Energies renouvelables : Capgen revoit sa stratégie - Premium

Début 2025, Capgen, filiale du Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, annonçait sa volonté de grandir en misant sur le déploiement à grande échelle des ombrières photovoltaïques, l'autoconsommation et d'autres types de projets solaires. Quelques mois plus tard, cette stratégie est mise à mal par une séquence politique très hostile aux énergies renouvelables, en particulier au solaire. Jean-Paul Mestrot, directeur général de Capgen, est revenu pour Placéco Béarn sur cette séquence et ses conséquences pour l'entreprise. Vit-on un moment politique défavorable aux énergies renouvelables ?Oui, c’est très clair. Après des années très positives, le balancier est reparti dans l’autre sens, avec un lobbying pro-nucléaire extrêmement efficace et très bien organisé auprès de nos élus. On sent très clairement un changement de paradigme, à travers par exemple le texte de loi de moratoire, qui n’a été voté qu’en première lecture et, au final, a été fort heureusement rejeté. On le ressent aussi dans un certain désengagement de l’Etat qui ressort de l’évolution de la réglementation, en particulier dans le photovoltaïque. Il y a une réduction du soutien public, en particulier pour les raisons budgétaires que l’on connaît, il y a un contexte politique, des pressions du milieu de l’énergie avec EDF qui compte bien profiter enfin du retour en grâce du nucléaire… toutes ces raisons s’additionnent et font que l’Etat se désengage. La loi PPE [ndlr : Programmation Pluriannuelle de l'Énergie] n’a toujours pas été publiée alors qu’on l’attend depuis deux ans, il n’y a toujours pas de vision claire sur où veut aller le pays… L’arrêté S21 [ndlr : fixant le prix de rachat de l’énergie photovoltaïque] a été révisé à la baisse. Le discours global est très défavorable. Je confirme, les temps sont difficiles.À lire également - Les ombrières photovoltaïques, « c'était une très mauvaise idée ! »« Revoir notre offre à la baisse »Comment ces circonstances se traduisent-elles dans votre stratégie ?Nous sommes dans une vraie période d’incertitude. Chez Capgen, nous avons des fondamentaux financiers solides et un actionnaire unique, le Crédit Agricole Pyrénées Gascogne, très solide également. Ça nous permet de voir venir avec moins d’inquiétude pour notre compte de résultat que certains de nos camarades. Grosso modo, il faut deux ans pour sortir un projet photovoltaïque, nous avons donc de l’activité pour les 18-24 mois à venir. La grande question, c’est ce qui se passera après. Il y aura une division par cinq du marché tel qu’il existe aujourd’hui. Nous allons essayer de développer l’autoconsommation collective, mais ça ne répond pas à tous les usages, et ça ne résout pas les problèmes d’équilibrage du réseau. Nous ne sommes pas très inquiets : nous avons connu le moratoire de 2011, Capgen est solide, on a le temps de faire pivoter le modèle. Pour d’autres, ça peut être problématique, et ça peut casser rapidement une filière. Il y a un autre point : en remettant en cause la toiture photovoltaïque, on pénalise directement l’agriculture. Les agriculteurs étaient les grands bénéficiaires de ce système, qui leur permettait de soutenir les revenus, et dieu sait qu’ils en ont besoin.Capgen propose aux agriculteurs de louer de la surface de toit pour y installer des panneaux photovoltaïques. Ce modèle est-il mis à mal ? Il l’est forcément. Le 8 septembre, on passera à un système d’appels d’offres sur tous les projets, et pas uniquement pour les plus grands, et en plus les achats d’électricité seront divisés par cinq. Il y aura donc forcément des prix fortement tirés à la baisse, et si on revend l'électricité moins cher, le loyer que l’on pourra verser à l'agriculteur sera diminué. Cela nous forcera à revoir notre offre à la baisse. Le fait de payer complètement la construction du bâtiment, par exemple, c’était déjà réduit mais ce sera fini, il y aura dorénavant des restes à charge importants. Et en plus, sans même être certains d’être retenus après aux appels d’offres ! Ça créera une forte incertitude pour aller au bout des projets. Nous, nous allons essayer de développer l’autoconsommation, qui permet d’obtenir des tarifs plus élevés qu’aux appels d’offres, tirer le prix moyen vers le haut et donc moins baisser ce que l’on paiera au bailleur. Mais il faut voir comment ça marchera en pratique, aujourd’hui on peut surtout dire que ça marche bien sur Excel ! D’autant plus que même là, il y a un virage à 180° : la direction des finances publiques est récemment revenue sur la suppression de l’accise sur l’électricité pour l’autoconsommation collective. C’est un coup porté à un mécanisme qui pouvait soutenir la production de projets sans peser tant que cela sur les finances publiques.Méthanisation et géothermieEn janvier dernier, vous annonciez vouloir miser sur les ombrières photovoltaïques et sur la diversification des énergies renouvelables. On imagine que c’est surtout sur ce deuxième aspect que vous allez désormais vous concentrer… Oui, bien sûr. C’est, de toute façon, notre rôle de soutenir tous les vecteurs de décarbonation, mais aussi les entreprises du territoire. Notre offre sur la méthanisation est en place et fonctionnelle et nous commençons à financer les premier projets. Nous avons mis en place une société d’investissement qui prend des participations au capital des projets, parfois en apportant plus de fonds propres que notre part au capital pour permettre à ces projets de sortir, le tout en partenariat avec le bureau d’études Vertigo. Sur la géothermie, nous sommes en train de finaliser une offre en tiers investissement que l’on devrait sortir à la rentrée. C'est quelque chose qui a beaucoup de sens et qui est très complémentaire du photovoltaïque, puisque celui-ci peut approvisionner les pompes à chaleur de géothermie. En termes d’énergie décarbonée, d’indépendance énergétique, on ne fait pas mieux. Et en plus, ça a l’avantage de produire du froid, ce qui a également un intérêt en été.À lire également - Perspectives Gaz : « tous les feux sont au vert » pour la méthanisation agricoleVous envisagiez d’équiper le siège social du CAPG en géothermie, où en êtes-vous ?On vient de terminer les études, qui ont confirmé la faisabilité. Le site devrait passer en 100% géothermie courant 2026. On va supprimer des chaudières gaz qui restaient en appoint de la chaudière bois. Puis, dans un second temps, on étudiera cela pour nos autres sites principaux dans un second temps. C’est une question de principe, nos sites doivent être des vitrines. Si une technologie a du sens pour nos clients, elle doit en avoir pour nous.

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