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Pour Nicolas Thierry, « on doit se positionner sur les filières les plus prometteuses »

Écosystème
vendredi 11 juin 2021

Nicolas Thierry - Crédits : Benjamin Boccas

Tête de liste EELV aux élections régionales, Nicolas Thierry souhaite une « économie régénérative », indissociable de l’environnement. Opposé à la LGV Bordeaux-Toulouse mais pas à l’aéronautique, il revient pour Placéco sur une partie de son programme économique loin de « toutes caricatures ».

Vous expliquez dans votre programme vouloir créer un pacte économique vert pour la Nouvelle-Aquitaine. Ecologie et économie sont aujourd’hui indissociables, pour vous ?
Oui, les deux sont liés car il y a deux enjeux aujourd’hui : répondre au défi de l’emploi et en même temps répondre à la crise écologique qui est devant nous. Il n’y a pas d’emploi, pas de développement économique sur une planète où les territoires seraient difficilement vivables. L’écologie c’est le nerf de la guerre, le carburant de l’économie de demain. Mais je préfère parler de reconstruction écologique plutôt que de transition car cela souligne le besoin d’investissements massifs. Pour accompagner des filières actuelles, très importantes pour notre région comme l’aéronautique ou l’agro-alimentaire et qui ont une mutation à faire dans les dix ans à venir. Mais aussi pour faire émerger des filières d’avenir pourvoyeuses d’emploi.

« On doit se positionner sur les filières les plus prometteuses »

Vous mentionnez notamment 100.000 emplois qui seraient créés d’ici 2028… Dans quels secteurs d’activité ?
Concrètement, le 20e siècle était le siècle de l’agrochimie, le 21e siècle sera celui de l’agroécologie. Cela génère forcément plus d’emplois, avec la notion de circuits-courts, les petits projets de méthanisation partout sur le territoire… Sur tout le volet agricole nous chiffrons à 20.000 le nombre d’emplois créés d’ici 2030. Ensuite, il y a les transports et la mobilité. Notre priorité est de proposer un grand plan rail pour le train du quotidien : la rénovation ou la modernisation de l’ensemble des lignes de Nouvelle-Aquitaine coûteront entre 100 et 150M€ par an pour 15.000 emplois générés, en incluant les mobilités douces. Ensuite, il y a le secteur des énergies renouvelables. On doit se positionner sur les filières les plus prometteuses. On sait qu’il y a des ruptures technologiques devant nous comme des panneaux solaires organiques qui sont moins polluants, ou des éoliennes offshores flottantes. Quand on a 800 km de côte je crois vraiment qu’il faut miser sur ce procédé. Pour tous ces secteurs, nous tablons sur 30.000 emplois créés d’ici 2030.

Et les 35.000 emplois restants ?
Ils concernent le bâtiment et plusieurs sujets : les matériaux biosourcés mais aussi les métiers autour de l’éco-urbanisme. Enfin, nous portons un grand plan de rénovation des bâtiments qui doit être guidé par une justice sociale. Avant la crise il y avait déjà 800.000 personnes qui vivaient sous le seuil de pauvreté, et la majorité écrasante vit dans des passoires énergétiques. Il faut mettre des politiques en place sur tout le territoire. C’est bon pour le climat, la facture des personnes ayant un revenu modeste diminue, et cela crée de l’emploi local et non délocalisable en remplissant le carnet de commandes des artisans. Je crois d’ailleurs que c’est aux pouvoirs publics de montrer l’exemple : il y a un patrimoine bâti très important, ça pourrait être un plan de relance à court terme.

Vous mentionnez également l’achat public pour « favoriser les entreprises locales et engagées », or c’est un marché très réglementé. Comment comptez-vous procéder ?
L’un des leviers intéressants, c’est l’impact carbone. Si on arrive à remonter le critère du bilan CO2 de l’achat dans la commande publique, on privilégiera mécaniquement les entreprises locales car on sait à quel point le transport pèse lourd dans les matières premières importées. Il faut utiliser ce levier, sinon nos entreprises sont mises en concurrence de façon assez déloyale. On peut aussi imaginer que la Région accompagne les entreprises en termes de méthode, d’ingénierie, pour qu’elles deviennent encore plus pointues dans leurs capacités à faire des bilans carbones. On peut les outiller.

« La filière aéronautique ne peut pas croître indéfiniment »

Vous avez mentionné l’aéronautique en début d’échange, en expliquant qu’il faut une reconstruction écologique. Concrètement, soutiendrez-vous ce secteur si vous êtes élus ?
Je l’ai dit durant le débat : je m’éloigne de toutes les caricatures qui peuvent être faites. C’est un sujet complexe, et il faut amener de la nuance. Evidemment qu’on a besoin d’une filière aéronautique, elle est très précieuse pour la Nouvelle-Aquitaine et on a la chance d’être en pointe sur le sujet. Cette filière abrite des compétences de très haut niveau et demain, il y aura toujours des avions qui voleront dans le ciel. Une fois qu’on a dit ça, il faut aussi regarder notre situation : les scientifiques nous le disent, nous avons 10 ans pour baisser drastiquement les émissions de CO2.

Il faut assumer que la filière aéronautique ne peut pas croitre indéfiniment car ça ne serait pas compatible avec l’impératif climatique. On nous parle de l’avion vert qui règlera tout, de l’avion solaire, de l’agrocarburant… Ce sont des voies qui pourraient être suivies de façon marginale et qui ont chacune leurs problématiques. Enfin il y a l’hydrogène vert, qui est je pense une vraie piste, mais les experts nous disent que la filière ne sera mature que d’ici 30 ou 35 ans. Alors oui, il faut faire un effort et investir massivement dans l’aéronautique, mais ça ne suffira pas face à l’urgence climatique. Le seul moyen, c’est de réduire le trafic aérien pour les vols intérieurs.

Comment faire, alors, pour préserver les emplois ?

Une grande part des salariés continueront évidemment de travailler dans l’aéronautique, mais il y a des ponts à faire – c’est le rôle des pouvoirs publics, en utilisant des compétences du secteur pour faire émerger de nouvelles filières. Pour l’éolien offshore flottant on a besoin de soudeurs de très haut niveau par exemple, qu’on ne trouve nulle par ailleurs que dans l’aéronautique. C’est le rôle de la Région d’anticiper les mutations à venir, pour que chaque salarié de ces filières puisse se projeter sereinement dans l’avenir.

Concernant le financement public, vous proposez de créer une société régionale de transition, mêlant investissements publics et privés. Pourquoi ?
Aujourd’hui la Région ne peut pas être à la hauteur, financièrement, toute seule. Il faut trouver des marges de manœuvre financières pour opérer la reconstruction écologique, et la société régionale de transition est l’une des solutions. Il s’agit d’une société d’investissement au sein de laquelle des acteurs privés siègeront aux côtés du Conseil régional et d’autres collectivités. Les acteurs publics resteront majoritaires mais la structure pilotera un capital public-privé qui financera de grandes filières industrielles ou des projets de transition sur le territoire. Ce qui permet de ne plus faire de chèque en blanc à de grands groupes privés, et parfois entrer au capital des entreprises qui nous sollicitent.

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