La filière hydroélectrique en meeting à Pau - Premium

Plus de 220 producteurs et prestataires, toute la filière pyrénéenne de l’hydroélectricité était réunie ce mardi à l’école de commerce éklore-ed de Pau pour la 6e édition de l’Hydromeeting, un événement organisé par les CCI du bassin de l’Adour (Pau Béarn, Bayonne Pays Basque, Tarbes et Hautes Pyrénées), en collaboration avec l’Union des producteurs d’électricité de l’Adour (UPEA), l’association professionnelle France Hydro Electricité, EDF et la Société hydroélectrique du Midi (SHEM, groupe Engie), exploitante des grands barrages pyrénéens. L’objectif : organiser des « speed-meetings » entre producteurs et prestataires, mais aussi « valoriser et donner toute la visibilité nécessaire à cette filière », qui représente 367 installations hydroélectriques en Nouvelle-Aquitaine, dont environ un tiers dans les Pyrénées-Atlantiques. Loin de l’image d’épinal de la centrale hydroélectrique géante adossée à un immense barrage de montagne, la grande majorité de ces installations sont de petites centrales, souligne Christine Etchegoyhen, administratrice de France Hydro Electricité et Vice-présidente de l’Union des Producteurs d’électricité du Bassin de l’Adour : la petite hydroélectricité, rappelle-t-elle en ouvrant la conférence, représente plus de 40% des énergies renouvelables produites dans le 64. Et l’utilité de ces petites centrales hydroélectriques « n’est plus à démontrer », martèle Christine Etchegoyhen, qui énumère ses avantages : une électricité décarbonée, produite localement, pas délocalisable, qui crée des emplois dans les zones rurales et de montagne, permettant de lutter contre les crues et les sécheresses, et assurant des revenus « importants et pérennes pour les collectivités ». « Nous avons encore du potentiel de croissance », conclut-elle, et besoin, « plus que jamais de forces vives ».Difficultés de recrutementBesoin de forces vives, c’est-à-dire, de recruter : une problématique touchant la quasi-totalité de l’économie béarnaise, et à laquelle l’hydroélectricité n’échappe pas. Selon une enquête sur le secteur, réalisée par la CCI Pau-Béarn, 75% des sous-traitants de la filière, principalement des TPE et PME, affirment avoir des besoins de recrutement. 86% de ceux-ci se plaignent de difficultés à recruter. Christian Caussidery, directeur de l’agence EDF Vallées des Pyrénées et du Tarn, confirme ces difficultés : « On recrute du bac pro aux ingénieurs », dit-il, mais « avec des mots qui font peur aux candidats : mobilité, astreintes… ». Il y a, constate Christian Caussidery, « beaucoup moins de candidats que l’on en avait auparavant ». EDF Hydro, sur l’intégralité du massif pyrénéen, a pourtant besoin de recruter 50 salariés par an et autant d’alternants.C’est qu’aux problématiques de recrutement communes à tous les secteurs, s’en ajoutent certaines, spécifiques à l’hydroélectricité. Il faut « attirer les gens au fin fond des vallées montagnardes », souligne un représentant de la SHEM. Sur certains métiers en tension, la soudure par exemple, la concurrence avec d’autres secteurs est forte. « On ne peut même plus dire qu’on va dans le mur, on est dans le mur en termes de recrutement, conclut-il. On doit être créatifs, sortir des schémas traditionnels », par exemple en se penchant sur la féminisation de la filière. L’hydroélectrique ne manque pas d’atouts pour attirer les candidats, affirme Florence Saubatte, dirigeante du cabinet de conseil en ressources humaines Altitud RH. Travail au contact avec la nature, utile au territoire, au cœur de la transition énergétique… tous les ingrédients sont là pour développer une marque employeur attractive.Très fortes contraintes légalesAutre problématique entravant la croissance de l’hydroélectricité : de très fortes contraintes réglementaires. 90% du potentiel hydroélectrique est gelé pour des raisons environnementales, souligne Gil Adisson, président de Pyrénées Energie et de l'Union des producteurs d'électricité des pays de l'Adour. Sur les 10% restants, les projets « mettent des années à obtenir les autorisations », et quand ils finissent par les recevoir, se voient immédiatement confrontés à des recours déposés par l’association France Nature Environnement. « On est toujours en présence d’une espèce protégée quelque part », résume-t-il. « Ce sont des milieux extrêmement sensibles, le cadre dans lequel l’infrastructure a été développée à l’époque était très différente de celui d’aujourd’hui », lui répond Julien Charles, préfet des Pyrénées-Atlantiques, venu à Hydromeeting « témoigner tout l’intérêt de l’Etat pour la filière », une « priorité des services de l’Etat » qui se tiennent « à l’écoute, en mode projet, pour être prêts à lever les obstacles à chaque fois que l’on peut les lever ». En 2023, seulement 4 arrêtés ont été pris pour autoriser des projets, regrette le préfet.Pourtant, cela ne signifie pas que l’hydroélectrique est condamné à stagner. Selon la loi de programmation énergétique, le parc hydroélectrique des Pyrénées-Atlantiques devra passer de 900 à 1200 TW d’ici à 2028. La stratégie choisie par l’Etat est donc plutôt « d’optimiser les infrastructures existantes », reprend Julien Charles, plutôt que de miser sur de nouvelles constructions. Le potentiel est réel, assure Christine Etchegoyhen : « Sur une petite centrale installée au Pays Basque, les machines sont en fin de vie, on va les remplacer, raconte-t-elle en guise d’exemple. Avec de nouvelles turbines, elle passera de 550 à 750 kW. Mais ce sont des investissements lourds ».Ces investissements sont toujours freinés, sur les plus grosses infrastructures de montagne, par l’épineux sujet des concessions et de la mise en concurrence de leur renouvellement. Celui-ci est toujours en discussion au niveau européen. En attendant, les grandes centrales hydroélectriques sont toujours gérées par la SHEM, en délai glissant. « Il ne pourra y avoir d’investissement, et donc d’augmentation de capacité, que quand on aura de la sécurité et de la visibilité », prévient un représentant de la société.« L'Histoire nous donne raison »L’optimisme reste toutefois de mise chez tous les représentants du secteur : « L’Histoire nous donne raison, assure Gil Adisson. Nous avons une énergie décarbonée, pilotable et prévisible. Il y a des obstacles conjoncturels, mais la raison finira par l’emporter ». « Nous avons déjà passé d’autres crises et toujours su progresser. Nous avons des projets de développement, abonde Christine Etchegoyhen. Si on nous lâchait la bride, vous verriez partout apparaître des projets raisonnables et responsables ».Quant aux obstacles judiciaires, reprend Julien Charles, une loi a été adoptée au printemps qui incite les maires à déclarer des « zones d’accélération des énergies renouvelables » sur le territoire de leurs communes. « Cela doit amener à créer du consensus en amont, à échanger avec les porteurs de projets », souligne le préfet. « Il faut que l’on arrive à mieux communiquer sur notre action, conclut Christine Etchegoyhen. Nous savons concilier le développement de l’hydroélectricité et l’écologie, nous avons ces savoir-faire ».En terme de développement comme de recrutement, apprendre à communiquer va être indispensable, pour une filière jusqu’ici habituée à la discrétion, et qui devra s’habituer à se mettre en lumière.

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