Location de camping-cars et vans : Yescapa et Goboony fusionnent et visent de nouveaux sommets
Le nouvel attelage Yescapa - Goboony veut sanctuariser sa domination européenne avant de viser le leadership mondial. Crédit : Yescapa
La société bordelaise Yescapa et son homologue batave Goboony ont décidé de fusionner. Le nouvel ensemble, qui constitue la plus grande plate-forme de partage de véhicules de loisirs d’Europe, entre aussi dans le trio de tête mondial du secteur, derrière les géants américains. S’ouvre désormais la mise en œuvre opérationnelle de ce mariage entre égaux. Le processus est prévu sur plusieurs années, afin de maximiser synergies et économie d’échelle mais sans casser les dynamiques de croissance respectives. A moyen terme, une importante levée de fonds sera engagée, avec le leadership mondial en ligne de mire.
L’une est française, basée à Bordeaux, l’autre est hollandaise. Toutes deux œuvrent sur le même secteur d’activité - la location de véhicules de loisirs (camping-cars, vans, fourgons aménagés) - et annoncent aujourd’hui leur fusion. Fondée en 2012 sur les rives de la Garonne, Yescapa représentait jusque-là un peu plus de 16.000 véhicules à louer, avec des positions fortes en France, Espagne, Portugal, Italie et Belgique walonne, « bien classée mais loin derrière en Allemagne », selon les mots du cofondateur et président de Yescapa Benoit Panel et « avec moins de succès sur la Grande-Bretagne et la Suisse », concède-t-il. Pour sa part, basée à Utrecht (Pays-Bas), Goboony performe sur ses terres d’origine ainsi que dans les Flandres (Belgique) et en Angleterre. « A eux le nord et nous le sud, il manque les pays nordiques et l’Europe de l’Est », synthétise le dirigeant girondin, traçant déjà la carte des conquêtes futures. Ayant chacune progressé par croissance externe, Yescapa a notamment acquis ShareaCamper en 2021, les deux entités se marient. Certes concurrentes, elles avaient déjà commencé à s’approcher dès 2018. « Notre board nous avait finalement conseillé de d’abord nous concentrer sur notre propre développement », raconte Benoit Panel, qui poursuit l’histoire : « sur 2022, on a discuté avec toute la concurrence et ils étaient les seuls à être en croissance cette année-là. Ils ont connu la fin des opérations de Camptoo (ndlr : faillite déclarée le 26 octobre dernier), un concurrent sur des marchés forts pour eux dont ils ont acquis les actifs. Ils sont beaucoup plus matures qu’en 2018. Ni eux ni nous n’étions dos au mur. Par ailleurs, nous avions un parc plus important, eux sont devant concernant le panier moyen et le chiffre d’affaires ».
Choix est alors fait de procéder par fusion. La raison ? « Une acquisition aurait représenté un montant inatteignable. On fait donc une fusion de gré à gré, horizontale, explique le dirigeant girondin, et sans dettes ! » Concrètement, une société holding de droit néerlandais - une condition sine qua non exigée par les business angels de Goboony - est constituée, dans laquelle chacun apporte 100% de ses parts. Les quatre cofondateurs - Benoit Panel et Adrien Pinson (cofondateur et CTO) pour Yescapa, Mark de Vos et Foppe Mijnlieff pour Goboony, détiennent la moitié de cette nouvelle structure, le reste étant contrôlé par les partenaires financiers historiques des deux sociétés ainsi que par trois nouveaux fonds, qui injectent à cette occasion sept millions d’euros : le fonds régional iXO Private Equity, MAIF Avenir et le hollandais No Such Ventures. Cette manne « permettra de mettre de l’huile dans les rouages de la fusion, nous allons avoir de l’accompagnement pour réussir la mise en commun des process, notamment sur la partie tech, avec une personne qui a déjà fait ça à de nombreuses reprises. Et ça permettra d’avoir les moyens si une opportunité intéressante d’acquisition se présente ». Et Benoit Panel d’évoquer la belle occasion manquée « lorsque Campanda était tombée il y a trois ans en Allemagne, on n’avait pas les moyens de faire une offre suffisante et on n’a pas été retenus ».
Se rapprocher sans friction
La holding de tête sera pilotée par Sergio Branco. Arrivé il y a un an au sein de Yescapa, il est nommé directeur général du nouvel ensemble, fort d’une solide expérience en matière de fusion-acquisition et de stratégie d’entreprise, après être passé par Homeaway (Expedia) et Instapro (ANGI). « Il est l’une des clés pour assurer le succès de la nouvelle entité, il a déjà construit des leaders européens », résume Benoit Panel. « Dans un premier temps, chaque boîte conservera sa gouvernance interne, les plates-formes resteront distinctes, les marques aussi, ainsi que les comptes de résultat. On unifie les finances, avec un directeur financier commun déjà recruté et on commence à créer le plus de ponts possibles entre nos communautés. L’inventaire de l’un sera rapidement sur la plate-forme de l’autre, pour une offre globale de près de 30.000 véhicules. Nous allons avoir les mêmes outils pour le traitement des datas. Les marques vont perdurer au moins jusqu’en 2026 », déroule Benoit Panel. Et au-delà ? Le champ des possibles est ouvert. En attendant, il y a beaucoup à faire sur l’existant. « Nous ne voulons surtout pas freiner notre croissance, qui devrait atteindre 40% cette année. Même là où nous sommes développés, nous avons au maximum 2% du parc installé. Il y a encore un très gros potentiel de développement, on reste sur un marché où il y a une surdemande par rapport l’offre. »
Numéro un sur le Vieux Continent avant la fusion, Yescapa renforce cette position : « on était leader européen jusqu’au menton, désormais des épaules et peut-être même des hanches », illustre-t-il. Et grimpe désormais même sur la troisième marche du podium mondial. « Le sujet maintenant c’est comment on crée le plus vite possibles des synergies, des économies d’échelle, sans freiner la croissance et sans perte de la qualité de service », rappelant afficher un NPS de 72 (ndlr : le Net Promoter Score ou NPS est un outil permettant de mesurer l'expérience client pour évaluer la satisfaction et la fidélisation d'une clientèle vis-à-vis d'une entreprise). L’idée est de regarder dans les yeux les concurrents d’outre-Atlantique, chacun depuis son pré carré. « On est à 60% de la taille des deux américains, en ayant levé sept fois moins de cash », met en perspective le dirigeant, qui se projette déjà sur la marche d’après, celle de la couronne mondiale. « Ça aurait de la gueule que cette bataille soit gagnée par un européen », rêve-t-il à voix haute.
Dans cette perspective, il est prévu de réaliser « une série B d’ici 2026, pour un montant minimal qui serait compris entre 15 et 30 millions d’euros », dévoile Benoit Panel. L’objectif sera de « croître géographiquement et d’améliorer l’entièreté des services », aussi bien du côté des voyageurs que des propriétaires de véhicules de loisirs. « Les cibles intéressantes ne manquent pas », confirme-t-il. L’effectif de la société bordelaise, 130 personnes actuellement et qui va redescendre à 120 après la saison estivale, restera en place. A l’échelle du nouvel ensemble, il est prévu entre 20 et 30 recrutements cet hiver, principalement sur les parties tech/data et marketing.
Yescapa
Fondation en mai 2012
Siège social à Bordeaux
Effectif : environ 120 personnes
CA : NC