Filière batteries : tout savoir sur le méga-projet EMME en bord de Garonne - Premium

Quel est le projet ?L’objectif est de créer une unité de conversion de nickel et de cobalt. L’ensemble comprendrait une zone de manutention portuaire, un laboratoire de science des matériaux et une usine de transformation, par des procédés de chimie minérale, de produits métallurgiques en sulfates (de nickel et de cobalt). Ces matériaux interviennent dans la fabrication des batteries pour véhicules électriques, plus précisément pour les cathodes. À ce titre, ils seraient expédiés aux industriels, notamment les giga-factories du nord de la France et en Europe.À plus long terme, le site pourrait également faire du traitement de matériaux recyclés issus des batteries électriques. Où ?Le projet doit voir le jour en bordure de Garonne, à 10 kilomètres au nord de Bordeaux, au niveau du terminal industrialo-portuaire de Grattequina, sur les communes de Parempuyre (principalement) et de Blanquefort. Il verrait le jour sur un foncier de 32 hectares, propriété du Grand Port Maritime de Bordeaux (GPMB) : les six hectares du terminal portuaire en lui-même et 26 autres hectares en arrière de la zone d’appontement. Une convention d’occupation temporaire, d’une durée de 50 ans, a été signée le 22 décembre 2023 avec le GPMB.Qui porte le dossier ?Le projet est piloté par la société ad hoc EMME, Electro Mobility Materials Europe. Cette SASU, dont le siège social est à Bordeaux, a été immatriculée au registre des sociétés le 14 avril 2023. Son président et unique actionnaire est Antonin Beurrier. Il totalise 25 années d’expériences professionnelles dans le milieu industriel, à différents postes de direction générale (Michelin, Sandvik, Xstrata, Vale). Il est secondé par deux associés. D’une part Sarah Maryassael, basée au Canada et ancienne directrice des approvisionnements de Tesla (pendant plus de cinq ans) et actuellement cheffe de la stratégie d’Arcadium Lithium, plus grand producteur mondial de lithium. Et d’autre part l’Australien Michael Nucifora, qui a géré des usines et centres de recherche, notamment pour le groupe minier métallurgique australien Xenco Services. Le chef du projet est Henri Biscarrat, qui a dirigé plusieurs usines françaises, dont des sites Seveso, pour Orapi Group.Le projet en chiffresL’objectif est de livrer annuellement 20.000 tonnes de sulfites de nickel et 1.500 tonnes de sulfites de cobalt, nécessaires pour les cathodes de quelque 500.000 véhicules électriques. Soit 20 à 30% du marché français à l’horizon 2030, ou encore quelque 3% des besoins du continent européen.Le chantier devrait mobiliser jusqu’à 1.000 personnes au plus fort des travaux. Les constructions représenteraient 12.000 m² de surface bâtie, avec une hauteur maximale de 25 mètres et « la plupart des bâtiments inférieurs à 15 mètres ». Le site devrait employer 200 personnes à son démarrage, dont 60% hautement qualifiées. Il est prévu à terme 300 emplois directs et un millier d’emplois indirects.Cette unité permettrait une hausse de 20% du flux de containers du Port de Bordeaux, soit peu ou prou la baisse qui a été enregistrée entre 2017 et 2023.L’investissement global est évalué à 480 millions d’euros, dont notamment 298 millions de budget direct, 47 millions pour les études, l’équipe projet, le financement de la montée en charge, mais aussi 100 millions d’euros au titre des « coûts opérationnels de mise en service » et 35 millions pour la « contingence totale ». Il est prévu de lever 224 millions d’euros de dettes bancaires. 255 millions proviendraient des fonds propres et aides publiques. Sont notamment évoqués la société suisse d’investissement KL1 (majoritaire), InfraVia Capital Partners qui a lancé il y a un an un fonds dédié aux métaux critiques, des investisseurs industriels. Le Conseil régional de Nouvelle-Aquitaine sera également sollicité. Le projet serait éligible au Crédit Impôt Recherche prévu au titre de la loi Industrie Verte du 23 octobre 2023. Le financement de l’Etat devrait être conséquent ; Emmanuel Macron pourrait mettre le projet en lumière lors du sommet Choose France de 13 mai prochain.Le calendrierLa décision finale d’investissement est prévue avant l’été 2024. Une modification du PLUi est nécessaire pour créer cette méga-usine. La procédure est conduite par le GPMB, en tant qu’établissement public. Il s’agit de faire passer les terrains concernés de « À urbaniser à long terme » en « Urbanisables tout de suite ». L’enquête publique devrait être menée au cours du second semestre 2024. Il est prévu 30 mois de travaux à partir de l’obtention du permis de construire, espérée pour début 2025.À ce stade, les contrats d’approvisionnement en produits métallurgiques ne sont pas finalisés. Le président d’EMME évoque des discussions avec des lieux de production en Australie, Nouvelle-Calédonie, Brésil et Indonésie, pour livraison à l’usine girondine par bateaux.La mise en service est prévue à horizon 2027-2028.L’aspect environnementalLe foncier est situé en zone inondable. Le site devrait faire l’objet d’un classement « Seveso seuil haut », le plus haut niveau de vigilance pour une installation industrielle. Non pour des risques d’explosion, mais pour les risques de pollution du milieu naturel par le dioxyde de soufre (utilisé dans les procédés de production) et par les sulfites de nickel et de cobalt (les produits finis). En raison du caractère inondable de la zone, il est prévu de remblayer le site sur 12 hectares (25 hectares initialement envisagés) afin de surélever les constructions.Le projet étant classé d'envergure nationale et européenne, la consommation d'espaces artificialisés (29 ha) ne serait pas décomptée de l'enveloppe foncière de Bordeaux Métropole.L'usine consommerait quelque 80 m³ d’eau par heure. 50% seraient rejetés dans l’environnement après purification, 40% sous forme de vapeur, 10% seraient utilisés par les process industriels.Le cabinet Artelia apporte un support technique au projet sur ces sujets de gestion des risques industriels et environnementaux.Concertation de mise en compatibilité des documents d'urbanisme, ouverte jusqu'au 20 mai 2024 minuit.

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