Simon Dreschel : « On peut être une vitrine verte des aéroports » - Premium

Quels sont les objectifs de l’aéroport en matière de trafic voyageurs ?L’aéroport s’est fortement développé entre les années 2010 et l’avant-covid, avec une très forte croissance du low-cost. Jusqu’à atteindre 7,7 millions de voyageurs en 2019, année dite de référence. La pandémie nous a fortement atteint et a remis en question notre modèle. Et il y a eu aussi la suppression de la navette avec Orly, plus de 600.000 passagers par an. On est un des aéroports qui a payé le plus lourd tribut sur le sujet du carbone. Je suis arrivé en août 2021. On a réécrit une stratégie, un peu différente, avec la nouvelle équipe de l'aéroport. Cette stratégie, clairement, n'est plus axée sur le développement pur et simple du volume de trafic. On cherche désormais à faire autre chose et à transformer l'aéroport. On est en train de reconstruire le trafic. L’an dernier, l’aéroport a transporté 6,6 millions de voyageurs, en hausse de de 14%. Donc le trafic se reconstruit, notamment parce que le territoire re-sollicite le transport aérien.On a eu cette croissance avec 13% de mouvements d’avions en moins. Et on met en place des restrictions pour faire en sorte que les avions qui émettent le plus de nuisance sonore, les plus anciens, payent plus cher nos services. Donc un avion qui se pose la nuit et qui est dans les chapitres les plus anciens de nuisance sonore va payer jusqu'à deux fois plus cher son service à l'aéroport.Quels sont les réservoirs de croissance pour le trafic de l’aéroport ?Le trafic intra-français domestique vit encore mais s’érode et n’a plus les mêmes croissances. Notre métier à l’aéroport de Bordeaux, c’est l’international. Ce qu'on fait le mieux et le plus, ce sont les vols courts et moyens courriers en Europe pour relier Bordeaux aux destinations européennes et au Maghreb. Et on sent que l'international nous porte fortement. L’an passé, l’international a progressé de 21% pour nous. Il y a encore trop de zones blanches sur notre carte de destinations, c’est tout le travail de nos équipes d’y remédier. Donc on reconstruit toutes ces offres. Certaines existent. Et on a besoin de les annualiser, de renforcer les fréquences pour pouvoir permettre aux gens de les utiliser avec le plus de praticité possible. Et puis des villes qui sont pas encore reliées, qui doivent l'être. Et ça, on travaille avec les compagnies. On a une cellule commerciale qui étudie les marchés et qui propose aux compagnies d'ouvrir certaines lignes. Et tout ça se reconstruit aussi plutôt bien. L’aéroport a enclenché depuis un an un plan de transformation à horizon 2027, avec 240 millions d’euros d’investissement. Quels objectifs sous-tendent ce plan ?Aujourd’hui, le trafic de l’aéroport est assuré à 30% par des compagnies premium et donc 70% de trafic low cost. Ce qu’on a décidé, c’est de ne plus avoir le low cost qui prenne le pas sur tout notre marché. On veut une offre panachée du low cost, parce qu'on en a tous besoin. Mais ce qu'on a écrit sur les cinq ans à venir c’est 60% de low cost et 40% de compagnies premium. Parce qu'on se dit, après avoir étudié le territoire avec les acteurs économiques, avec les élus, que le maître mot aujourd'hui, c'est le tourisme plutôt d'affaires, le tourisme à valeur ajoutée. Je pense qu'on revient un peu du tourisme de masse que peut représenter le low cost. Et puis du premium, parce que ça nous connecte à des hubs. Je pense à Turquie pour être connecté à Istanbul et ensuite aller un peu partout dans le monde. KLM à Amsterdam, Londres avec British Airways, etc. Donc on a besoin des hubs pour se connecter à l'international.Et ces compagnies premium, il faut les accueillir donc avoir une qualité de service notamment. On fait un constat très clair et sans complexe sur le fait que la qualité de service de l'aéroport n’est parfois pas au niveau. Avec ce plan, on n’augmente pas nos capacités, on est en train d'améliorer cette qualité de service. C’est notamment le futur bâtiment entre les halls A et B, pour totalement revoir et faciliter les flux. Et rajouter de l’offre de commerce, de restauration. La livraison de ce bâtiment est prévue pour début 2028. C’est un chantier qui est important, en plein cœur de l’aéroport, en site occupé et sans fermeture de l'aéroport, puisqu'il faut que le trafic continue à se reconstruire. On mène un projet comme ça tous les 30 ans à l'aéroport.Le terminal billi va aussi évoluer. On veut agrandir l’entrée, on essaye de supprimer les points irritants. On sait parler de biométrie et de sujets innovants, mais on sait aussi parler de nos basiques et de nos sanitaires. Donc on va refaire les sanitaires, en mettre davantage et travailler toute la qualité de service du parcours passager. Et puis un lifting qui permet au bâtiment de prendre une bonne dose de modernité sur les consommations d'énergie, avec de la lumière naturelle, un mur de végétalisation.« Ce 1% de carburant durable, c’est peu mais il faut l’atteindre »D’autres axes de transformation de l’aéroport ?Etre un aéroport en 2024, c'est trouver des relais de croissance qui sont un peu différents et faire un autre métier que simplement mettre des passagers dans des avions. On peut fournir du service. On forme des centaines de personnes pour pouvoir travailler sur les pistes. On se dit que cette capacité de formation peut avoir un rôle également à l'extérieur. Il y a aussi l’énergie. On devient un producteur d'énergie, c’est un relais de croissance important pour nous. On a une capacité à mettre en œuvre du photovoltaïque qui est importante sur nos parkings. On est assis sur des sols qui nous permettent de faire de la géothermie, donc de consommer beaucoup moins de gaz. Et notre bilan carbone, c'est du gaz principalement. La géothermie est un projet qui sera livré fin 2025, c’est très proche. Donc on améliorera à nouveau nos bilans. Et puis on s'inscrit dans un projet, que mène la Métropole de Bordeaux, de réseau de chaleur urbain, biomasse, qui finira le travail en termes de diminution de nos émissions scope 1, scope 2. Ce qu'on vise, c'est être le meilleur aéroport régional en termes d'indicateurs de carbone par passager. Et on sent qu'on peut le faire et qu'on peut être vraiment une vitrine verte des aéroports.Sur les carburants durables, où en est l’aéroport et quelles évolutions attendre ?On sait que 90% de notre bilan carbone, ce sont les avions. Pour décarboner les avions, bien que ce soit pas forcément notre métier premier, on veut fournir un service qui permette de le faire. Il se trouve que les biocarburants le permettent et qu'il en existe sur le territoire. Et on en a désormais. On s’appuie sur une filière locale et a livré un peu plus de 500.000 litres en 2023, contre 10.000 litres en 2022. Ça représente 1% de ce qui est consommé sur notre aéroport. C'est encore peu. Mais ce peu-là, il faut l'atteindre. Si vous interrogez d'autres aéroports français, ils n'ont pas la chance d'avoir la filière. On a signé un partenariat avec Elyse Energy, qui veut produire des biocarburants sur le bassin de Lacq. L’idée, c’est de créer une filière régionale qui devrait voir le jour en 2027-2028 et de sécuriser les volumes qui alimenteront l'aéroport de Bordeaux. On cherche des volumes de biocarburant, qui vont être nécessaires. On sait qu'il y en aura trop peu par rapport à la demande qui est importante. Donc on est très ouverts.« On gère un patrimoine d’Etat, il faut le rendre utile »Comment l’aéroport de Bordeaux s’implique-t-il dans l’émergence des nouvelles mobilités aériennes ?Les mobilités de demain, ce sont notamment ces machines électriques dites VTOL. Donc décollage vertical électrique, pour le transport de passagers, c’est un peu notre but ultime. Ça aura un rôle sur le territoire, pour faire des trajets vers des domaines viticoles, vers le bassin, des transports plutôt premium dans un premier temps. On se dit que ces machines arrivent et on veut préparer ça. Donc, il faut déjà faire voler des drones sur un aéroport. La zone semble toute choisie, mais ce n’est pas évident. Et donc on a mené ce projet d'intégrer des drones, sans passagers, dans le trafic aérien. Il faut que nous, exploitants, on soit prêt. Il faut que les compagnies soient prêtes. Et donc on a mis tout le monde autour de la table. Et on sait que l'aéroport de Bordeaux peut faire voler des drones intégrés dans le trafic aérien. On pose une première brique. Et on a une zone dédiée à destination des entreprises qui aimeraient tester un drone sur un aéroport. Ça peut être un label intéressant pour une entreprise de dire que son produit vole sur un aéroport et passe ce test-là.Autre axe de transformation du modèle économique de l’aéroport : accueillir des entreprises, des startups, directement sur son foncier. Pourquoi ?Un aéroport doit avoir une utilité sur le territoire. On est une société privée qui gère un patrimoine de l'État. Il faut rendre ce patrimoine utile, donc l'adapter à ce qui l'entoure. Partie de ce constat, on fait en sorte d'intégrer des entreprises qui auront du sens pour le territoire et qui génèrent une utilité pour l'aéroport. On s'est dit qu'on voulait travailler notamment avec le spatial. Il est en train de se passer quelque chose sur le territoire. On veut intégrer des entreprises du New Space sur l'aéroport. Elles sont plutôt nombreuses à prendre des bureaux, à prendre des parcelles. On a à peu près cinq acteurs clés à potentiel et je pense qu'on peut avoir le prochain SpaceX à l'aéroport de Bordeaux, parce qu'on a des acteurs qui sont des vrais pépites. On peut citer Dark, Hynaero ou The Exploration Company.On a créé une cellule innovation à l'aéroport : deux personnes qui ne font que ça, mailler le territoire, mailler les startups, aller les voir, comprendre leurs besoins. On fait ça auprès des acteurs que vous évoquez pour comprendre quels seront leurs besoins demain, le besoin de leurs produits, de leurs avions sur un aéroport comme celui de Bordeaux. Ils commencent à savoir dire de quoi ils auront besoin. Combien en volume d'hydrogène ? Est-ce qu'il faudra des prises de 400 Hz d'électricité pour charger des batteries ? Donc on prépare l'aéroport à de gros investissements au service de ces startups-là et pour ce trafic aérien-là.

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