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UAV Show : la filière drone a les pieds sur terre et la tête dans les nuages

Bordeaux Technowest
mardi 26 octobre 2021

François Baffou, directeur de Bordeaux Technowest, fait visiter le salon à Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée auprès de la ministre des Armées, chargée de la Mémoire et des Anciens combattants - photo AL

Réunis pendant trois jours à Bordeaux, les acteurs européens du drone ont exploré les pistes de développement d’une filière dont la réussite dépend de la difficile adéquation entre évolution de la réglementation, progrès technologique et développement des usages métier civils.

Où en est la filière du drone française quinze ans après l’émergence des premiers projets néo-aquitains ? Le salon UAV Show, organisé du 19 au 21 octobre par la technopole Bordeaux Technowest et Congrès et Expositions de Bordeaux, a confirmé la façon dont ses principaux acteurs se concentraient sur les usages professionnels, en attendant de pouvoir investiguer de façon plus concrète les débouchés offerts par de nouveaux usages comme le transport de marchandises ou de personnes.

De l’inspection au jumeau numérique

Un tour d’horizon des fabricants de drones présents à l’UAV Show confirme que les usages liés à l’inspection et à la supervision dans le monde industriel, constituent toujours l’un des secteurs suscitant le plus d’attention. « L’espace industriel est plus facile à gérer, dans la mesure où on y a déjà la culture du risque », fait remarquer Anne-Marie Haute, présidente de Pilgrim Technology et déléguée constructeur au sein de la Fédération professionnelle du drone civil (FPDC), selon qui le drone a déjà fait la preuve de son retour sur investissement, tant en termes de qualité des informations relevées que de rapidité d’intervention.

Le segment suscite d’ailleurs régulièrement de nouvelles vocations, qu’il s’agisse de concevoir des drones capables d’évoluer dans des environnements très contraints, ou de répondre à des usages plus spécifiques. La startup parisienne Dronétix, créée en 2018, a par exemple développé pour Safran Aircraft Engine un drone d’inspection autonome indoor dédié à l’analyse qualité des moteurs en fin de chaine de production. À raison d’une centaine de photos par minute, l’engin est capable de mitrailler l’ensemble de la pièce inspectée pour favoriser la détection de défauts ou modéliser un jumeau numérique, le tout grâce à l’intelligence artificielle, sans intervention humaine.

Des algorithmes pour valoriser la donnée

Les algorithmes s’invitent également dans le monde extérieur, pour venir enrichir les capacités, déjà bien balisées, des drones en matière de photogrammétrie ou de topographie. Un sujet adressé notamment par Altametris, filiale de SNCF Réseau, ou par Telespazio (coentreprise entre Leonardo et Thales), spécialiste des applications satellitaires, qui complète désormais ses relevés spatiaux par des missions de survol via drone. Lancé en 2016, son service GeoAdventice, a par exemple surveillé cette année 20.000 hectares de cultures, pour identifier, via IA, la présence d’une mauvaise herbe toxique, le datura stramoine.

À la pointe de ces sujets de détection automatique, on trouve également une startup girondine accompagnée par Bordeaux Technowest, Thinkdeep AI. Elle développe des modèles d’intelligence artificielle « frugaux », capables de traiter des images pour y identifier des anomalies et les étiqueter de façon à ce qu’un opérateur humain puisse les identifier. Pensée de prime abord pour la radiographie industrielle, sa plateforme est aujourd’hui testée sur une base aérienne pour automatiser la détection de drones dans les images de vidéosurveillance.

Un drone aéronautique chez Thales

Sur le plan du hardware, l’innovation se loge aussi d’abord sur des marchés de niche, à l’image du drone paramoteur Aube élaboré par la société Ihmati. Porté par une voile miniature de parapente, il promet une grande autonomie, un vol silencieux et des conditions de déplacement propices à l’observation de la faune sauvage. Entre autres projets à suivre, la jeune pousse Aerix Systems, incubée chez Technowest à Mérignac, a remporté le concours de pitch de l’UAV Show grâce à son projet de drone « 100% omnidirectionnel »., avec une propulsion permettant le vol stationnaire quelle que soit l’inclinaison ou l’orientation du drone. « Ça va rendre le drone hyper manœuvrable, et très résistant aux intempéries ou aux rafales », promet Clément Picard, cofondateur.

Plus concret cette fois, Thales a réalisé lors de la journée dédiée aux essais en vol de l’UAV Show la première démonstration publique d’une version à l’échelle 1/2 de son drone de grande élongation (terme qui désigne la distance éloignant le drone de son opérateur), l’UAS100. Développé en coopération avec les sociétés Issoire Aviation et Hionos, et avec le soutien du ministère des Armées via l’Agence de l’innovation de défense (AID), l’engin offre une autonomie de l’ordre de 100 km. Il est destiné à des missions de surveillance, d’inspection ou de sécurisation, en vue d’applications civiles comme militaires. Un marché qui, selon Thales, devrait représenter plusieurs dizaines de milliers d’appareils au cours des dix prochaines années, dès lors que les autorités aériennes auront donné le feu vert à leur déploiement.

Certifier le transport de marchandises ou de personnes

Considéré comme l’un des principaux leviers de développement de la filière drone, le transport de marchandises, puis de personnes, illustre bien la nécessaire adéquation entre progrès techniques et évolution du cadre réglementaire. Pour Anne-Marie Haute, l’avènement de ces nouveaux usages est conditionné à trois prérequis : la formation des télépilotes, la certification des appareils, et la mise en place d’outils techniques dédiés à la surveillance et à la gestion de ces nouveaux flux aériens. Combien de temps faudra-t-il pour qu’un véritable UTM (Unmanned Aircraft System Traffic Management) voie le jour ? La réglementation et les premières normes sont attendues pour 2025.

Faire émerger des champions français et européens

Reste une question en filigrane : comment la filière drone, française ou européenne, peut-elle et doit-elle se structurer pour faire émerger de véritables champions locaux, face aux poids lourds du secteur ? « Au niveau européen, les leaders font 30 à 50 millions d’euros de chiffre d’affaires, quand les américains, les chinois ou les israéliens comptent en centaines de millions. On devrait travailler ensemble pour arriver à construire un leader français et européen. On parle de véhicules autonomes qui évoluent dans le ciel, je pense qu’on a tous envie qu’ils soient français », a appelé lors d’une table ronde Bastien Mancini, PDG du constructeur toulousain Delair et président de l'Association du drone de l'industrie française (Adif).

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