Interdiction de la pêche : malgré l’indemnisation, le compte n’y est pas
Aurélien Sorin est patron du Joker II, un navire de 11,98m. Crédit Photo : Joker II
Depuis hier et jusqu’au 20 février 2025, les bateaux de pêche de plus de huit mètres ne peuvent plus sortir en mer. Cette mesure destinée à protéger la population des cétacés dans le Golfe de Gascogne suscite l’incompréhension de la profession. Rencontre avec l’un d’entre eux, Aurélien Sorin, marin pêcheur sur le port de Capbreton.
De la sole, du barbu, de la lotte, du bar ou du merlu, voici les espèces qu’Aurélien Sorin devrait pêcher à cette époque de l’année entre Capbreton et Mimizan. Au lieu de ça, le marin est cloué à terre depuis hier. Lui et son équipe (deux marins et une vendeuse à quai) se retrouvent au chômage technique pour une période de 30 jours. Cette interdiction de pêche dans le Golfe de Gascogne, dans le but de préserver les cétacés, a du mal à passer pour le marin landais comme pour l’ensemble de la profession.
Depuis plusieurs années, le petit patron a pourtant l’impression de faire tout ce qu’il faut. En 2021, il s'est porté volontaire pour équiper son bateau de caméras. À ce titre, il a même reçu sur le pont, la ministre de la Mer de l’époque, Annick Girardin. Malgré ses efforts, les années se suivent et se ressemblent, avec une période d’arrêt forcé devenant désormais habituelle. Une interdiction justifiée par la protection des cétacés mais qu’il estime disproportionnée. « En cinq ans, j’ai dû attraper cinq marsouins et deux dauphins, ce n’est rien comparé au nombre de jours passés en mer ».
Une mesure radicale
Ce constat est également celui des élus socialistes du département. Plusieurs d’entre eux (député européen, député, sénateurs, maire de Capbreton, président de la MACS, du Département et vice-président de Région) ont signé un communiqué de presse dans lequel ils s’interrogent sur « le radicalisme » de la mesure. Affichant leur soutien aux 19 bateaux concernés à Capbreton, seul port de pêche landais, ils appellent également « à définir clairement les modalités d’indemnisation de la filière ».
Voici une chose qui agace Aurélien Sorin. « On se lève à 4 heures du matin pour aller en mer, on n’est pas faits pour remplir des papiers », enrage-t-il. Pourtant le gouvernement a prévu une enveloppe de 20 millions d’euros et chaque bateau sera indemnisé à hauteur de 80%. Mais pour le patron landais, cela n'est oas satisfaisant. « Tout d’abord, on ne veut pas vivre d’aides, on veut juste travailler », insiste-t-il. Ensuite, selon lui, le montant de l’indemnisation est insuffisant. « Le compte n’y est pas car c’est 80% du chiffre réalisé les années précédentes or ce chiffre était déjà amputé par une période d’interdiction ». À titre d’exemple, il cite la campagne 2024 où une période de trois semaines de tempête avait succédé à quatre semaines d’interruption légale.
17 bateaux landais bloqués au port
Cette année, l’interdiction concerne plus de 300 navires français de plus de huit mètres, de la pointe du Finistère jusqu’à Hendaye. Dans les Landes, sur les 19 bateaux de pêche de Capbreton, seuls deux peuvent continuer à sortir en mer. Pour les autres, pas question de mettre un pied sur le pont. « Je n’ai même pas le droit de monter sur le bateau pour effectuer quelques travaux d’entretien », déplore Aurélien Sorin.
D’après l’observatoire du CNRS Pelagis, la mesure a montré son efficacité l’an passé. Selon cet organisme, la mortalité des cétacés aurait diminué de 76% durant la période d’interdiction. Pourtant, le marin de Capbreton nuance ce chiffre. « Ce sont les gros navires au large qui attrapent beaucoup de dauphins, pas des petites embarcations comme les nôtres. »