Cyril Vincent (Gaz de Bordeaux) : « L’absence de concurrence nous rend inaudibles » - Premium

En juillet prochain une évolution importante entrera en vigueur : la fin du tarif réglementé de vente (TRV) pour les particuliers. Concrètement, que se passera-t-il pour eux ? Le tarif réglementé concerne environ 50% de nos clients particuliers. Tous sont en train de recevoir des courriers réglementaires expliquant que c’est la fin de ce TRV, et ce qui se passera ensuite s’ils ne font rien. C’est-à-dire que nous proposons une offre de bascule au 1er juillet, qui suivra l’indice de référence fixé par la Commission de régulation de l’énergie. Pour nos clients ayant déjà souscrit à l’offre de marché, depuis novembre nous avons stoppé toutes les autres offres. Concrètement, la fin du TRV ne changera pour le moment pas grand-chose car le gouvernement a annoncé la prolongation du bouclier tarifaire en vigueur jusqu’à la fin de l’année 2023. Que représente l’activité de Gaz de Bordeaux, 16 ans après l’ouverture totale à la concurrence ?Aujourd’hui, plus de 85% de notre activité est réalisée en dehors de notre territoire historique - c’est-à-dire Bordeaux et 46 communes alentour. Nous sommes le cinquième fournisseur national avec 15 TWh dans notre portefeuille derrière Engie, Eni, TotalEnergies et EDF. C’est assez atypique car ces quatre acteurs sont internationaux, nous, nous sommes 150 salariés et tous à Bordeaux. Nous comptons environ 200.000 clients particuliers sur notre territoire historique, et 10.000 hors territoire. Côté professionnels, nous enregistrons 40.000 clients - très majoritairement en dehors de la zone bordelaise. À eux tous, ils représentent 13 TWh de consommation, donc la quasi-totalité de notre portefeuille…. Absence de concurrence et résultat net qui explose Ce qui vous est souvent reproché par vos clients, c’est d’être en position hégémonique sur le territoire bordelais, et de ne pas être mis en concurrence par d’autres acteurs concernant le gaz pour les particuliers… Mais nous n’avons pas de souci avec la concurrence, on veut en avoir, même. C’est le cas pour les contrats professionnels - nous avons une quinzaine de concurrents, y compris sur Bordeaux, et malgré cela nous conservons 50% de parts de marché. L’absence de concurrence crée plus de soucis qu’autre chose car cela nous rend inaudibles. Par le passé, certains acteurs sont venus tester le marché domestique à Bordeaux, notamment Eni, dès 2008, avant de repartir au bout de deux ou trois ans. Il est ensuite revenu il y a trois ans, plus massivement, nous a pris un certain nombre de clients, mais est reparti, depuis. Cela s’explique, je pense, par la crise de l’énergie et en particulier gazière, que personne n’avait prévu. Les acteurs sont en standby pour préserver leur clientèle, pour être sûr de pouvoir les alimenter aux tarifs prévus dans les contrats.En octobre 2022, l’Autorité de la concurrence a annoncé sanctionner Gaz de Bordeaux d’une amende d’un million d’euros, justement pour abus de position dominante entre 2017 et 2019… Ce que dit l’Autorité de la concurrence, c’est qu’on a poussé l’offre de marché à nos clients, sans que ces derniers aient compris que c’en était une. Ce qu’elle ne dit pas, et ce qui est vrai, c’est que tous les clients en offre de marché ont bénéficié, dès signature du contrat, d’un prix beaucoup moins cher que le tarif réglementé. Mais ce n’était pas le sujet pour l’Autorité de la concurrence, qui a considéré qu’il fallait plus prévenir les clients des deux façons de tarifer. Qu’en est-il de vos résultats financiers, et dans quelle mesure le contexte économique et géopolitique actuel vous impacte-t-il ? En octobre 2021, notre chiffre d’affaires était de 539 millions d’euros. Là nous connaissons une hausse mécanique [NDLR, 845M€ de CA en 2022] car si, durant un an et demi, le marché des particuliers a été protégé par un bouclier tarifaire, les clients professionnels ont vu leurs factures multipliées par cinq ou dix… [NDLR, depuis la réalisation de cette interview, Gaz de Bordeaux a publié ses résultats financiers et affiche un résultat net de 14,7 millions d’euros, contre 3,6 millions d’euros en 2021.] En 2020 le prix du gaz était tombé très bas - à 8€/MWh - car très peu de personnes en voulaient. Le plus haut niveau a ensuite été atteint en septembre 2022, avec 350€/MWh. Aujourd’hui ce prix a diminué et c’est un soulagement car nous n’avons pas la solidité financière de nos concurrents. On ne peut pas se positionner sur le marché pour acheter autant de gaz pendant très longtemps, à ce prix… Un Gaz de Bordeaux plus vert à l’avenir ? Le développement de solutions énergétiques moins polluantes a-t-il une incidence sur votre activité ?Pour le moment notre parc ne diminue pas beaucoup, mais la consommation de nos clients, oui. C’est un effet financier je pense, mais au-delà du contexte actuel on voit bel et bien une diminution de la consommation année après année, en particulier chez nos clients BtoC. C’est lié aux efforts dans les bâtiments, aux nouvelles réglementations comme la RT 2020… Après, il faut savoir que sur Bordeaux et sa périphérie nous avons une activité de service, qui rassemble un tiers de nos effectifs. Si cela reste une part de notre chiffre d’affaires relativement faible - 7 millions d’euros -, nous nous occupons de l’entretien de chaudières à gaz, de remplacements… Et de plus en plus de clients nous demandent de faire une bascule vers l’électrique, ou vers une pompe à chaleur. Pour se projeter à plus long terme, comment imaginez-vous l’avenir de Gaz de Bordeaux ? L’un des axes clef pour nous, c’est le biométhane. Nous comptons déjà 35 sites de production en France, dans lesquels nous rachetons 100% du biogaz - ce qui représentera à terme 500 GWh. Cela nous a permis de lancer, il y a trois ans, une offre gaz vert en Gironde pour nos clients particuliers, et l’objectif de Gaz de Bordeaux est de développer cette filière. On réfléchit à long terme à ne proposer que du gaz vert, mais pour l’instant ce n’est pas envisageable.

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