Comment la ferme Marcotte a choisi la vente directe - Premium

Aurélien Laforge emploie un plaisant euphémisme pour décrire le climat du Béarn : « La pluviométrie y est suffisamment importante », dit-il avec un sourire entendu. Suffisamment importante, donc, pour faire pousser sans irrigation du maïs, dont la monoculture définit encore aujourd’hui la campagne béarnaise. C’était d’ailleurs le cas de la ferme Marcotte, installée à Ger, quand il l’a reprise avec son épouse Florence. « C’était une exploitation familiale typique : un peu d’élevage pour leur propre consommation, et du maïs en monoculture revendu aux coopératives », raconte-t-il. Depuis, les nouveaux exploitants ont fait basculer le modèle économique de l’exploitation dans un sens diamétralement opposé. Tout d’abord, une partie du maïs a laissé la place à du soja. Et ce sont ces céréales qui servent maintenant à l’autoconsommation de la ferme : les cinq tonnes de soja produites à l’année, tout comme 35 des 300 tonnes de maïs servent à Aurélien et Florence Laforge à nourrir les volailles qui constituent désormais la majorité du chiffre d'affaires de l’exploitation. Entre 60 et 70%, précise Aurélien Laforge, le reste étant représenté par la revente à Euralis de l’excédent de maïs. Mais pour la vente de leurs volailles, le couple d’agriculteurs a décidé de se passer d’une coopérative. À lire également - Agrivoltaïsme : la ferme Etchélécu mise sur des serres innovantesLe choix de la vente directe « On fonctionne entièrement en vente directe, raconte Aurélien Laforge. En partenariat avec cagette.net, une plateforme de producteurs qui permet de proposer ses produits directement aux clients avec une réservation en ligne ». Dans la ferme, un petit magasin propose aussi les produits aux visiteurs. « On est ouverts deux jours par semaine, mais on réfléchit en ce moment à ouvrir un peu plus, pour pouvoir accueillir des clients plus régulièrement ». Pas question, à ce stade, d’embaucher un vendeur, Aurélien et Florence Laforge se chargent eux-mêmes de l’accueil des clients. Dans les étagères du magasin, diverses conserves et plats cuisinés. « On a lancé récemment une gamme de produits transformés à base de nos poulets, raconte Aurélien Laforge, avec une conserverie à Gardères mais sur la base de nos recettes. C’est de la diversification ». L’avantage de ce modèle, selon Aurélien Laforge : « On est maîtres de toute notre commercialisation, du prix des céréales au prix de vente au kilo, que l’on peut ajuster au centime près selon nos calculs. » « Actuellement, reprend-il, on est à 9€20 le kilo de poulet pour les particuliers, moins pour les professionnels et les restaurateurs. Lissé sur l’année, nous tournons autour de 8€ le kilo ». Un prix de vente qui permet, tout en ne produisant que 6.000 volailles à l’année, soit beaucoup moins que certains gros producteurs, de « nous sortir un SMIC », raconte t-il. « Pour pouvoir valoriser un peu plus, il faudrait être à 11, mais ça coince du côté des consommateurs », regrette-t-il. Mais c’est en tout cas un prix nettement plus intéressant qu’en vendant via une coopérative. « Quand vous travaillez avec une coopérative, vous devenez un peu leur employé et finalement, vous ne décidez pas de grand-chose, considère Aurélien Laforge. Moi, si demain je veux mettre mon poulet à 15 euros, ça me regarde. » Reste à animer cette vente directe. « La plus grosse partie du travail au niveau de la partie volaille, c’est la commercialisation, et dans la commercialisation la plus grosse partie c’est la communication. Florence fait tout un travail là-dessus, raconte Aurélien Laforge. Elle anime nos réseaux sociaux, Facebook, Instagram, on a aussi mis en place un site internet. C’est beaucoup de bouche-à-oreille, beaucoup de communication, de présence au niveau local, c’est comme ça que l’on se fait sa clientèle ». La ferme organise aussi à intervalles réguliers des animations gratuites pour attirer visiteurs et clients potentiels : « Des ateliers cuisine autour de la volaille, du poulet ou de l'œuf. On essaie de sensibiliser les enfants, de leur faire découvrir les fermes. Ça permet de nous faire connaître et c’est un investissement sur le long terme. Il faut du temps pour que la mayonnaise prenne, ça ne se fait pas en un ou deux ans. » Au bout de quatre ans de travail, considère Aurélien Laforge, « on voit que c’est un train de prendre, on a de plus en plus de demande. »Clientèle à fort pouvoir d'achatUn modèle économique dont l’émergence a été rendue possible par l’évolution sociologique des campagnes : les clients de la ferme Marcotte sont bien souvent des néoruraux ou des périurbains, des classes moyennes ou supérieures dont les valeurs le portent à l’achat en circuit court… et qui disposent d’un pouvoir d’achat suffisant. « Il ne faut pas oublier qu’il y a des gens qui ne peuvent pas se payer du poulet à ce prix, nuance Aurélien Laforge. Et il faut aussi se souvenir que le métier d’un agriculteur, c’est de nourrir le monde. Si tous les agriculteurs se mettaient à mon modèle à 6.000 poulets par an, on créerait la famine », considère-t-il, avant d'ajouter : « les modèles agricoles ne s’opposent pas, et il n’y a pas une solution meilleure que l’autre. Chacun trouve son intérêt et sa philosophie de production. »À lire également - Crise agricole (3/6) : L’agritourisme, un moyen pour se diversifier et valoriser ses produits ?L’agriculteur apporte une autre nuance au succès de son modèle : « La chance que nous avons eu, c’est d’avoir repris une exploitation agricole qui existait depuis trois générations et qui avait été très bien gérée. Cela nous a permis de démarrer avec des terres, des bâtiments déjà payés, du matériel en bon état, une exploitation viable et de l’argent sur le compte en banque. Nous n’avons eu à emprunter que 100.000 euros pour notre production de volaille. C’est un privilège… et ça n’est pas accessible à tout le monde. »

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