Les ombrières photovoltaïques, « c'était une très mauvaise idée ! » - Premium

Moratoire sur les énergies renouvelables presque voté à l'Assemblée nationale, assouplissement de l'obligation d'installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings, critiques adressées aux énergies renouvelables dans la foulée du « black-out » en Espagne... les vents politiques sont contraires pour le photovoltaïque. Ces derniers mois, l’Assemblée nationale a voté une loi assouplissant l’obligation d’installer des ombrières photovoltaïques sur les parkings, et un moratoire sur les énergies renouvelables n’a été rejeté qu’en troisième lecture. Comment interprétez-vous cela ?Pris ensemble, cela donne une tendance stratégique sur l’activité énergies renouvelables. Le moratoire qui a failli passer aurait énormément impacté notre activité. C’est un signal très fort, qui nous dit « attention, le photovoltaïque de grande production n’est peut-être pas l’avenir pour la France ».Ce n’est donc pas, pour vous, une simple péripétie politique ? Je pense que, discrètement, EDF a intérêt à ce que le photovoltaïque ralentisse. Ils ont des difficultés à structurer leur réseau, qui est très centralisé, depuis les centrales nucléaires jusqu’aux utilisateurs finaux. Il n’est pas fait pour un système avec beaucoup de petits sites de production en local, qui réinjectent leurs surplus sur le réseau. S’adapter à cela représente de très gros investissements. Et le blackout en Espagne, qui provenait justement d’un surplus de production sur le solaire, a créé des peurs. On a tellement fait d’installations photovoltaïques en France ces dernières années, des signaux d’alerte qui commencent à arriver chez nous aussi, certains jours très ensoleillés on produit trop d’énergie.À lire également - Eurelec : « Il faut se demander à quoi ressemblera l’après-transition énergétique »Il va donc y avoir une inflexion politique de long terme ? On a trop misé sur le solaire, et la politique est en train d’évoluer. J’ai vu comme un mauvais augure l’arrivée de certains fonds d’investissement dans la production photovoltaïque. Ils sont venus avec de très gros moyens, de très grosses installations, ont fait des champs solaires partout où ils le pouvaient, et pas forcément près des zones industrielles qui consomment beaucoup d’énergie.« J'ai vraiment eu chaud »Eurelec avait beaucoup misé sur les ombrières photovoltaïques. Quelles conséquences a pour vous le revirement sur l’obligation d’en équiper les parkings ?C’était un marché à valeur ajoutée importante pour nous. Il avait l’avantage de ne pas être soumis aux aléas du marché de la construction, contrairement au photovoltaïque en toiture, de présenter peu de freins financiers et d’avoir des vents politiques favorables. Je me suis laissé embarquer par les effets d’annonce et j’ai basé une partie de ma stratégie sur ce marché-là il y a trois ans, développé des compétences en interne… C’était une très mauvaise idée ! 2023 a été une grosse année sur le photovoltaïque, mais dès 2024, avec la hausse des taux d’emprunts, on a commencé à voir arriver des freins financiers. En 2023, j’ai fait 3,5 millions d’euros de chiffre d'affaires sur le photovoltaïque, en 2024 ce n’était plus que 700.000 euros. Ca aurait pu mettre Eurelec en péril, j’ai vraiment eu chaud. Heureusement que j’avais conservé mon cœur de métier historique d’électricien.La loi ne fait qu’assouplir l’obligation, cela entraîne-t-il nécessairement des annulations de projets ? Oui, ces projets vont être abandonnés. C’est aussi parce que le prix de rachat de l’électricité est passé de 11 centimes à 8,8, et qu’il va encore baisser en décembre 2025. Faire du photovoltaïque pour le vendre n’est plus du tout rentable. En revanche, l’autoconsommation reste rentable, et les quelques sites que l’on a fait en 2024, c’est de l’autoconsommation. Là, on reste sur une rentabilité à 7-8 ans.C’est donc vers l’autoconsommation que vous allez vous tourner ?En fait, c’était déjà notre stratégie, mais je me rends compte que les gens ne font pas la différence sur le marché. Quand les gens entendent « moratoire sur le photovoltaïque », ils paniquent et ils gèlent tout. Donc, ça nous impacte quand même, même si notre stratégie il y a deux ans était déjà centrée sur l’autoconsommation.Vers un modèle d'entreprise plus soupleCela vous force-t-il à revoir vos plans de croissance ? J’ai dû adapter mon plan au contexte financier, technique et politique. En 2023, le solaire représentait 60% de mon activité. En 2024, ce n’était plus que 23%. Aujourd’hui, je veille à ce qu’il ne dépasse pas les 30% : 15% en ombrières et 15% en photovoltaïque sur toiture. Et en 2026, je pense que les 15% d'ombrières vont s’arrêter et qu’on restera avec les 15% d’autoconsommation.Comment s’assurer de ne pas dépasser cette proportion ? Allez-vous refuser des projets au-delà de cette limite ?Non, on ne refusera pas de projets, mais au-delà de cette limite, nous les sous-traiterons. Aujourd’hui, j’ai une équipe d’encadrement de 6 chargés d’affaires, et une équipe de production de 22 salariés. Structurellement, je peux gérer plus de projets que ne peut en assurer mon équipe de production. Si des projets arrivent, je récupèrerai la valeur, et s’ils n’arrivent pas, je n’en perdrai pas. C’est le modèle vers lequel j’amène petit à petit Eurelec, une structure de production dédié à la haute valeur et à la valeur ajoutée. Aujourd’hui, nous sommes capables de gérer le même volume que quand nous étions cinquante, mais nous ne sommes plus que trente. Je précise que c’est grâce à des départs non remplacés, pas des licenciements ! Il y a un autre enjeu à notre évolution : puisque la pratique encouragée est de gérer son énergie en autoconsommation, j’ai créé un poste d’ingénieur, dont le rôle est de comprendre la consommation du client, d’optimiser au mieux ses flux pour être le moins dépendant du réseau et aussi y renvoyer le moins possible d’électricité. Et on se sert de cette transition pour améliorer le confort du client avec un pilotage plus intelligent et centralisé de son installation électrique.À lire également - Enedis : « L'accélération de la transition énergétique n'est pas qu'une théorie »Ne craignez-vous pas, si la tendance se confirme, que l’autoconsommation soit la prochaine victime de ce rétropédalage sur le solaire ? Si, il y a un risque. Je l’avais anticipé, mais je ne le voyais pas arriver avant quelques années. En fonction du résultat des élections 2027, toute notre filière peut-être très gravement impactée. C’est pour cela que j’ai allégé ma taille de structure : si, demain, il y a une perte de chiffre d’affaires sur le photovoltaïque, je pourrai l’absorber. Mais même si je l’ai anticipé, perdre 30% de mon chiffre, ça me fera râler quand même ! Ça fait tout de même neuf ans que l’on investit pour développer des compétences dans ce métier… Après, je m’attends à une rupture technologique à l’avenir, quelque chose qui permettra de produire de l’énergie de façon localisée et plus performante que les technologies existantes, que ce soit le nucléaire, l’hydroélectrique ou le photovoltaïque. Ce qui est sûr, c’est que l’on aura toujours besoin d’énergie demain, c’est pour cela que je me recentre sur sa gestion et son pilotage.

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