Quel plan pour dynamiser le commerce bordelais ? - Premium

« Une nouvelle étape pour le dynamisme du commerce bordelais », « un pack costaud de dispositions originales, une stratégie comme notre ville n’en a jamais vu » annonce en préambule Pierre Hurmic, maire de Bordeaux « conscient des difficultés qui sont les vôtres » devant un parterre fourni de commerçants locaux. Ce vendredi, le Palais Rohan était au chevet d’un commerce bordelais qui a souffert et continue de souffrir. Rentabilité en berne, concurrence des GAFAM et de l’e-commerce, vacance des locaux commerciaux qui atteint voire dépasse les 10% dans certaines zones… Le paysage est compliqué pour ce qui reste « le premier employeur de France », rappelle opportunément Patrick Seguin, président de la Chambre de commerce et d’industrie de Bordeaux. Lequel avait annoncé en début d’année la création d’une nouvelle direction dédiée au commerce, pour laquelle il a débauché Hervé Turpin de son escapade béarnaise auprès d’Elyse Energy. La mairie a ainsi sollicité le cabinet Lestoux & Associés, qui a restitué ce matin l’étude de diagnostic réalisée puis présenté un plan d’actions pour « préparer aujourd’hui le commerce bordelais de demain ». Rédacteur d’un rapport national sur les centres-villes, David Lestoux intervenait en visioconférence.Une transformation inédite depuis un demi-siècleParmi les constats sur la sociodémographie des consommateurs, afin de mieux comprendre l’évolution des comportements, il pointe immédiatement « un changement de modèle comme le commerce n’en a pas connu en France depuis les années 70 ». Avec notamment des « nouvelles formes de consommation », e-commerce en tête, mais aussi des phénomènes de « déconsommation, parfois subie par difficulté économique des ménages, parfois choisie par évolution des mentalités ». Par ailleurs, le public que le tissu commerçant bordelais doit séduire a considérablement été renouvelé en peu de temps : 43% des ménages installés dans le centre-ville de Bordeaux sont arrivés il y a moins de cinq, un taux qui monte à 52% en dézoomant sur la ville dans son entier (44% à l’échelle de la Métropole, selon l’étude). Autre chiffre clé : la part des personnes vivant seules atteint 64% dans le centre-ville bordelais (55% sur la ville, 46% sur la métropole bordelaise).Un tiers des commerces du centre-ville bordelais (3.800 commerces en activité) sont des cafés ou restaurants, constate encore David Lestoux, qui souligne ainsi que « la convivialité est un facteur fort d’attractivité ». Par ailleurs, 23% des commerçants sont âgés de 55 ans et plus, dont 14% de plus de 60%. « Un quart des commerces seront confrontés à des enjeux de cession dans les cinq prochaines années », calcule-t-il. Enfin, le rayonnement s’est restreint, avec une zone de chalandise moindre et « une perte de 11% de chalands sur l’ensemble du périmètre et de près 55% sur la zone primaire » depuis 2015. « Nantes, Rennes ou encore Strasbourg connaissent les mêmes difficultés. Face au digital, comment donne-t-on envie aux consommateurs de parcourir la distance pour aller vers le commerce de centre-ville ? », interroge-t-il de façon rhétorique.Attirer, animer, accueillir et soutenirVoyageant aux quatre coins du globe à l’occasion des différents salons portés par Vinexposium, le président de la CCI Bordeaux Gironde aime à le rappeler : « Bordeaux est une marque magique, les gens rêvent d’y venir au moins une fois dans leur vie. » Cette marque, il s’agit de la promouvoir et, dévoile David Lestoux, d’animer « la destination Bordeaux et sa spécificité commerciale, ce qu’on trouve uniquement à Bordeaux, avec la création d’une marque ombrelle ou bannière commune pour fédérer l’ensemble des associations locales de commerçants pour porter collectivement les rendez-vous et événements saisonniers ». Ce qui supposera de massivement miser sur une stratégie digitale, « moins chère que le print » et de « se muscler », notamment sur le community management. Pour préserver une offre commerciale équilibrée sur l’ensemble des quartiers, il préconise « des outils incitatifs et d’autres coercitifs », avec notamment une possible taxe sur les locaux vacants. « Il faut éviter de subir les implantations commerciaux et agir sur les linéaires commerciaux, il existe des outils légaux depuis 2020 », notamment en élargissant le champ d’application du droit de préemption commerciale pour lutter contre la surreprésentation de certaines activités (restauration rapide, dark kitchen…).Pour le soutien aux commerçants dans leurs projets et leur quotidien, la transmission/reprise fait figure, on l’a vu, d’axe prioritaire : recensement des commerces concernés, accompagnement individuel des cédants, constitution d’un vivier de commerçants repreneurs. La logistique n’est pas oubliée : expérimentation d’un service mutualisé de livraison décarbonée et déploiement d’espaces de logistique urbaine dans le secteur des Capucins. Enfin, le plan suggère « d’engager un dialogue avec les bailleurs pour adapter les niveaux de loyers aux capacités financières des commerces ». Et de rappeler que la commission sur les loyers est justement un outil trop peu utilisé.Un Office de commerce pour BordeauxLorsque sont abordés les sujets de la propreté de Bordeaux et de l’accès/stationnement des voitures en centre-ville, les échanges se tendent quelque peu entre la salle et la mairie. Le nettoyage est une compétence métropolitaine, rappelle le maire, qui partage néanmoins le constat et a pu en outre constater les excellents résultats d’une ville comme Bilbao, mais au prix d’un budget dédié colossal. « En tant que premier contributeur financier de la Métropole, Bordeaux est en droit d’espérer de celle-ci des réactions plus rapides », souligne toutefois Patrick Seguin. Et le premier édile bordelais d’annoncer qu’il présentera par ailleurs un nouveau règlement « terrasses », l’actuel étant en vigueur depuis une dizaine d’années déjà.Au soutien de l’ensemble du programme d’actions, David Lestoux appelle à « une nouvelle gouvernance partenariale pour le commerce bordelais », par la création d’un Office du commerce de Bordeaux. Lequel pourrait immédiatement être préfiguré par la mise en place d’une commission commerce élargie. Appelés à en être les copilotes, Ville et CCI de Bordeaux partagent et soutiennent l’idée. Pierre Hurmic se dit même prêt à « aller au-delà des compétences municipales, qui sont encadrées ».

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