Toopi Organics sécurise 16M€ pour son déploiement industriel et commercial en France et en Belgique - Premium

La biotech girondine Toopi Organics mène sa feuille de route tambour battant. Spécialisée dans la valorisation agricole de l’urine humaine, elle annonce aujourd’hui avoir levé 16 millions d’euros pour « financer son déploiement industriel et commercial en France et en Belgique ». L’opération se traduit par une série A de 11 millions d’euros, menée par le fonds singapourien VisVires New Protein - investisseur historique d’Ynsect - suivi des fonds à impact belges Edaphon et Noshaq, mais aussi de MAIF Impact et enfin de BNP Paribas Développement. A noter que les investisseurs historiques, dont l’IRDI, Johes et MakeSense, ont remis au pot à cette occasion. Ce tour de table est complété par un volet non dilutif de près de cinq millions d’euros obtenus auprès de l’Agence de la transition écologique (ADEME) via un contrat à impact social (3,8 millions d’euros) et de Bpifrance (1,1 million issus de France 2030).Fondée en février 2019, basée à Loupiac de la Réole, la SAS est désormais soutenue par sept fonds à impact. Le capital est réparti à peu près à égalité entre, d’un côté, les investisseurs financiers (légèrement majoritaires) et, de l’autre, l’équipe dirigeante et le président-fondateur, Michael Rose, qui reste l’actionnaire détenant la plus grosse part individuelle. « L’ensemble de ces financements va constituer un levier essentiel pour mobiliser de la dette bancaire dans les mois à venir », est-il précisé. « Notre projet va nous permettre de répondre à des contraintes qui pèsent assez fortement à la fois sur l’environnement et sur les agriculteurs. Pour ces derniers, il s’agit de contraintes climatiques, avec les sécheresses chaque année, la volatilité des prix des engrais minéraux qui est extrêmement forte, notamment avec la guerre en Ukraine mais aussi de façon structurelle et enfin les exigences réglementaires de réduction de l’utilisation de leurs engrais minéraux. Par ailleurs notre produit contribue à réduire l’émission de gaz à effet de serre et à économiser de l’eau. »Les enseignements du premier produitToopi Organics a obtenu des autorisations de mise sur le marché (AMM) fin 2021 en Belgique, en septembre 2022 en France (à date, elle dispose d’une AMM dans six pays européens) et lance la commercialisation de son premier produit. Baptisé Lactopi Start, ce biostimulant issu de la fermentation de l’urine humaine permet le remplacement partiel (jusqu’à 50%) des engrais chimiques. « Son allégation principale, c’est la solubilisation du phosphore du sol ou apporté par les engrais, ça augmente son assimilation et donc son taux d’efficience », pose la directrice générale (depuis bientôt trois ans) Alexandra Carpentier.Ce produit, Etienne Tavier le connaît bien, en tant que responsable spécialités et engrais UAB au sein de la SCAM (Société coopérative agricole de la Meuse, 2.400 coopérateurs, 180 salariés, portefeuilles de 4.000 clients), implantée en Wallonie où elle détient entre 25 et 30% de parts de marché. Ayant notamment, au niveau de l’agro-distribution, un statut de grossiste qui lui permet de développer des activités de négoce, celle-ci a décidé, dès le printemps 2023, de prendre « un risque mesuré » en commandant un volume initial de 10.000 litres, qui a permis de couvrir 400 hectares sur des cultures telles que la betterave, la chicorée, le maïs et la pomme de terre. « On voulait suivre les cultures de leur implantation jusqu’à la récolte finale, pour voir les conséquences sur le rendement. Dès le démarrage, les cultures réagissaient très bien malgré les températures élevées et la sécheresse au printemps ainsi que le vent qui avait tendance à assécher les sols. On a remarqué que le système racinaire des cultures ciblées se développait très fortement. Ce qui a un double impact. La culture va mieux chercher les éléments nutritifs dans le sol et on a une meilleure résistance au stress abiotique. »Conséquence, une deuxième commande - équivalente - est passée « pour l’arrière-saison et cible des cultures telles que le colza et la céréales, sur 400 nouveaux hectares. Il y a deux tendances, les agriculteurs qui utilisent ce produit pour optimiser leurs rendements, chercher des kilos en plus et ceux plus sensibles au niveau environnemental et qui ont pour but de limiter leur utilisation de fertilisant, ici de 25 à 30% avec Lactopi Start en complément pour pallier cette réduction d’intrants », explique Etienne Tavier.« On est “culture agnostique” avec Lactopi Start », élargit Michael Roes, qui rappelle que le tout premier essai de l’histoire de Toopi a été fait sur vignes. « On peut aller partout. Le sujet, c’est “où va-t-on avoir le plus d’impact ?”, notamment en terme environnemental. Les cultures industrielles type blé ou maïs, c’est beaucoup plus massif que la vigne. Et avec une meilleure capacité de production, on pourra aussi adresser le marché de la vigne. Mais aujourd’hui, ce n’est pas notre priorité », tranche-t-il.Côté collecte, un partenariat - national et qui peut devenir international - a été passé avec Enygea, expert en solutions d'hygiène mobiles et temporaires pour les entreprises de la construction et de l'événementiel. « On a un pipe de collecte juste monstrueux », précise le fondateur, qui évoque pêle-mêle des festivals au Pays-Bas, en Belgique et en France, des bâtiments recevant du public (stations de repos d’autoroutes, lycées, collèges mais aussi le Futuroscope), ou encore les JO 2024 à Paris. Côté commercialisation, « notre modèle de ventes est en B2B2C, explique Alexandra Carpentier, en France on a un partenariat avec Qualifert, qui est une filiale du groupe All Sun capable d’adresser 80 à 90% du marché des coopératives en France et a l’exclusivité pour Lactopi Start. Ils vont nous prendre 400.000 litres pour les deux années à venir ». A son échelle actuelle, l’entreprise devrait générer environ 100.000 euros de chiffre d’affaires cette année et table sur 600.000 euros en 2024. Avec l’idée de très vite repousser ses limites.2 usines, 3 produits, 80 pays« On sait collecter, on sait produire mais pas en quantité suffisante, on sait vendre car tout ce qu’on va fabriquer sur les deux prochaines années est déjà vendu… Le facteur limitant pour Toopi, aujourd’hui, c’est la capacité de production », décrypte l’autodidacte Michael Roes. Pour l’heure, l’entreprise qui emploie 30 personnes dispose d’une unité d’une capacité de 250.000 litres, implantée au niveau du siège social. Les fonds évoqués ce jour vont ainsi permettre de lancer la construction de deux nouvelles usines. L’une verra le jour juste à côté de l’actuelle, sur un terrain de quasiment un hectare sur la zone d’activités Ecopole, dont l’acquisition est déjà négociée avec la Communauté de communes du Réolais en Sud-Gironde. Le chantier doit démarrer fin 2023-début 2024, pour une mise en service vers la mi-2025 à l’issue d’un investissement de quatre millions d’euros avec, à la clef, une capacité de production d’un million de litres supplémentaires. L’autre usine en projet sera pour sa part implantée en Belgique, au sein de la province de Liège, avec un décalage de 18 mois. En face de cette future capacité de production de deux millions de litres, Toopi a d’ores et déjà « sécurisé la collecte nécessaire. Si on en a besoin, on est capable de le faire ». Concernant l’environnement, l’équipe de Toopi Organics estime que ces nouveaux moyens industriels permettront « d’économiser chaque année, à partir de 2027, 24 millions de litres d’eau en réduisant l’utilisation des chasses d’eau qui envoient vers le réseau d’assainissement, mais aussi 50.000 tonnes d’émission de CO2 en moins et éviter l’épandage de 40.000 tonnes d’engrais minéraux ».Outre Lactopi Start, la biotech girondine planche actuellement sur le développement de trois autres stimulants urino-sourcés, annoncés comme « disponibles à la vente de façon progressive à partir de début 2025 ». L’un permettra de capter l’azote atmosphérique pour toutes les cultures, un autre fera la même chose via un micro-organisme qui va faire des symbioses avec le soja et le troisième permettra une meilleure résistance au stress abiotique, en particulier le stress hydrique, déjà permise par Lactopi Start et qui atteindra là des performances bien supérieures. Autre différence, ces trois produits interviendront à un stade plus végétatif, là où leur devancier est utilisé comme « starter ». Conséquence de ces projets, l’entreprise prévoit de doubler ses effectifs d’ici 2025, la directrice générale évoquant des profils opérationnels dans un premier temps, en R&D, pour la collecte, la production et la mise en vente puis, d’ici deux ans, des efforts particuliers sur le commercial et une nouvelle phase de renfort des capacités de R&D pour préparer l’avenir. « On a un modèle local, en économie circulaire, donc notre prix n’a pas vocation à devenir volatil », argumente-t-elle encore, soulignant en creux les variations de prix des engrais minéraux, vis-à-vis desquels Toopi permettrait de toute façon une économie comprise « entre 15 et 40% ».Selon le business plan, le chiffre d’affaires devrait atteindre trois millions d’euros en 2025 et dépasser 15 millions d’euros en 2027, horizon à partir duquel l’entreprise sera rentable, sous le périmètre industriel et commercial décrit. « Il y aura des réinvestissements à faire pour aller vers d’autres pays que la France et la Belgique, ce qui décalerait la date de rentabilité », précise Alexandra Carpentier. « Sur le biocontrôle, les micro-organismes qui remplacent les pesticides, sur nos étagères R&D on constate des effets d’un ou plusieurs produits. Mais la levée de fonds est consacrée au développement opérationnel des trois premiers produits de biostimulants. Toute croissance complémentaire de Toopi Organics, et c’est notre ambition en matière de biocontrôle ou d’autres pays européens, fera l’objet d’une autre levée de fonds. Pourquoi ? Le développement des produits de biocontrôle est extrêmement long pour des raisons règlementaires », explique-t-elle. « Ça demande entre quatre et huit ans et plusieurs millions d’euros de budget. La gamme de biostimulants est beaucoup plus simple au niveau règlementaire. Mais il n’est pas exclu que, sur une autre levée de fonds, on retourne sur ces sujets-là », appuie Michael Roes.Et ce dernier d’insister : « On a énormément de traction à l’international, en Europe ou même en Afrique. Il y a un an, on avait déjà des demandes entrantes de 80 pays. Avant de monter des usines ailleurs, on va vérifier que le marché répond bien et donc exporter un petit peu et commencer à vendre dans d’autres pays. » Enfin, l’équipe dirigeante écarte la possibilité de développer un réseau de micro-usines : « l’investissement serait bien trop lourd. Ça reste très technique, c’est de la biotech. Par contre, à l’échelle d’une coopérative, une centaine de kilomètre autour d’un site de production, ça on y pense. Pour l’heure on ne l’a pas fait, justement pour limiter les capex nécessaires. L’idée c’est de faire cette première phase de distribution réussie. Saturons les usines. Ensuite, les modèles économiques possibles, il y a en plein avec le sujet qu’on porte », ouvre Michael Roes.Si l’explication raccourcie évoque la collecte de l’urine humaine et sa transformation en biofertilisant agricole, la réalité est un peu plus complexe. Techniquement, Toopi Organics utilise l’urine comme milieu de culture pour « faire pousser des bactéries. C'est de la fermentation », explique Michael Roes. Toopi a développé tout un ensemble de procédés de stabilisation de l’urine pour qu’elle soit apte à la fermentation, des systèmes de filtration… Mais c’est bien la haute concentration en micro-organismes, sélectionnés pour leurs effets propres et multipliés grâce à l’urine, qui est au centre du jeu.« Depuis le départ, on est extrêmement bien soutenu par tout l’écosystème. On a reçu plus de 17 prix, on est labellisé par la French Tech, on a été dans le Green20, l’Agri20, maintenant dans French Tech 2030, on a gagné les concours i-Nov et i-Lab, on est soutenu par l’ADEME. Que ce soit au niveau très local jusqu’au niveau national et même européen, on a un soutien vraiment extraordinaire qui nous permet d’aller vite et d’éviter beaucoup d’erreurs », souligne par ailleurs Michael Roes.Toopi OrganicsSAS créée en février 2019Siège social : Loupiac de La RéoleEffectif : 30 personnesCA (prévisionnel 2023) : environ 100 000 euros

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