Placéco Pays Basque, le média qui fait rayonner l’écosystème

Votre édition locale

Découvrez toute l’actualité autour de chez vous

Le dirigeant d’entreprise en tant que mécène

Opinion
mercredi 14 février 2024

François-Xavier Lénier est fondateur de Facteur 7 gestion privée – cabinet de conseil en gestion de patrimoine - et titulaire de la certification « finance durable » délivrée par l’Autorité des marché financiers. Il met à profit la rubrique Opinion, réservée aux adhérents Placéco, pour décrypter le rôle du dirigeant d'entreprise en tant que mécène.

Quel rôle peut jouer le chef d'entreprise dans sa mission de mécénat ? François-Xavier Lénier apporte quelques éléments de réponse.

Un dirigeant qui, à force d’effort et d’intelligence, est parvenu à créer une entreprise considérée comme incontournable de par sa taille et sa notoriété, a bien souvent le réflexe de contribuer, à sa mesure, au dynamisme associatif du territoire sur lequel il s’est accompli. C’est une façon pour lui de participer, autrement que professionnellement, à la vitalité de sa région, de son département, de sa circonscription.

La plupart du temps, cette démarche philanthropique prend la forme de dons versés à des associations qui portent une ambition à laquelle le chef d’entreprise est particulièrement sensible. Ce mécénat est alors mené en régie directe, autrement dit sans l’intermédiaire d’une structure juridique à part entière. C’est l’entreprise elle-même, ou bien son dirigeant à titre personnel, qui soutient directement et de manière désintéressée les initiatives qui lui tiennent à cœur.

Au travers de cette action philanthropique, le chef d’entreprise manifeste ainsi son souhait de faire profiter de sa réussite le tissu associatif du territoire sur lequel il s’est développé. Bien souvent, cette démarche du dirigeant s’inscrit dans une forme de responsabilité et même de devoir vis-à-vis de la collectivité locale qui l’a vu grandir. C’est souvent un marqueur d’accomplissement professionnel.

Mais parfois, le mécénat en régie directe ne suffit plus à répondre de manière satisfaisante à la quête de philanthropie du dirigeant. C’est notamment le cas lorsque l’activité philanthropique prend une importance telle qu’elle requiert la mise en place d’une gouvernance spécifique ou de moyens de contrôle et de suivi opérationnel. Après s’être essayé au mécénat en régie directe, le chef d’entreprise peut souhaiter institutionnaliser et professionnaliser sa pratique de la philanthropie à l’échelle de son entreprise. Il pourra ainsi associer ses salariés à la réalisation d’un projet philanthropique et ainsi renforcer la culture d’entreprise.

S’orienter vers un mécénat en régie indirecte permet aussi d’intégrer la philanthropie dans une stratégie patrimoniale globale visant notamment à optimiser la transmission d’entreprise le moment venu.

Ancrer l’action philanthropique dans une entreprise grâce à la fondation

Décider d’intégrer son action philanthropique au sein d’une entité à part entière suppose de choisir parmi quatre types de structures juridiques différentes, à savoir une fondation reconnue d’utilité publique, un fonds de dotation, une fondation d’entreprise ou bien une fondation abritée.

La fondation reconnue d’utilité publique (FRUP) est une structure exigeante dans la mesure où elle nécessite des capitaux importants (au moins 1.5M€), une autorisation préalable du Conseil d’Etat et un représentant de l’Etat au sein de son instance de direction. En cela, la FRUP n’est souvent pas le véhicule juridique le plus adapté pour le dirigeant d’une entreprise de taille moyenne ou intermédiaire.

Le fonds de dotation, quant à lui, s’avère plus flexible et moins contraignant que la FRUP. Né de la loi du 4 août 2008 de Modernisation de l’Economie (dite loi LME), le fonds de dotation devra être déclaré à la préfecture du département dans le ressort duquel il a son siège social. Le ou les fondateurs apporteront une dotation initiale au moins égale à 15 000 €, sans pouvoir excéder 30 000 €. Cependant il est à noter que les dons versés à un fonds de dotation ne permettront pas de bénéficier des avantages fiscaux offerts par la FRUP ou la fondation d’entreprise, en matière d’impôt sur la fortune immobilière.

S’agissant de la fondation d’entreprise, elle sera créée pour une durée déterminée qui ne peut être inférieure à cinq ans. Au moment de la constitution d’une fondation d’entreprise, le ou les fondateurs s’engagent à verser un montant d’au moins 150 000€ (sur 5 ans) correspondant au programme d’action pluriannuel préalablement défini. La fondation d'entreprise est administrée par un conseil d'administration composé pour les deux tiers au plus des fondateurs ou de leurs représentants et de représentants du personnel, et pour un tiers au moins de personnalités qualifiées dans ses domaines d'intervention. Les personnalités sont choisies par les fondateurs ou leurs représentants et nommées lors de la première réunion constitutive du conseil d'administration. Contrairement aux fonds de dotation, la fondation d'entreprise ne peut faire appel à la générosité du public. En revanche, la fondation d’entreprise ouvrira droit pour ses fondateurs à des avantages fiscaux très incitatifs que nous détaillons plus loin.

Enfin, la fondation abritée réunit en quelque sorte le meilleur des deux mondes, à savoir celui de la FRUP et de la fondation d’entreprise. En effet, une fondation abritée consiste à « loger » sa fondation au sein d’une fondation reconnue d’utilité publique, comme par exemple la fondation de France. En recourant à une fondation abritée, le chef d’entreprise n’aura pas à mobiliser au moins 1.5M€ de dotation initiale, pas plus qu’il ne devra allouer des ressources propres au fonctionnement de la fondation. Généralement, une fondation abritée nécessite « une mise de départ » d’au moins 100 000€ avec un engagement d’y allouer au moins 200 000€ sur 5 ans. Contrairement à la fondation d’entreprise, elle n’est pas créée pour une durée déterminée et n’engage pas la responsabilité du dirigeant. Une fondation abritée permet de bénéficier des avantages de la FRUP (professionnalisation du mécénat, personnalité morale distincte, gouvernance collégiale), sans les charges qu’implique la gestion administrative et opérationnelle d’une fondation d’entreprise.

Le choix du chef d’entreprise pour telle ou telle entité philanthropique dépendra de ses objectifs, de sa situation patrimoniale, du temps qu’il souhaite consacrer au mécénat. Après avoir réalisé une analyse approfondie des aspirations du dirigeant en la matière, le conseiller en gestion de patrimoine sera à même de formuler des recommandations de nature à faciliter la prise de décision.

La philanthropie offre des avantages fiscaux incomparables

La fiscalité incitative qui entoure la philanthropie que ce soit à l’occasion du versement des dons ou bien dans le cadre d’une transmission d’entreprise sera également de nature à privilégier telle ou telle structure juridique. La fiscalité devra être appréhendée à l’échelle du dirigeant mais aussi à l’échelle de l’entreprise elle-même.

L’article 200 du Code général des impôts prévoit une réduction d’impôt sur le revenu de 66% des dons à des fondations reconnues d’utilité publique dans la limite de 20% du revenu imposable au barème progressif. La fraction des dons qui excèdent le plafond des 20% pourra être reportée sur les cinq années suivantes. Le dirigeant d’entreprise redevable de l’IFI pourra bénéficier dans certaines conditions d’une réduction de 75% du montant de ses dons dans la limite de 50 000€. Ceci étant dit, l’article 978 du CGI dispose que la fraction du versement ayant donné lieu à l'avantage fiscal relatif à l’IFI ne peut donner lieu à un autre avantage fiscal au titre de l’impôt sur le revenu. Par conséquent, pour un même don, il faudra choisir entre l’avantage fiscal lié à l’impôt sur le revenu ou celui lié à l’impôt sur la fortune immobilière.

Lorsque le don est effectué par l’entreprise elle-même (assujettie à l’impôt sur les sociétés), ce dernier ouvre doit à une réduction d’IS de 60% du montant du don dans la limite de 2 000 000€. Au-delà de ce montant, la fraction supérieure ouvre droit à une réduction d'impôt au taux de 40 % (hormis le cas des dons faits aux organismes qui apportent une aide aux personnes en difficulté pour lesquels la réduction de 60% s’applique au-delà de 2 000 000€). L’ensemble des versements ouvrant droit à la réduction d’impôt sont retenus dans la limite de 20 000 € ou de 5 ‰ du chiffre d’affaires de l’entreprise donatrice lorsque ce dernier montant est plus élevé. Les versements qui excèdent ce plafond peuvent donner lieu à réduction d’impôt au titre des cinq exercices suivants.

Créer une fondation dans une perspective de transmission de son entreprise relève, dans certains cas, d’une stratégie patrimoniale pertinente qui permettra de réduire drastiquement la fiscalité induite tout en veillant à pérenniser l’action philanthropique en y associant sa famille par exemple.

Conclusion

Le dirigeant d’une entreprise qui compte à l’échelle d’un territoire et qui participe financièrement à la vie de différentes œuvres d’intérêt général peut avoir intérêt à professionnaliser sa démarche philanthropique en ayant recours à une structure juridique dédiée. Ce sera l’occasion pour lui de penser le mécénat d’une façon plus globale en y associant ses salariés, ses parties prenantes, sa famille. Le recours à une fondation permet d’asseoir et d’institutionnaliser la démarche philanthropique du dirigeant et ainsi renforcer encore un peu plus l’image de son entreprise localement. Enfin, pour pouvoir en tirer les meilleurs bénéfices la création d’une fondation doit s’envisager à l’aune d’une stratégie patrimoniale globale.

Commentaires - 0