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Mécénat : les territoires sont très largement moteurs

Écosystème
jeudi 04 avril 2024

Béatrice Bausse, déléguée générale de la Fondation de France Sud-ouest. Crédits : Fondation de France Sud-ouest

21 ans après l’adoption de la loi Aillagon qui favorise le mécénat, comment influe-t-elle sur le paysage associatif français ? Quelles formes ce mécénat prend-il ? Éléments de réponse avec Béatrice Bausse, déléguée générale de la Fondation de France Sud-ouest.

En fin d’année 2023, la loi Aillagon, qui fixe notamment les avantages fiscaux liés au mécénat, a fêté ses 20 ans. Que lui doit-on ?
On peut dire qu’elle a donné une impulsion totalement décisive, il y a clairement eu un avant et un après. Avant, le mécénat n’était pas vraiment un sujet pour les entreprises. Les dirigeants nous renvoyaient qu’ils avaient d’autres préoccupations, et que l’intérêt général et le mécénat, c’était quand tout allait bien et qu’il n’y avait pas de problème. Tout cela a considérablement changé, il y a même eu un effet de rattrapage. On le voit avec les nombreuses fondations d’entreprises qui ont commencé à se créer après les années 2000, et il y en a de plus en plus. Donc, les entreprises ont aussi changé de rôle dans la cité - leurs dirigeants sont des citoyens à part entière, ils ont des conjoints, des enfants qui fréquentent des clubs sportifs par exemple.

C’est souvent l’exemple que l’on donne quand on parle du mécénat - le « cliché » du club de foot des enfants. Au-delà, y a-t-il une prise de conscience de l’importance de soutenir des actions d’intérêt général ?
Oui, et ce sont souvent les salariés qui sont très porteurs d’initiatives associatives, d’opérations d’urgence aussi. Les chefs d’entreprise y sont attentifs. J’ai le souvenir d’un dirigeant qui, au moment du Covid-19, m’a dit « on va vous faire un don, ce sont mes salariés qui sont venus me voir et qui veulent faire une collecte ». On voit aussi, au niveau de la gouvernance quand il s’agit de parler d’intérêt général, qu’il y a une écoute globale - ce n’est pas du tout anecdotique.

Cet entretien a été réalisé dans le cadre de la préparation de Résolution, la journée des solutions RSE. Cette seconde édition qui se déroule le 11 avril prochain au Palais des Congrès de Bordeaux, place la contribution au territoire comme fil rouge de la journée. Pour en savoir plus, rendez-vous sur le site internet.


Comment la question du territoire rejoint-elle celle du mécénat ?
La question du territoire est essentielle, ça va quasiment de pair. Très vite, on a compris que des entreprises qui vont bien, c’est un territoire qui va bien, et réciproquement. Quand vous avez des besoins de compétences qui ne sont pas présentes en local, que des personnes viennent d’ailleurs, elles arrivent avec leur famille et doivent trouver un environnement où elles peuvent s’épanouir. Donc on voit des entreprises qui se mêlent de cela, et des dirigeants qui disent « on a pu recruter, ils étaient d’accord pour venir mais leur famille est restée à Lyon à Paris car pour l’instant ils ne se voient pas changer d’école, d’environnement… »

La fondation d’entreprise, un modèle qui se déploie

Voyez-vous arriver des formes innovantes de mécénat, pour réinventer les actions sur les territoires ?
Oui, un exemple me vient en tête - on voit de plus en plus fleurir des fondations territoriales. Ce sont des chefs d’entreprise qui se regroupent, car ils considèrent qu’il y a une problématique dans tel quartier ou telle commune. C’est un concept que l’on voit émerger depuis une quinzaine d’années et aujourd’hui à la Fondation de France, on en abrite beaucoup, même s’il n’y a pas un statut à part entière. Pourtant on est plus fort ensemble, tant sur le financier que sur l’extra-financier. Ces fondations sont sur du temps long, travaillent sur du durable. Il y a un maillage qui se fait petit à petit, et qui fait de la philanthropie un levier pour le territoire.

Y en a-t-il en Nouvelle-Aquitaine ?
Il y a la fondation rochelaise Fier de nos quartiers qui a été créée en 2011 par plusieurs dirigeants [ndlr, Léa Nature, Enedis, Solvay et le Grand Port maritime de La Rochelle]. Ils se sont dit, « on va créer sur fondation dans un quartier prioritaire, pour aider les associations, notamment autour des jeunes ». Après, les collectivités s’y sont intéressées, le maire de La Rochelle de l’époque leur a demandé pourquoi ils se limitaient à un quartier. La réponse était qu’il n’y avait pas suffisamment de fonds, et la municipalité - qui ne peut pas contribuer financièrement car la fondation est un outil privé - a eu la possibilité d’impulser une dynamique sur le territoire. Et de permettre que d’autres entreprises entrent dans la boucle. On arrive aujourd’hui sur une dynamique philanthropique qui est vraiment importante à l’échelle d’un territoire. C’est de l’innovation sociale, car agir à l’échelle locale permet de s’adapter facilement, on peut tester des solutions et les affiner sur le terrain. On est en circuit court et les résultats sont très vite tangibles.

En décembre dernier, le ministère de la Culture a publié un bilan du mécénat en France. Entre 2005 et 2022, le nombre d’entreprises mécènes a bondi de 12.000 à 105.400. Tous les types d’entreprises s’engagent aujourd’hui : le nombre de PME et celui d’ETI mécènes ont respectivement triplé et doublé depuis 2010. Les territoires sont très largement moteurs sur le sujet, car 60% des fondations et fonds de dotation sont aujourd’hui implantés en dehors de Paris.

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