En Gironde malgré une économie chahutée, « la notion d’entreprendre ne s’est pas éteinte » - Premium

Chaque trimestre, la Chambre de commerce et d’industrie (CCI) de Bordeaux Gironde publie un baromètre de l’économie. Autant d’indicateurs qui montrent, au premier trimestre 2025, des difficultés pour les entreprises girondines et un certain attentisme. Ainsi, l’indice lié au chiffre d’affaires (donné en solde d’opinions, soit la différence entre les opinions négatives et celles positives) chute d’un point au 1T 2025 par rapport au 4T 2024… et de 9 points sur un an. Patrick Seguin, président de la CCIBG, revient sur les éléments à retenir de ce baromètre. S’il y a un élément à retenir de votre dernière étude auprès des entreprises, c’est qu’elle confirme que l’économie girondine n’est pas au beau fixe… Non, on a du mal à trouver des critères positifs dans ce baromètre. Malheureusement, il y a des difficultés dans tous les domaines, et les annonces à la fois tonitruantes et changeantes de Donald Trump, inquiètent un certain nombre de secteurs, notamment ceux qui exportent comme la viticulture et le vin. Cette instabilité fait que tout le monde est un peu sur la réserve, tout le monde attend tout le monde en ce moment. Et les chiffres ne sont pas bons. En attestent ceux du Tribunal de commerce de Bordeaux, 568 procédures judiciaires ont été ouvertes au premier trimestre 2025, soit plus qu’au quatrième trimestre 2025 [ndlr, 557 dossiers] qui battait déjà des records.Connaître ses avantages et ses faiblessesPour autant, votre baromètre montre que les dirigeants girondins misent sur « un retour de l’activité, portée par une demande mieux orientée ». C’est-à-dire un repositionnement des entreprises, pour décrocher de nouveaux marchés ? Il y a des opportunités de transformation pour un certain nombre de métiers. Je pense à ceux de l’industrie, certaines entreprises - y compris des PME - ont des spécialités très pointues sur des domaines qui ne payent plus. À la CCI, nous avons accompagné une société qui fabrique des outils de pointe pour la viticulture, mais qui n’a plus aucun acheteur aujourd’hui. On les accompagne pour faire un retournement de clientèle, pour s’adresser à l’aéronautique, le spatial et la défense [ndlr, ASD] qui cherche des entreprises très pointues compte tenu des carnets de commandes qui sont pleins. Il y a des opportunités, mais cela nécessite de se remettre en question encore plus rapidement que d’habitude. Certains dirigeants attendent de voir des jours meilleurs mais ne tiennent pas le coup… En résumé, il faut être de plus en plus agile et évolutif si l’on veut pérenniser son entreprise ? Il faut surtout accepter que le contexte n’est plus le même. Il y a cinq, dix ans, on faisait des business plan sur cinq ans. Aujourd’hui on est capable d’en faire sur six mois, et encore. C’est ce que j’appelle l’entreprise nomade - elle l’est dans son fonctionnement, pour s’adapter aux événements. Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui font comme cela. De plus en plus de responsables d’entreprise, quelle que soit leur taille, acceptent aussi de faire un diagnostic de leur situation avec leurs avantages et leurs faiblesses. Ils se questionnent sur comment rebondir, réagir, se transformer, ce qui est plutôt positif car lors des précédentes crises, on entendait plutôt « On attend et demain tout ira mieux ». Et puis, point positif, en matière de transmissions d’entreprise nous avions accompagné 18 dossiers réussis l’an dernier. Aujourd’hui, nous voyons toujours autant de candidats, la notion d’entreprendre ne s’est pas éteinte.Un fort besoin de sous-traitants pour l'ASDSans surprise, les secteurs qui se portent le plus mal sont le bâtiment, les CHR - cafés hôtels restaurants - et la viticulture… Oui, mais pour les CHR, on en voit certains tirer leur épingle du jeu. Ils font des afterworks et innovent. Pour les restaurants qui se prêtent au jeu de l’opération « Bordeaux se met au verre » [ndlr, mise en place par la CCI, l’UMIH, la Ville de Bordeaux et le CIVB pour proposer des vins au verre dès 5 euros], on voit que ça fonctionne par exemple. Et puis, il y a des établissements moins attractifs, par forcément bien placés… C’est une sorte d’équilibre. On sait qu’il y a trop de cafés et de restaurants par rapport à la population, sur la métropole bordelaise, on en compte pas moins de 730 restaurants ! Quant au monde de la viticulture, cela va un peu plus loin sur les risques car il y a une perte de valeur des patrimoines, on voit des propriétés à vendre dans des appellations, qui ne trouvent pas d’acheteurs. Il y a quelques années, les investisseurs étrangers se battaient à coup de millions d’euros, là même bradés on ne vend pas. A contrario, quels sont les secteurs qui arrivent à s’en sortir ? Il y a le secteur de l’ASD, l’aéronautique, spatial, défense. Il faut construire des avions nouvelle génération pour remplacer les anciens qui ne sont plus aux normes, et pour la défense, on connaît les risques, la guerre en Ukraine… Tous les pays européens augmentent leur budget défense, celui de la France est en hausse de 3%. Donc l’ASD recrute à tour de bras et cherche, je le répète, des sous-traitants. C’est là notre rôle, à la CCI. Interpeller les entreprises du territoires qui nous contactent, faire un rapport d’étonnement avec un œil neuf. Dire « Et si demain, on faisait plutôt comme ça ? Si on arrêtait cette activité qui n’est pas rentable ? » Souvent les dirigeants ont la tête dans le guidon, mais lorsqu’ils acceptent, ça fonctionne.

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