« Le chef d’entreprise a moins le droit à l’erreur », selon la présidente du tribunal de commerce de Bordeaux - Premium

En 2022, 42.500 procédures de redressement judiciaire ont été ouvertes en France, soit une hausse de 50% en un an. Qu’en est-il en Gironde ? Il y a plusieurs éléments. D’abord, le nombre de jugements rendus dans le cadre de procédures collectives est passé de 3.351 en 2021 à 3.375 en 2022. Parmi ces procédures, les redressements judiciaires sont en augmentation, passant de 125 en 2021 à 212 l’année dernière. Ensuite, concernant les ouvertures de liquidations, on a constaté là aussi une grosse augmentation : de 521 à 785 en douze mois. Étant entendu qu’en 2022, comme certaines institutions ont fait des suspensions de charge, nous n’avons pas eu à connaître d’assignations en demandes de redressement de la part de l’URSSAF… Si tel avait été le cas, nous aurions compté entre 300 et 400 procédures supplémentaires. L’année dernière, les juges commissaires ont signé 3.050 ordonnances dans le cadre de procédures collectives, ce qui est beaucoup moins qu’en 2021 [NDLR, 5.441 ordonnances], car il y a eu énormément de liquidations judiciaires directes, pour des entreprises qui ne sont même pas passées par l’étape du redressement – sur les 785 liquidations, 641 sont directes. Comment expliquez-vous ce phénomène ? Tout simplement car il y a eu beaucoup de petites et moyennes entreprises qui ont eu des difficultés à faire face à leurs charges, surtout au début du remboursement des prêts garantis par l’Etat. Dans ce cadre-là, nous avons une très nette augmentation, aujourd’hui, de tout ce qui est prévention – mandat ad hoc en conciliation -, et cela continue d’augmenter de façon exponentielle. Globalement, on craint une très grosse augmentation des reprises de procédures collectives en 2023, et ce pour plusieurs raisons. Les difficultés à rembourser certains prêts – PGE ou prêts classiques -, poids des charges, coût et approvisionnement des matières premières… Certains entrepreneurs sont très fatigués et préfèrent renoncer.« N'est pas entrepreneur qui veut » Qu’en est-il des immatriculations enregistrées en Gironde ? Il y en a eu 15.664 l’année dernière. Vous en aviez 14.971 en 2019, et 18.317 en 2021. C’est le résultat du Covid-19 – beaucoup de personnes ont décidé de se mettre en entreprise individuelle. Selon le Conseil national des greffiers, il y a eu l’an passé une hausse des radiations volontaires, en France, de 26%. Est-ce une réalité en Gironde, et comment interprétez-vous cette tendance ? En 2021, il y a eu 9.279 radiations dans le département – volontaires ou non. Or l’année dernière, ce nombre est passé à 16.616, soit plus que le nombre d’immatriculations… On s’est aperçu que beaucoup de personnes qui se sont mises en entreprise individuelle se sont lancées sans connaître l’aspect financier et administratif. Je trouve très dommage que les formations ne soient plus obligatoires ! Si tout entrepreneur devait faire quelques jours voire une semaine de formation, cela lui rendrait service, car n’est pas entrepreneur qui veut. Quelle pourrait être la situation, dans les tribunaux de commerce, cette année ? Il n’y aura peut-être pas de hausse des radiations, mais plutôt des redressements ou des liquidations… Tout le monde est conscient du coût de la vie, il y aura des choix à faire pour l’ensemble des ménages. Peut-être que refaire une porte ou aller au restaurant régulièrement ne seront plus des priorités ? Il me semble qu’obligatoirement, cela aura des conséquences sur l’activité des entreprises. Et il y aura, de facto, une modification des habitudes dans la gestion de ces entreprises. Peut-être faudra-t-il gérer le stock différemment, ou faire le tri dans les fournisseurs. Il me semble que le chef d’entreprise devra réfléchir et bien choisir pour pouvoir tenir sa société, car il a moins le droit à l’erreur qu’avant.Se faire connaître auprès des entreprises On parle souvent de l’importance de la prévention, de l’anticipation, pour aider les chefs d’entreprise avant qu’il ne soit trop tard… Que pouvez-vous faire, vous, au Tribunal de commerce de Bordeaux ? C’est vrai qu’on a beaucoup de mal à se faire connaître. Les sociétés ne viennent pas spontanément au tribunal pour dire « j’ai un problème, aidez-vous ». Elles croient que lorsqu’elles arrivent ici, c’est trop tard. Alors, on a essayé de s’ouvrir. Sachant qu’on n’a pas le droit de s’ingérer dans la gestion d’une entreprise, on a réussi à mettre au point une liste qui fait état des associations et des organismes qui font de la prévention et aident les sociétés. Également, sous l’égide de la CCI Bordeaux Gironde, on a réussi entre structures à ouvrir un site qu’on a voulu très simple, pas usine à gaz – quipeutaidermaboite.fr. Le principe est simple, on pose une seule question à l’usager : quel est votre problème ? Une fois qu’il a répondu, l’ensemble des organisations et associations vers qui il peut se tourner, apparaissent à l’écran. J’espère que cela pourra aider.

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