla. Un projet « à plusieurs millions d’euros » qui, depuis 2021, est devenu une conserverie de graines anciennes. Camicas ne vise pas de retour sur investissement immédiat, mais se pense en investissement à long terme. « C’est un projet patrimonial, au sens où l’on entend conserver cet espace naturel exceptionnel. » Ces acquisitions et développements ont été rendus possibles grâce au soutien de la société de gestion Amundi, et de son fonds à impact. En 2020, elle est entrée au capital de Darwin Évolution dans le but de soutenir l’écosystème bordelais, mais aussi et surtout, de faire éclore ailleurs sur le territoire des projets similaires. Philippe Barre le répète : « À chaque fois, ce sont des projets différents. Mais qui, néanmoins, répondent à des enjeux d’impact social, économique, écologique, culturel, citoyen et démocratique. »

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