Comment l'appellation Pêche roussanne veut se développer - Premium

« Nous sommes une toute petite appellation », précise d’emblée Patrick Beuste. Agriculteur à Monein, il est aussi président de la coopérative de la pêche roussanne. Une quinzaine d’hectares au total, un peu moins de 200 tonnes de fruits par an… les chiffres restent très modestes, reflet d’un cahier des charges très exigeant : « 250 arbres minimum par exploitation, quatre mètres d’intervalle entre chaque pied, cinq mètres entre les lignes. La terre doit faire partie de l’AOC Jurançon et être exposée plein sud », précise Patrick Beuste. Ce n’est pas un hasard si ces critères sont partagés avec le vin. Historiquement, la pêche roussanne se cultivait entre les rangées de vignes, avant de disparaître au début du XXe siècle, remplacée par la vigne et la monoculture du maïs. Faute de main-d'œuvre, aussi : « C’est un énorme travail, qui ne peut être fait qu’à la main, raconte l’agriculteur. Les pêches poussent sur des coteaux trop pentus pour les tracteurs. Et il faut faire l’éclaircissage au mois de mai, en même temps que tous les travaux de la ferme… c'est nettement plus facile de ne faire que du maïs. » Au début des années 2000, l’appellation renaît, sous l’impulsion de Marie-José Casebon, elle aussi agricultrice, qui dépose l’appellation auprès de l’INRA et crée la coopérative avec une vingtaine d’agriculteurs. Un pépiniériste de Dordogne livre les premiers plants, la coopérative se lance, et vend d’abord en local. « On a fait de la publicité sur les routes, distribué des prospectus sur les voitures… » se souvient Patrick Beuste. La coopérative essaie de viser plus large, mais se heurte à des difficultés logistiques, d’autant plus importantes que la pêche roussanne se cueille à maturité. « On a envoyé des palettes de pêches à Rungis, mais le prix des transports est bien trop élevé pour que ce soit viable, regrette son président. Encore aujourd’hui, c’est plutôt un fruit qui se vend dans le coin, frais ou sous forme de produits dérivés : nectars, confitures et fruits au sirop. Elle part dans des magasins indépendants et dans la grande distribution », ajoute-t-il.À lire également - Rencontres de l'économie agricole : un tableau sombre des perspectives du secteurC’est aussi un fruit qui se vend cher. « La pêche normale se vend 1 euro le kilo, la pêche roussanne commence à 3 euros, précise Patrick Beuste. C’est un produit rentable, mais très dur à gérer ». Le fruit est fragile, vulnérable à la grêle, aux gelées, aux maladies. Sa récolte est également complexe… et chère : « Dans mon exploitation, nous avons 600 arbres, tout est en pente. Pour la récolte, j’emploie dix saisonniers pendant trois semaines. Tout est ramassé, trié et calibré à la main. Mais c’est aussi ça la raison de notre succès ». Car aujourd’hui, la pêche roussanne se vend bien. En 2019, le G7 de Biarritz met le fruit à l’honneur au menu du dîner des chefs d’Etat. « Depuis, beaucoup plus de restaurateurs s’y intéressent, des grands restaurants de la côte basque à Biarritz, Bayonne, Anglet… » se félicite Patrick Beuste. Aujourd’hui, la coopérative de la pêche roussanne représente environ 55.000 euros de chiffre d'affaires annuel. « Tous les agriculteurs qui font de la pêche font autre chose à côté, précise Patrick Beuste. Il est impossible aujourd’hui de vivre d’une seule culture. » Le chiffre est amené à croître, affirme le président de la coopérative : « la demande est très supérieure à l’offre. Aujourd’hui, si on ne produit pas plus, c’est uniquement par manque d’agriculteurs, on aimerait d’ailleurs que plus de jeunes viennent nous rejoindre. » Pour convaincre des jeunes agriculteurs de rejoindre leurs rangs, la coopérative prévoit d'investir dans un point de vente permanent. « Actuellement, la saison ne dure qu'un mois dans l'année. Si on avait notre propre point de vente, on pourrait vendre nos produits dérivés le reste de l'année », prévoit Patrick Beuste. Et ainsi, stabiliser le modèle économique encore fragile de la pêche de Monein.

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