« L’industrie s'est totalement emparée du sujet de l'énergie » - Premium

Lors du lancement des semaines de l’industrie, vous disiez “l’industrie va bien, elle va même très bien ». Qu’entendez-vous par là ?J’associe d’abord cela au volume d’activité. L’essentiel de l’activité métallurgique sur le 64 et le Seignanx vient de l’aéronautique, et c’est un secteur qui a aujourd’hui des carnets de commandes ultra-remplis. La question, c'est plutôt comment répondre à la demande, plutôt que savoir où trouver du travail. Dans ce sens-là, oui ça va bien, il y a beaucoup d’activité, même s’il y a encore pas mal de turbulences au niveau des chaînes d’approvisionnement. Les achats restent compliqués, c’est une filière qui a du mal à retrouver la structure qui était la sienne pré-covid. L’industrie est aussi un secteur riche en termes d’innovations, induites par les problématiques de décarbonation, l’arrivée de l’intelligence artificielle également. Dans l’aéronautique en particulier, il y a un foisonnement très fort. Il y a aussi des éléments pour lesquels le climat est moins favorable. Le bâtiment par exemple et donc, en ce qui concerne la métallurgie, les charpentes métalliques ; ou bien les activités en rapport avec la fabrication de machines agricoles, sont plutôt en stagnation voire en réduction. Sur ces secteurs-là, il faut que l’on reste très attentifs pour accompagner les sociétés qui aujourd’hui font face à un ralentissement d’activité. Mais d’une manière globale, l’activité est forte et il y a à peu près 500 emplois qui sont en permanence non-pourvus au sein de la métallurgie sur le 64 et le Seignanx.La pandémie a prouvé que dans le secteur aéronautique, les carnets de commandes bien remplis peuvent se vider sans crier gare. Est-ce quelque chose dont on peut se prémunir ?Il y a des attitudes qui semblent vouloir changer, une volonté de faire des circuits d’approvisionnement plus courts, d’arrêter d’aller acheter à l’autre bout du monde ce que l’on peut trouver plus près de chez soi. Cela coïncide d’ailleurs avec les mesures de bilan carbone : on voit de plus en plus de donneurs d’ordre qui prennent des décisions en analysant le bilan carbone de l’offre du fournisseur. Cela permet de contrebalancer en partie des éventuels écarts de coût de main-d'œuvre. La question logistique rejoint ainsi la question de la décarbonation. Il y a un autre point : la pandémie a cloué au sol toute l’activité civile et mis à l’arrêt toute l’industrie de l’aviation commerciale. Aujourd’hui, une bonne partie de notre activité est en rapport avec l’armement. Et, Covid ou non, cette activité est là, elle a très fortement redémarré. Et plus il y a de conflits dans le monde, plus il y a d’activité dans le secteur militaire. Vous connaissez les succès de Dassault avec le Rafale, ils ont bien d’autres opportunités toujours en rapport avec cet avion. Les hélicoptères de combat fonctionnent aussi, et le principal motoriste est ici, à Bordes et sur la côte.« Si le Rafale est une chasse gardée pour la chaîne d’approvisionnement française, le paysage sera sensiblement différent pour son successeur. » N’y a-t-il pas un risque de dépendre du secteur de l’armement ? Aujourd’hui tout n’est pas qu’armement dans l’industrie aéronautique. C’est plutôt un rééquilibrage en sa faveur, et c’est sûr que les succès du Rafale aujourd’hui, ont des conséquences très positives sur les fournisseurs qui sont principalement des fournisseurs français. L’armement a cette caractéristique de souvent s’associer à des fournisseurs domestiques. Les programmes français travaillent avec des fournisseurs français. Des programmes européens vont s’appuyer sur des fournisseurs européens. Si je le mentionne, c’est parce que le successeur du Rafale sera vraisemblablement un avion européen. Il s'appuiera donc sur une supply chain européenne. Si le Rafale, pour le moment, est une sorte de chasse gardée pour la chaîne d’approvisionnement française, le paysage sera probablement sensiblement différent pour son successeur.L’armement est un secteur particulièrement innovant et performant d’un point de vue technique et technologique. C’est une occasion pour la chaîne d’approvisionnement, en particulier dans notre territoire, de progresser d’un point de vue technique et technologique. Ce faisant, le positionnement de cette industrie dans l’échelle de la valeur va être de plus en plus haut, et ce sera source de pérennité. Des territoires industriels béarnais annoncent leur intention de diversifier leur base industrielle pour sortir de la dépendance à l’aéronautique, est-ce un enjeu pour vous ? La diversification de nos secteurs d’activité est certainement souhaitable. Est-ce une préoccupation quotidienne aujourd’hui ? Probablement pas. Nous sommes face à une activité qui, si l’on met de côté les pandémies, est une activité qui se décline sur le long terme. L’aéronautique, ce sont des relations commerciales pluriannuelles, 5 à 10 ans, entre un client et son fournisseur.« Nous avons tous pu baisser notre consommation d'énergie entre 10 et 20% »L’année dernière à cette saison, les prix de l’énergie étaient un enjeu immense pour l’industrie. Cette année, les prévisions de Teréga sont plutôt réconfortantes sur le sujet. Quelles sont vos attentes sur le sujet ? Au niveau de l’électricité, la flambée s’est tout à fait calmée. Ensuite, cela dépendra beaucoup de la politique qui sera menée au niveau national, par rapport à l’allocation qu’entendent faire les autorités sur l’électricité issue des sources nucléaires. Est-ce que l’Etat va continuer à figer la tarification sur la composante ARENH ? Ce sera un élément très important. Sur la composante du gaz, on voit quand même qu’il a pas mal augmenté, il y a une instabilité par rapport au conflit ukrainien. De manière plus globale, la dynamique des prix de l’énergie va dépendre beaucoup de la façon dont l’économie de la Chine va redémarrer… Ceci dit, les industriels de la métallurgie ont travaillé sur des plans pour abaisser leur consommation énergétique, et cela a également été encouragé par leurs clients. Nous ne sommes pas restés passifs face à ces enjeux énergétiques. Des actions tactiques et stratégiques ont été déployées. Certaines très basiques, par exemple le fait de baisser les thermostats. Mais aussi des investissements stratégiques dans les ateliers, des récupérations de chaleur dans les zones où l’on a des compresseurs d’air pour redistribuer cet air chaud dans les différents bâtiments… toute une série d’optimisations mises en place et font qu’aujourd’hui, en termes de consommation, nous avons tous pu baisser notre consommation entre 10 et 20%. Et il faut continuer, ce n’est que le début. Le sujet des économies d’énergie est un sujet dont l’industrie en général et la métallurgie en particulier se sont totalement emparés. L’autoproduction d’énergie sur site a-t-elle du sens pour l’industrie ? Elle a du sens, pour tout ce qui concerne les parties administratives. Vous pouvez trouver des points d’équilibre et des retours sur investissement dans des délais raisonnables, 5 à 10 ans, sur les installations que vous mettez en place dans les bureaux. Mais ce ne sont pas des fournitures d’électricité en rapport avec la force requise pour les machines qui sont dans les usines, qui ne peuvent fonctionner que sur le réseau.

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