Alexandre Rubio : « Bassens n’a pas l’image qu’elle mérite » - Premium

La zone industrialo-portuaire est le poumon économique historique de Bassens. Qu’est-ce que ça représente ?Sur le millier d’hectares de Bassens, la zone industrialo-portuaire couvre 600 hectares. 60% du territoire est dédié au développement économique, avec le principal point d’ancrage du Grand Port Maritime de Bordeaux. Et autour, un écosystème d’entreprises, avec comme ligne directrice l’économie circulaire. Ici, ça fait 30 ans qu’on en fait, qu’on répond à la question « comment d’un déchet on fait une ressource ». On a la chance d’avoir des industriels qui continuent d’investir. Le premier axe, c’est la décarbonation. Par exemple Michelin a inauguré il y a quelques jours un site pilote pour produire du butadiène biosourcé, c’est-à-dire qui n’utilise plus de dérivés pétroliers. 80 millions d’euros ont été investis. C’est ce souhait de participer à la diminution de l’empreinte environnementale qui est à l’origine de l’opération d’intérêt métropolitain Arc Rive Droite. L’autre axe important, ce sont les TPE-PME. L’une des particularités de la rive droite, c’est d’avoir un tissu d’artisans extrêmement développé, nombreux autour de la construction. Et donc comment on les accompagne autour des thématiques de l’écoconstruction, de l’isolation, de la performance énergétique. Cette OIM c’est tout ça et finalement, Bassens préfigurait un peu ces orientations métropolitaines. Un industriel qui souhaite s’installer ou développer un nouveau projet doit cocher trois cases. Accompagner la dynamique portuaire, créer des emplois et que ça s’inscrive autour des thématiques des nouvelles énergies et de l’économie circulaire.Pour aller plus loin :Michelin lance la production de butadiène biosourcé à BassensAu-delà de l’exemple de Michelin, certains des industriels présents portent-ils des projets de développement ou de transformation de leurs activités ?Quasiment tous ! A tel point qu’en termes de gouvernance, on est en train de faire évoluer les choses de manière sensible. On s’est mis en ordre de marche pour répondre à un appel à projets de l’Ademe, « Zone industrielle bas carbone » ou ZIBaC. Pour faire ça, il fallait qu’on constitue une forme de groupement des différents acteurs et parties prenantes. On vient de créer une association qui s’appelle Bees ZIP, présidée par un industriel et avec la Métropole et le Port de Bordeaux comme vice-présidents. La finalité, c’est de réduire de plus de 80% les émissions de gaz à effet de serre sur la zone industrialo-portuaire d’ici 2050. Et cette association, c’est aussi un prétexte pour porter ce projet de territoire et faire qu’on regarde tous dans la même direction. Par exemple, quand un industriel se pose la question de ses approvisionnements énergétiques, qu’on puisse réfléchir ensemble sur quand il faut créer de la chaleur ou développer un réseau de chaleur ou de vapeur pour alimenter des process industriels. Qu’on puisse le faire à partir d’un site qui puisse irriguer les autres sites.Assiste-t-on à un vrai démarrage, une accélération de l’activité déconstruction sur le pôle naval ?Sur le pôle naval à Bassens, il y a cette forme de radoub, qui a des dimensions très importantes et avait par le passé accueilli le Jeanne d’Arc et le Colbert notamment qui ont été déconstruits. Et là, huit bateaux de la Marine nationale sont prévus, deux sont déjà arrivés. C’est la perspective de pouvoir valoriser près de 25.000 tonnes de ferraille. Et ça va permettre de créer de l’emploi et faire de la formation à ces nouveaux métiers. On consolide l’activité, ça permet de générer des revenus qui permettent aussi de moderniser les installations. Là c’est la déconstruction mais demain on a aussi certainement la perspective du refit de bateaux, les mettre en cale sèche et faire en sorte de les faire fonctionner avec de nouvelles énergies.Economiquement, structurellement, Bassens est-elle coupée en deux par la voie ferrée ?600 hectares pour la zone industrialo-portuaire, c’est la plaine, le bord de Garonne. Et on vit sur 400 hectares, la zone urbanisée, 40% du territoire, sur le coteau. Et on est coupé en deux par cette zone de fracture, la ligne de chemin de fer entre Bordeaux et Paris. Notre objectif, c’est de travailler aux porosités. Il y a une quinzaine d’années, il y avait beaucoup de végétation qui nous masquait la perspective. Petit à petit, au gré des aménagements, il y a cette volonté d’ouvrir les paysages. Ensuite, comment on travaille les traversées et faire en sorte que demain, on puisse mieux transiter via la zone industrialo-portuaire. C’est la raison pour laquelle, dès l’été prochain, on démarre d’importants travaux de requalification des quais, notamment du quai Français, pour permettre de se projeter de manière plus simple et plus sécurisée. En voiture bien sûr, mais aussi en mobilité douce. On a un territoire qui est traversé tous les matins pour se connecter aux centralités métropolitaines. On a réussi à débloquer la situation grâce au grand port maritime, qui nous a cédé un peu de foncier. On va conserver les deux voies camions-voiture, on va accueillir une voie en site propre pour avoir demain le bus express et le premier tronçon du fameux ReVE, le Réseau Vélo Express. Et on a la chance d’avoir la gare de Bassens qui est sur la ligne du RER métropolitain, entre Libourne et Arcachon, qui a vocation à monter en cadence. Des travaux ont démarré pour la transformer en pôle d’échange multimodal. L’intéressant, c’est justement qu’elle est à l’interface entre la zone urbaine et la zone industrialo-portuaire.Ne risque-t-il pas d’y avoir des ambitions à deux vitesses entre activités portuaires d’un côté et artisanat de l’autre ?Forcément on n’est pas sur la même dimension mais de mon point de vue, ce sont deux sujets concomitants qui vont dans la même direction. Les TPE-PME, les artisans, font face à des défis considérables, comment faire en sorte que demain, les passoires énergétiques, les logements qui méritent de l’aide, puissent être réhabilités et comment on donne confiance à celles et ceux qui souhaitent faire des travaux à la maison, tout en essayant de se retrouver dans le maquis des aides. C’est aussi là qu’on fait le lien avec une autre réalité de ce territoire de la rive droite, dans un moment où, notamment les quatre villes du GPV Rive Droite [ndr, Grand Projets des Villes, réunissant Bassens, Lormont, Cenon, Floirac] sont en plein milieu d’importantes opérations de renouvellement urbain, qui ont vocation à travailler ces questions de performance énergétique. L’idée c’est comment on met les artisans au cœur de ces réflexions, comment on les accompagne d’abord à se structurer et à se former voire se labelliser. C’est la raison pour laquelle on a développé le technopôle Innogaronne.Pour aller plus loin :Innogaronne : à Bassens, la rive droite accueille sa première technopoleUn projet urbain de centre-bourg se dessine à Bassens. Quelles sont les ambitions ?Il y a cet endroit historique, la Place de la commune de Paris, qui est notre place du marché dominical, mais peu utilisée en dehors et minérale, certainement un îlot de chaleur. C’est un élément d’identité mais qui a un peu vieilli et qui mérite qu’on s’attache à ce que pourrait être une place de centre-ville. On va requalifier, y trouver de nouveaux usages, on travaille les insertions paysagères et autour de ça, on travaille un autre sujet important pour nous, le commerce local. La question du lien social c’est aussi l’activité commerciale de proximité. En lien avec Ambarès, on a embauché une manageuse commerce, ça nous a permis de créer une association des commerçants pour partager les problématiques et devenir un territoire attractif pour générer de l’installation. On a demandé à La Fab de nous accompagner dans la réflexion pour créer du commerce, des logements et comment on créé les conditions de développement économique. Sur ce centre-bourg, on a récemment installé l’agence de développement économique Haut de Garonne Développement.On ne court pas après un développement démographique important. Le recensement est en cours, on doit être à 8.000 ou 8.200 habitants mais guère plus. Je pense que cette ville ne dépassera pas 9.000 habitants. Une question de l’acceptabilité de ce développement industriel sur la commune, c’est de dire qu’on ne vit pas les uns sur les autres sur la zone urbanisée, qu’on ne fait pas peser toutes les contraintes au même endroit.Bassens est une ville industrielle, rive droite, peut-être méconnue en termes d’attractivité économique et aussi comme lieu de vie et d’habitation. Comment on adresse cette problématique ?Il faut que les espaces publics soient à la hauteur de l’intensité industrielle, de l’investissement et des investissements qui sont réalisés sur ce territoire. On n’a pas l’image qu’on mérite. On est souvent vu depuis la rive gauche comme le truc un peu gris, qui fume. Mais ce n’est pas ça. Tout ce tissu industriel est noyé dans la végétation. On dit aux industriels, quand ils aménagent leur parcelle ou construisent un bâtiment, de faire un peu attention à la structure, à l’image du bâtiment, à la végétalisation. À la Métropole, on veut soigner les équipements et le traitement public. Au travers du million d’arbres on va traiter les ronds-points. C’est gagnant-gagnant et ça change considérablement les choses. C’est la raison pour laquelle, dès le début de la mandature, on a participé au concours Europan d’idées d’architecture et d’urbanisme. Plusieurs équipes de jeunes architectes ont travaillé à des réflexions autour de la réorganisation des espaces à l’échelle de la zone industrialo-portuaire et comment on travaille les porosités. Ce sont des petits détails qui doivent donner à tout le monde l’image d’une ville qui arrête de regarder ses godasses et qui est fière. On porte aussi un projet un peu emblématique. Il y a 50 ans, on avait des habitants qui vivaient en bord de Garonne et les évolutions ont fait qu’ils ont été progressivement déplacés vers le coteau. Aujourd’hui on a beau se dire qu’on est le principal point d’ancrage du Grand Port et qu’on croit beaucoup au fret, à l’activité économique… mais on n’a pas accès au fleuve ! On n’a pas de bord de Garonne. Et donc on porte un projet de fenêtre verte, à la limite avec Saint-Louis de Montferrand, on a 400 mètres en bord de fleuve, qui ne font pas partie des emprises portuaires. Avec Bordeaux Métropole on va progressivement aménager cette zone et y faire un ponton qui, demain, puisse accueillir un BatCub. J’ai bon espoir d’aboutir dans les trois-quatre ans. Et d’ici là aussi réfléchir à comment on va à cette fenêtre verte de manière sécurisée.

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