Gildas Lorec : « Il faut toujours amener de l'innovation pour façonner les marchés » - Premium

Comment est organisé le groupe Zeiss ? Zeiss est un groupe allemand qui a 177 ans d'existence et dont le cœur de métier est l'optique. Il appartient intégralement à une fondation. Cela a démarré par la fabrication de microscopes de laboratoire. Aujourd'hui, le groupe compte 43.000 salariés et réalise un peu plus de 10 milliards d'euros de chiffre d'affaires. Il y a quatre divisions. La première, « semi-conducteurs », est pour la fabrication de machines qui fabriquent justement des semi-conducteurs pour Intel, Microsoft ou encore l'automobile. On a une partie microscopie et recherche sur les microscopes de laboratoires, d'universités ou d'entreprises, ainsi que les machines de métrologie plutôt dans la plasturgie et l'automobile. La troisième division est celle que l'on appelle les produits « grand public » avec des verres de lunettes, jumelles d'observation ornithologique, objectifs photo et planétariums. Et enfin, la quatrième division c'est la technologie médicale où on va fabriquer des dispositifs médicaux dont le point commun est l'optique. Il y a 70 ans, on a inventé le microscope opératoire de chirurgie. Les sites historiques pour la fabrication de ces matériels sont en Allemagne mais ils sont aussi fabriqués sur le site de Périgny.Pourquoi cette implantation de la branche médicale du groupe Zeiss en 2005 en Charente-Maritime ?C'était un rachat d'une PME pour compléter notre offre car on savait fournir tous les produits au chirurgien ophtalmologique pour le diagnostic comme le microscope opératoire, les lasers pour faire le traitement post-opératoire mais il manquait l'implant qui sert à la chirurgie de la cataracte. Il y a eu ensuite des rachats de d'autres entreprises de fabrication d'implants à Berlin, en Californie, et plus récemment on a construit aussi une usine en Chine. On a maintenant un réseau de fabrication d'implants dans le monde.Où se situent vos principaux marchés ?Nos deux premiers marchés sont l'Allemagne et la France. Sur les pays de la zone Euro, c'est assez équilibré. Concernant les implants, on ne vend pas encore au Japon ni aux États-Unis. Ce sont des marchés énormes mais nos produits ne sont pas encore enregistrés là-bas alors on y travaille. En revanche, on est très bien implanté au Brésil, par exemple, et il y a beaucoup de produits de La Rochelle qui partent en Chine. Que faites-vous plus précisément sur votre site à Périgny ? On fabrique principalement des cristallins artificiels, donc des implants pour le traitement de la chirurgie de la cataracte, ainsi que d'autres dispositifs médicaux associés qui servent aussi à l'extraction du cristallin naturel pendant la chirurgie. Nous étions 140 personnes sur le site il y a deux ans et nous sommes maintenant 260. Il y a environ 70% de personnel en production et 30% sur les services support. On fabrique à peu près 600.000 à 700.000 implants par an. Quand je suis arrivé, il y a quinze ans, on en fabriquait 200.000 donc on s'est bien développé.« On a déjà embauché plus de cent personnes en un an et demi »En 2020, il y avait déjà eu une première extension du site et pour fin 2025, un bâtiment de 14.000 m² va être construit. Il y a un investissement de 90 millions d'euros pour un coût total du projet de 110 millions d'euros. Cela va vous permettre de multiplier par 5 ou 6 la production totale du site avec une augmentation des implants oculaires et l'industrialisation de nouveaux produits. Pourquoi une telle augmentation et quels seront ces nouveaux produits ?Effectivement, on a fait une première extension en 2020 pour accueillir un process de fabrication qui était déjà chez Zeiss mais aux États-Unis. Cela nous a permis aussi de montrer que le site rochelais était capable de conduire ce type de projet et ça a été un peu l'élément déclencheur pour un projet un peu plus grand qui est le triplement de la surface avec la construction d'une usine qui sera livrée en janvier 2025. C'est pour pouvoir suivre l'évolution normale du marché de la cataracte avec une population mondiale qui vieillit, on a un accès aux soins qui se développe dans de nombreux pays. C'est très mature en Europe, pratiquement tout le monde se fait opérer de la cataracte mais il y a encore plein de pays où ce n'est pas forcément le cas et nous on vend dans le monde entier. Aujourd'hui, on est leader mondial sur les microscopes, le diagnostic mais sur les implants, on a encore pas mal de marge de progression. Ces extensions doivent nous servir à supporter la croissance qui est assez forte. Comment allez-vous vous organiser pour atteindre votre objectif de démarrer la production dans votre nouvelle usine fin 2025 ?Il faut qualifier les lignes et surtout les enregistrer. On est dans un environnement réglementaire très contraint et en fonction des pays, ça peut aller de trois mois jusqu'à trois ou quatre ans pour avoir les pays enregistrés sur le marché. Concernant les équipements, c'est déjà un peu lancé car la « boîte » de l'usine est terminée et on commence à la remplir. On a déjà commencé à travailler, il y a presque deux ans maintenant, sur la définition de nos futures lignes de production. On ne va pas copier exactement ce qu'on fait aujourd'hui mais apporter pas mal d'améliorations. Cette nouvelle usine est aussi une opportunité pour nous de faire des changements et de mettre en place des innovations. On travaille aussi avec de nouveaux fournisseurs d'automatisation.Justement, cette nouvelle usine servira de centre de référence pour le groupe en matière d'automatisation. L'automatisation et la robotisation, c'est indispensable pour être compétitif à l'international ?Oui c'est important, mais alors pas seulement pour la compétitivité. Effectivement, aujourd'hui on a des process qui sont encore assez manuels. Les nouveaux équipements vont permettre de pouvoir vraiment augmenter nos capacités et garantir un niveau de qualité constant sur l'ensemble des réseaux des usines. Pour cela, il faut passer par l'automatisation de certaines étapes. On doit fiabiliser et standardiser les critères de qualité car si on ne le fait pas, de toute façon, on ne trouvera pas assez de gens pour fabriquer tout ce que l'on veut. La compétitivité rentre aussi en jeu mais on a un regard global. Il y a une concurrence assez forte car il y a beaucoup de fabricants d'implants. Il y a deux grands américains et nous. Mais il y a pléthore de petits fabricants.Quels sont pour vous les principaux défis à relever pour rester dans les meilleurs ?Il faut toujours amener de l'innovation pour façonner les marchés. C'est faire en sorte que les produits qu'on apporte aux praticiens deviennent les standards de marché. On l'a réussi déjà sur plusieurs produits comme le microscope opératoire et l'implant tri focal qui corrige la presbytie. La concurrence le fait aussi, mais c'est devenu l'implant de référence sur le marché. A La Rochelle, on est majoritairement un site de fabrication donc on va plutôt développer nos compétences d'industrialisation pour produire au mieux. Au-delà de la croissance, les enjeux vont être sur la transformation des métiers. Les opérateurs vont passer à un métier de pilotage de machine. La maintenance va devoir gérer beaucoup plus d'automates. C'est tout l'accompagnement au changement de compétences qui va être très important pour nous dans les mois à venir. On a un gros travail de formation en interne et de conduite du changement. D'ici 2030, vous aurez recruté 300 personnes. Quels sont les profils que vous allez rechercher et comment les trouver ? Concernant le recrutement, on a déjà embauché plus de cent personnes en un an et demi, principalement sur les services support et l'ingénierie pour soutenir le projet de l'usine. On va avoir une petite pause cette année pour redémarrer un peu plus fort l'année prochaine. On a lancé tout un tas d'actions avec le service RH pour développer notre marque employeur au niveau national car on a une usine à Fougères, mais aussi une division commerciale à Paris. Plus localement, on travaille avec la Communauté d'agglo sur l'accueil des conjoints, par exemple. Sur les professions qualifiées, on arrive assez bien à attirer des gens d'un peu partout mais après il faut les loger et que le conjoint trouve aussi un travail... On a également mis en place de la cooptation en interne pour essayer de faire en sorte que les collaborateurs nous amènent les bonnes personnes. On travaille avec Pôle emploi sur le recrutement par simulation depuis plus de dix ans. Nous recherchons plutôt des aptitudes que de réelles formations car il n'y a pas de formation pour la production. On cherche des gens qui vont être capables d'être concentrés, de manipuler des petites choses, de regarder dans une loupe, de suivre un mode opératoire... On avait déjà mis en place des petits tests là-dessus et on passe à la vitesse supérieure avec Pôle emploi pour nous amener des candidatures de personnes qui n'auraient pas pensé à postuler chez nous. Il y a des métiers très spécifiques où la main d'œuvre est rare sur le marché, comme sur la maintenance et la recherche clinique, par exemple. La réglementation s'est durcie il y a trois ans, tout le monde a dû renforcer ses équipes. Il faut donc être un peu plus souple sur la maintenance en faisant monter en compétences nos salariés en interne et pour les professions très qualifiées et très rares, on s'adapte. Par moment, on a une gestion au cas par cas et personnalisée que l'on n'avait pas il y a quelques années.Quel est le bilan de cette année 2023 pour votre usine et comment s'annonce 2024 ?Le bilan 2023 est assez positif car on est dans les temps sur la construction de l'usine. La difficulté que l'on a c'est qu'on a en plus l'usine actuelle qui tourne 7 jours sur 7 et 24h sur 24. Il faudrait pousser les murs. Les objectifs vont être de rentrer les équipements dans la nouvelle usine et de suivre le planning pour démarrer fin 2025 et de continuer l'augmentation aussi de capacité sur le site actuel. Avant d'avoir ce nouveau site, on a besoin de fournir une demande qui est de plus en plus importante. Tous à Bord #4 a réuni une partie des adhérents de Placéco Charente-Maritime aux Cabanes Urbaines, à La Rochelle. Photo : Maxime Trève.

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