Marina Mas (fondation Bergonié) : « Les jeunes veulent intégrer des entreprises qui ont du sens »
Marina Mas, directrice de la fondation Bergonié. Crédits : Bergonié
Créée en 2011, la Fondation d’entreprises Bergonié finance chaque année l’institut éponyme et son programme de recherche en cancérologie. La structure vit du soutien des entreprises, majoritairement néoaquitaines, et a collecté 1,7 million d’euros en 2022. Si ce montant est en hausse, la directrice de la fondation, Marina Mas, constate un ralentissement lié au contexte actuel. Entretien.
Quels sont les projets de l’institut, financés par la fondation Bergonié ?
Nous finançons trois axes de recherche. Les appareillages, pour aider l’institut à se doter d’outils de pointe. Nous sommes toujours en amont du processus de mise sur le marché, pour donner la chance à certains projets de montrer qu’ils ont un intérêt pour les patients. Ensuite, il y a les nouvelles thérapeutiques. À l’instar des appareillages, l’idée est d’être le plus précis possible pour détruire les cellules qui ont besoin de l’être sans abîmer les cellules saines. C’est tout l’enjeu de la cancérologie - avoir une approche la plus précise possible. Enfin, dernier volet majeur - l’accompagnement du patient à tous les stades de la maladie. En amont bien sûr, mais aussi dans la gestion de la douleur, par l’hypnose par exemple, ou après, sur le retour à l’emploi.
Vous avez collecté 1,7 million d’euros en 2022 auprès d’entreprises françaises, une somme en hausse. Cela suffit-il, pour financer les projets de l’institut ?
Disons qu’il nous reste une belle marge de progression, surtout quand on sait que l’institut Curie collecte chaque année 20 millions d’euros. 1,7 million, c’est beaucoup et néanmoins très peu par rapport aux besoins. Par exemple, nous avons un projet d’outil qui permet d’adapter le soin en radiothérapie, selon l’évolution de la tumeur d’un patient d’une séance à l’autre. Cet appareillage coûte 4 millions d’euros. Les entreprises sont clairement notre ressource financière première, mais nous comptons aussi un prix cofinancé par la Région Nouvelle-Aquitaine, Bordeaux Métropole, la Ville de Bordeaux et notre fondation - doté de 200.000 euros, soit 50.000 euros chacun. Ce prix vient récompenser et encourager des chercheurs dans leurs travaux.
S'adapter aux attentes des collaborateurs
Sentez-vous un ralentissement de la participation des entreprises, dans un contexte économique compliqué ?
Oui, en ce moment je constate un ralentissement. La crise sanitaire avait plutôt éveillé les consciences sur la thématique de la RSE, et nous avions connu un coup d’accélérateur. Là, avec la guerre en Ukraine, les enjeux climatiques, l’inflation… Je pense qu’il y a un vrai ras-le-bol. Notre ligne directrice est de rester motivés, pour ouvrir la bonne porte, trouver le bon partenaire - celui qui le fait avec plaisir et non par contrainte, puis trouver ensuite le projet qui convient à l’ADN de l’entreprise. Pour elle, l’important est de partager des valeurs à la fois en interne et en externe. On le voit aujourd’hui chez les jeunes collaborateurs, il y a un changement de paradigme, ils ne sont plus motivés par les mêmes choses.
Comptez-vous sur cette nouvelle génération pour inciter les entreprises à devenir mécènes ?
Oui, je crois plus à la volonté des jeunes d’intégrer des entreprises qui ont du sens, une philosophie partagée. Cela fait la différence et certains chefs d’entreprise l’ont perçu - il ne s’agit pas seulement de mettre un baby-foot ou une tireuse à bière dans l’open space. Ensuite il y a l’aspect réglementaire, contraignant, comme la DPEF. Même si on préfère s’en passer et avoir des entreprises qui nous soutiennent de leur propre initiative, peut-être est-on obligé d’en passer par là… Que ça donnera envie à certaines entreprises de vraiment passer à l’action. À la fondation Bergonié nous ne sommes que deux, pour un équivalent temps plein. Je pense que ça peut rassurer les entreprises de savoir que la quasi-totalité de leurs donations vont à la recherche, et que nous n’en absorbons pas 20% pour les charges salariales, comme parfois ailleurs.
Le mécénat sera l'une des 10 thématiques abordées le 11 mai, à l'occasion de Résolution, la journée des solutions RSE, proposée par Placéco et Sud Ouest. S'inscrire