Comment la Maison Malnou a inventé le piment du Béarn - Premium

C’est l’histoire d’une entreprise très ancienne et d’une marque très récente. L’entreprise, c’est la Maison Malnou, et son ancienneté est affichée, bien en évidence, sur les étiquettes des flacons de piment fumé qu’elle vend : 1872. « Maison », est ici à prendre au sens propre : l’année est celle de la construction du bâtiment qui abrite, encore aujourd’hui, les locaux de l’entreprise à Poey-de-Lescar. « Un de mes ancêtres était postillon, il acheminait le courrier à cheval », raconte Margaux Malnou, directrice de la Maison Malnou. Quand le chemin de fer arrive dans le pays, les postillons perdent leur emploi. En compensation, l’aïeul se voit offrir par l’Etat une licence tabac et alcool. En 1872, donc, il ouvre son établissement. « Chaque génération a apporté une activité en complément », raconte sa descendante. Une auberge, un magasin de journaux, une station à essence… Dans les années 1940-1950, la maison est devenue un restaurant. « Ils assaisonnaient leurs plats avec le piment qu’ils plantaient dans le jardin, reprend Margaux Malnou. Il y en avait une cinquantaine de pieds. » Une génération plus tard, « dans les années 1990-2000, mon père a travaillé sur le piment de façon plus approfondie ». Celui-ci développe en particulier une technique de séchage plus longue et à plus basse température que ce qui se pratique pour le piment d’Espelette, et qui lui permet de ne pas blanchir ni perdre sa saveur au fil du temps. C’est aussi au père de Margaux Malnou que vient l’idée de fumer le piment. « Des potes restaurateurs lui en achetaient quelques kilos de temps en temps », mais c’est la dernière génération en date qui va faire passer aux piments béarnais la vitesse supérieure. « Je rentrais de l’étranger avec mon mari, raconte Margaux Malnou, et on cherchait une société à reprendre. On a décidé de faire une marque de nos piments, et créé la société Maison Malnou en 2015. » Créer une appellationSur ses étiquettes, la Maison Malnou met un autre terme en avant : « Piment du Béarn ». Le terme évoque une appellation ancienne, mais il n’en est rien. Il n’existe pas d’appellation liée au piment en Béarn, contrairement au piment d’Espelette voisin, et « je voulais donner une identité au produit, le rattacher au Béarn pour que les gens s’identifient au produit et que les clients deviennent des ambassadeurs ». La manœuvre réussit au-delà de toute espérance… c’est qu’elle a touché une corde sensible, le bien connu complexe d’infériorité-supériorité des Béarnais par rapport à leurs voisins de département. « Les gens en ont ras-le-bol du Pays basque et de n’entendre parler que des produits basques, rit Margaux Malnou. Ils étaient très fiers de pouvoir les concurrencer avec un produit qui n’existait pas auparavant, de le ramener à leurs amis, leur famille… et chez les copains basques ! » Le premier investissement, 40.000 euros pour un séchoir lors de la fondation de l’entreprise, se fait en fonds propres. Les suivants seront suivis par la banque : 80.000 euros dans un laboratoire « dans lequel on fait du piment, et aussi de la truite fumée hors-saison », puis une première boutique dans un bâtiment attenant à la maison historique pour 100.000 euros, à l’ouverture en septembre 2023 d’une boutique au centre-ville de Pau pour 350.000 euros. Aujourd’hui, le piment du Béarn de la maison Malnou est distribué à 80% auprès des professionnels : charcutiers, transformateurs, conserverie, restaurateurs, revendeurs… « plus nos deux boutiques pour agrandir la clientèle particuliers ». Environ 90% de la production des 2,5 hectares cultivés est vendue en Béarn et aux alentours, et l’objectif de la Maison Malnou pour 2024 est d’ailleurs d’étendre sa zone de vente. « Il y avait déjà un très gros travail à faire en Béarn pour convaincre les transformateurs, les conserveries, de remplacer le piment d’Espelette dans leurs recettes », se souvient l'entrepreneuse. Un travail d’autant plus difficile que le produit est nettement plus cher. « La bascule est venue des clients particuliers, qui demandaient aux charcutiers pourquoi ils n’utilisaient pas de piment du Béarn. Au fur et à mesure, poussés par leurs clients, les transformateurs nous ont demandé notre piment. »Devenir une référence du piment« On a mis quatre ans pour vraiment développer cette marque et arriver à une notoriété correcte, résume Margaux Malnou. Ensuite, on a voulu switcher. On ne peut pas déposer "Piment du Béarn" à l’INPI, si un autre producteur décide d’en faire. On veut donc mettre plus en avant la marque Maison Malnou, qu’elle devienne une référence en matière de piment. » L’entreprise va donc cesser le développement des produits dérivés, plats cuisinés et condiments, sur lesquels elle s’était concentrée ces dernières années, pour se recentrer sur la culture de nouvelles variétés de piment et de fumage. « On a identifié quatre variétés que l’on veut vraiment développer, précise la dirigeante, à chaque fois dans une version nature et fumée, qui est notre identité. Il y a de la demande, les gens sont preneurs de piments plus forts ou plus doux que le goria, qui est la variété que l’on cultive. Et finalement, ne pas avoir d’appellation nous délie les mains. »« On est une société qui a beaucoup investi ces neuf dernières années dans la production et la transformation, conclut Margaux Malnou. Aujourd’hui, on a ce qu’il nous faut en matière d’outils de production pour continuer de grandir doucement. Ce qui nous manque, c’est une force commerciale, c’est quelque chose que nous allons démarrer, avec l’objectif d’embaucher quelqu’un avant la fin de l’année. » Maison Malnou4 salariés à temps plein CA 2023 : 220.000 euros

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