Énergie : avec GenF, Thales veut mettre la Gironde au cœur de la fusion nucléaire - Premium

« On va allumer une étoile sur Terre. » Yann Gérard, président de la jeune société GenF, filiale du groupe Thales créée en septembre 2024, avait l’accent lyrique ce jeudi 15 mai, au moment d’inaugurer le site dont l’entreprise se dote au Barp. Avec cette jeune pousse, le leader mondial des lasers de haute puissance entend concevoir un premier réacteur à fusion nucléaire par confinement inertiel. Une technologie permettant de produire « une nouvelle énergie, sûre, abondante, peu chère et radicalement peu polluante. Nous allons en démontrer la faisabilité, construire des briques technologiques souveraines et concevoir ce réacteur dans le courant de la prochaine décennie », prophétisait à cette occasion Alexis Morel, vice-président de Thales en charge des activités optroniques, électronique de missile et laser.Une production d’énergie que le groupe - comme d’autres, les recherches s’accélèrent partout dans le monde dans ce domaine depuis le début de la décennie - identifie comme « l’une des solutions pour répondre à deux enjeux cruciaux, d’une part la nécessité de réduire les émissions de carbone dans le monde et, d’autre part, la demande sans cesse croissante en énergie de différents secteurs de l’économie tels que le transport, le bâtiment, l’agriculture ou encore la filière numérique ». À cet égard, selon l’Agence Internationale de l’Énergie, la consommation d’électricité par les data centers devrait plus que doubler d’ici 2030, notamment en raison de la montée en puissance exponentielle de l’IA.Reproduire l’énergie des étoilesThales et son bras armé GenF misent donc sur cette fusion par confinement inertiel (FCI), par opposition au confinement magnétique, autre solution expérimentée par d’autres acteurs, notamment la startup allemande Gauss Fusion qui a récemment essaimé à Mérignac. Et vantent ses qualités promises : ne présentant pas de risque d’emballement, utilisant des ressources présentes en grande quantité dans la nature (principalement le deutérium, un isotope de l’hydrogène présent dans l’eau de mer), compétitive (vision cible du prix de 100€/MWh, conforme aux conditions actuelles de marché). Et bas carbone : à l’instar de sa devancière, la fission nucléaire, elle n’émet pas de gaz à effet de serre. Mais à la différence de cette dernière, « elle génère un million de fois moins de déchets radioactifs et ces déchets peuvent être éliminés plus vite », assure ainsi Yann Gérard.Cette fusion par confinement inertiel repose sur l'usage coordonné d'une centaine de lasers de pointe, qui vont simultanément cibler une minuscule bille de combustible (le tritium, lui-même issu de la fusion du deutérium). La pression va augmenter, la température avec elle, jusqu’à un point critique où l’énergie est libérée. Tout se passera au cœur d’un réacteur baptisé Taranis - dieu des éclairs que les lecteurs assidus d’Astérix connaissent bien - développé en partenariat avec le CEA, le CNRS, l’École Polytechnique. Ce qui amène au choix du Barp : le Laser Mégajoule (LMJ) évidemment, qui servira dans la phase de développement, le site du CEA-Cesta, mais aussi la présence de l’Université de Bordeaux et la filière laser girondine en général, constituent ainsi un écosystème de choix pour un tel projet.Un Fusion Hub au Barp en 2028Une implantation prometteuse qui réjouit Alain Rousset. Le président du Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine racontait ainsi ce jeudi s’intéresser à la fusion inertielle « depuis 15 ans ». Aussi « quand vous [ndlr, GenF] êtes venus me voir, j’avais la banane, souriait-il, maintenant on n’a plus qu’à se mettre les mains dans le plasma ». Ce site girondin va ainsi contribuer à porter un développement en trois phases. D’ici 2027, première phase de modélisation et de simulation, calibrées par des expérimentations sur des installations existantes comme le LMJ. Puis, de 2027 à 2035, la montée en puissance des technologies de fusion. « On va avoir plusieurs technos à maturer », souligne Yann Gérard, qui rappelle que la démonstration en laboratoire remonte à 2022. Cette étape impliquera la construction d’un « Fusion Hub » au Barp attendu pour 2028, pour vérifier expérimentalement les concepts théoriquement définis. Enfin, à partir de 2035, une troisième phase pour aboutir au passage du réacteur à l’échelle, à la construction du premier prototype. En Gironde ? Si, à ce stade, aucune décision n’est arrêtée, nul doute que les acteurs locaux se mobiliseront. La SEML Route des Lasers suit en tout cas le dossier au plus près.Thales et GenF envisagent l'implantation d'un Fusion Hub au Barp, pour passer de la théorie à l'expérience. Crédit : ThalesCe projet de réacteur Taranis a été sélectionné en février 2024 suite à un appel d’offres porté par Bpifrance pour le compte de l’État. À ce jour, une première enveloppe de 18,5 millions d’euros est sécurisée (3,5M€ de subventions France 2030 financement Thales). Au Barp, une première équipe de dix personnes - qui devrait doubler d’ici 2027 - se met à l’œuvre, entraînant dans son sillage une quarantaine de collaborateurs, tous instituts partenaires confondus. En parallèle, GenF planche sur une première levée de fonds pré-seed. Une opération que Thales et GenF veulent boucler d’ici la fin de l’année, pour laquelle Exergon - fonds de capital risque dédié à la décarbonation des industries, lancé début 2024 par Audacia - sera l’investisseur principal. Pour un financement de quelle ampleur ? « On reste modeste, ça sera en relation avec les 18,5 millions sécurisés », rappelle Alexis Morel. Joli tour pré-seed en perspective. Une première étape d’un projet globalement chiffré en centaines de millions - voire milliards - d’euros, en vue d’aboutir en phase commerciale d’ici 2040. Et l’ambition de peser dans le mix énergétique français à partir de 2050.GenFSAS fondée en mai 2022Siège social : Élancourt (Yvelines), établissement de recherche au Barp (Gironde)Effectif : une dizaine de personnesCA : n. c.

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