Pau, capitale nationale de l’aéronautique légère décarbonée pour deux jours
L'aéroport de Pau-Pyrénées sera le théâtre des Green Aero Days, les 6 et 7 décembre prochains. Crédit : Adobe Stock
Les 6 et 7 décembre, Green Aero Days réunira, à l’aéroport de Pau-Pyrénées, les principaux acteurs de la filière qui œuvrent pour la décarbonation de l’aviation légère de demain. Placéco a échangé avec Bruno Dahan et Philippe Lagarde, respectivement directeur délégué Aéronautique et chargé de mission mobilité aérienne au sein du pôle de compétitivité Aerospace Valley qui organise l’évènement, autour des objectifs de ce salon et des problématiques de la filière.
Pourquoi, après les éditions à Bordeaux puis Toulouse, ce choix de Pau pour accueillir Green Aero Days ?
Philippe Lagarde : Du fait de la nature bi-régionale du pôle Aerospace Valley, il y a une alternance entre les régions Occitanie et Nouvelle-Aquitaine. Il nous fallait un aéroport et aussi un endroit où exposer des avions légers de façon simple. Bordeaux et Toulouse ont un fort trafic commercial. Il faut accueillir 200 personnes sur un tarmac. Plusieurs lieux ont été sollicités. Pau est emblématique, elle a accueilli dès 1911 la première école de pilotage au monde, il y a un des plus grands centres militaires pour hélicoptères en Europe. C’est une région très riche en grands groupes, ETI, PME, startups et sous-traitants de l’aéronautique.
Qu’est-ce que ce salon veut apporter comme valeur au secteur de l’aéronautique ?
Bruno Dahan : C’est dans la continuité d’évènements comme l’initiative Maele (ndlr : mobilité aérienne légère et environnementale responsable) lancée en novembre 2020 pour redynamiser l’aviation légère. L’objectif est de rassembler une communauté, des savoir-faire autour des technologies de l’aviation légère. Sur l’information qui sera délivrée, on arrive sur un niveau qui est le top de ce qui peut se faire sur ces différents axes de décarbonation. Pour Green Aero Days, c’est la première fois qu’on arrive avec une telle ambition sur les intervenants et évènements à coté du salon : une telle exposition d’avions qui ont cette volonté de décarbonation (ndlr : une dizaine de prototypes d’aéronefs bas-carbone), c’est une première mondiale !
Philippe Lagarde : L’aviation légère joue un rôle fondamental : c’est un moyen de transport souple et rapide, complémentaire des mobilités ferroviaire et routière, elle relie efficacement les territoires. C’est aussi une mission de service public, qui contribue à la formation des pilotes et mécaniciens. C’est important avec le vieillissement de la flotte mondiale. Décarboner l’aviation légère permet d’expérimenter tout un ensemble de nouvelles technologies, avec des réglementations moins contraignantes que dans l’aviation commerciale. C’est une immense plate-forme d’expérimentation. Et une première étape pour appliquer tout ou partie sur des avions plus gros, car une partie des technologies basculera. Dans l’aviation légère, il y a 70% du marché qui est américain. Au rythme annuel de fabrication, il faudrait un siècle pour renouveler le parc mondial. Chacun des avionneurs veut prendre une part du gâteau, ce sont de grosses perspectives.
L’avion vert est-il une perspective réaliste ? Un avion peut-il réellement être écologique ?
Bruno Dahan : L’aviation légère sera la première à être verte et ouvrira le chemin.
Philippe Lagarde : En termes d’émissions, oui, ça peut être tout vert. Si on dézoome sur la recharge des batteries, ça dépend du mode de production de l’électricité. Ça viendra avec l’écosystème. Au sein d’Aerospace Valley, on travaille à faire venir les énergies vertes sur les aéroports. Il y a aussi des éléments technologiques à interroger. Est-ce que l’exploitation minière du lithium, c’est vert ? Saft et d’autres spécialistes des batteries réfléchissent à utiliser d’autres composants en termes d’extraction. Le secteur aérien, dans son ensemble, peut-il être écologique ?
Les innovations vertes sur des petits avions sont-elles potentiellement transposables à l'aviation commerciale ?
Bruno Dahan : Parmi les gros acteurs du marché, il n’y a pas un projet qui passe sans avoir la volonté de décarbonation de l’aérien, pas un ! Les accords de Paris, la trajectoire du zéro net émission à horizon 2050, c’est le plan de vol de l’aéronautique, le guide de toutes les initiatives et qui entraîne la totalité de la supply chain.
Philippe Lagarde : On n’a pas attendu les problématiques d’émission de CO2 pour réagir. On a baissé la consommation des avions de 80% lors des 70 dernières années, qui correspondent au développement de l’aviation commerciale. On représente entre deux et trois pour cent des émissions globales. On n’a pas attendu l’aérobashing pour travailler. On gagne un point de consommation par an, mais on est asymptotique. Au niveau aéronautique, le plan de décarbonation est géré par des organisation internationales comme l’EACI. Il n’y a pas ce pendant sur les trains par exemple.
Que représente aujourd'hui l'aviation verte en termes de poids économique ? Y a-t-il autre chose dans cet écosystème que des startups ?
Philippe Lagarde : L’aéronautique, sur le seul bassin de Pau, c’est une centaine d’entreprises, 10.000 emplois. Si on ne fait rien, on va perdre tous ces emplois. Toutes ces PME et ETI doivent prendre ce virage, monter des consortiums et projets qui fourniront les briques technologiques de demain. Sinon elles seront exclues du jeu. La France avait abandonné le marché de l’aviation légère depuis 40 ans. Là, avec l’aviation légère décarbonée, il est possible de recréer de l’emploi.
Bruno Dahan : Aujourd’hui, ce n’est pas binaire, avec les acteurs de l’aviation carbonée contre ceux de l’aviation décarbonée. Tous les acteurs de l’aviation se décarbonent. Sur le périmètre d’Aerospace Valley, l’aviation c’est 150.000 emplois. En 2030, ça sera 200.000. L’aéronautique représente 3,2% du PIB et 12% du commerce extérieur. C’est le premier secteur industriel français, La France est le deuxième pays d’aéronautique après les USA.
Quelle est la place de l’aviation verte dans l'écosystème aéronautique et au sein d'Aerospace Valley ?
Bruno Dahan : Sans conteste, aujourd’hui, dans l'aviation en général, la décarbonation est le principal enjeu.
Philippe Lagarde : On a toujours su relever les défis dans l’aéronautique, qui est le moyen de transport le plus sûr au monde. Il n’y a pas de raison qu’on ne réussisse pas ce tournant vers le vert comme on a réussi le tournant vers la sécurité.
Plus d'informations sur les Green Aero Days ici.