L'usine ouverte, au cœur de la stratégie de Tissage Moutet - Premium

Il y a quelque chose d’hypnotique à voir fonctionner les métiers à tisser dans la fabrique de Tissage Moutet. Les machines vrombissent, des bobines de fils se dévident, la navette fait des aller-retours à toute allure, la trame défile et peu à peu, le tissu apparaît, son motif se précise. « C’est un peu magique, non ? sourit Camille Prat, responsable communication de l’entreprise, l’une des plus anciennes encore en activité en Béarn. Les visiteurs sont toujours très impressionnés ». Tissage Moutet a été fondé en 1874, quand Jean-Baptiste Moutet ouvre à Orthez une boutique de draperies. Rapidement, il décide de se mettre à tisser lui-même. « Il faisait principalement des mantes à bœuf, du linge très solide en lin et toile », raconte Camille Prat. Selon la tradition béarnaise, ce sont des toiles unies, décorées uniquement d’un jeu de rayures servant à identifier le propriétaire de l’animal. En 1919, la génération suivante de la famille Moutet fait mécaniser la production. Dans les années 1930, l’explosion du tourisme popularise différents éléments emblématiques du Béarn, tels que le béret et le linge à rayures. Et même si, injustice historique, ceux-ci deviennent populaires sous l’appellation « basques », les décennies à venir sont l’âge d’or de l’entreprise béarnaise.Âge d'or, chute et renaissanceEn 1969, Tissage Moutet fait construire l’usine dans laquelle, plus de cinquante ans plus tard, l’entreprise se trouve toujours. À son apogée, l’usine compte plus de 200 ouvriers et 250 métiers à tisser. Mais vient ensuite la crise du textile des années 1980 et les délocalisations, qui finissent par avoir raison de l’entreprise. L’usine ferme en 1998… pour renaître de ses cendres à peine un an plus tard. Catherine Moutet, 4ème génération de la famille à la tête de l’entreprise, repart pratiquement de zéro, avec une vingtaine de salariés, et un nouveau modèle économique, tourné vers le haut de gamme produit en toutes petites séries. Tissage Moutet invite de grands designers à venir concevoir des modèles de tissus, et se tourne aussi vers la vente de produits personnalisés aux entreprises. « Nous faisons beaucoup de produits souvenirs pour les musées, les sites touristiques, précise Camille Prat. Le château de Versailles et la Maison Blanche, par exemple ». Cette activité représente environ 50% du chiffre d'affaires global de l’entreprise. Grâce à une production très flexible et une commande minimale volontairement très basse (300 pièces), Moutet fonde son modèle économique sur « beaucoup de clients différents, avec de petits volumes ». Aujourd’hui, 30% de son chiffre d’affaires se fait à l’export, principalement vers les Etats-Unis, le Japon et l’Allemagne.L'atelier au cœur de la stratégie marketingEn 2006, l’entreprise reçoit le label Entreprise du Patrimoine Vivant. La reconnaissance de son histoire et de son savoir-faire, mais aussi une partie de sa stratégie. L’usine Moutet est en effet conçue pour être visitée : au cœur du bâtiment, un long couloir central est décoré avec des échantillons de tissus, des photographies d’époque, des panneaux explicatifs, des dates-clés de la vie de l’entreprise… la visite de l’usine, gratuite, est au cœur de la communication de Tissage Moutet. « Mettre en avant notre atelier, montrer ce qu’il y a derrière le produit, ça fait partie de notre ADN, de notre engagement, confirme Camille Prat. Nous tenons à faire partager un savoir-faire qui est devenu rare, et être un acteur du tourisme, et il y a une demande croissante pour savoir comment les produits sont fabriqués, ça va de pair avec la valorisation du Made in France de ces dernières années ». Mettre en avant l’outil de production est aussi un véritable atout commercial : « Les visiteurs deviennent des consommateurs fidèles, ils reviennent. Et surtout, nos meilleurs ambassadeurs. Ce n’est pas quelque chose d’éphémère », constate la directrice communication. Dans le cadre de cette stratégie, Tissage Moutet par exemple participé aux journées du patrimoine économique, organisées pour la première fois dans les Pyrénées-Atlantiques. « C’était une décision évidente pour nous, qui nous a permis de nous appuyer sur une communication plus large », explique Camille Prat. Durant le week-end qu’a duré l’opération, l’usine Moutet a reçu une cinquantaine de visiteurs. Le chiffre n’est pas négligeable, quand l’usine accueille en moyenne, 800 visiteurs par an. La moitié d’entre eux fait, à la suite de sa visite, un achat dans le magasin d’usine. C’est l’un des deux points de vente de la marque, avec la boutique ouverte cette année à Orthez, à 50 mètres de l’ancien magasin de Jean-Baptiste Moutet. Le gros de l’activité retail est fait via des revendeurs et le site internet de l’entreprise.En croissance stable, Tissage Moutet réoccupe, pièce après pièce, les locaux de son usine, qui a longtemps sonné vide. Les dernières pièces inutilisées sont en train d’être aménagées pour y installer bureaux et cantine. Au point de revenir aux 200 employés des grandes heures ? « Pourquoi pas ? » sourit Camille Prat, même s’il n’est pas question de renoncer au nouveau modèle économique haut de gamme. Aujourd’hui, l’usine compte trente salariés ; et à l’inverse de beaucoup d’industries béarnaises, n’éprouve aucune difficulté à recruter. « Nous avons une très bonne qualité de vie au travail, et très peu de turnover », confirme Camille Prat. Le turnover est un enjeu particulier pour cette entreprise qui compte beaucoup sur la formation. « Il n’y a plus d’écoles professionnelles sur nos métiers, très spécifiques, précise la directrice communication. Il faut deux ans pour former un employé, chaque embauche est un vrai pari ». Tissages MoutetFondation en 187430 employésChiffre d'affaires : environ 1,5 millions d'euros

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