Mauléon : Louis Labadot répond à la cour des comptes - Premium

Louis Labadot contre-attaque. Le maire communiste de Mauléon-Licharre a longuement pris la parole lors du dernier conseil municipal au sujet de la situation financière de la commune. Et pour cause, le mois précédent, la chambre régionale de la cour des comptes rendait public un rapport dans lequel elle faisait part d’une « trajectoire financière sérieusement dégradée ». Le maire a réservé sa parole, le temps de faire l’analyse du dossier, et de s'exprimer en conseil municipal. Quelques jours plus tard, il a accepté de répondre à Placéco. Lors du dernier conseil municipal, vous avez pris longuement la parole pour réagir au rapport de la Chambre régionale des comptes. Que vouliez-vous faire passer comme message ?L’intervention a duré 47 minutes. J’y ai développé mon analyse. Certains se sont permis des analyses dès le lendemain de la publication du rapport, le 12 mars. Moi, j’ai passé plus de 50 heures dessus, pour éviter de me tromper. Et comme certaines approximations ont circulé, j’ai décidé de diffuser mon intervention à 2.000 exemplaires dans toute la commune pour tous les habitants.Que vous inspire ce rapport de la chambre régionale de la Cour des comptes ? Le rapport est venu sur le base de la situation dégradée des finances de la commune, sans regarder exactement quelle est la réalité. C’est fort de café. Il s’inscrit dans le contexte de la liquidation de la SEM Domaine Agerria, une structure dans laquelle la ville détenait 52% des parts. Mais il faut rappeler qu’en 2008, la commune avait déjà une dette de 2,7 millions d’euros. Quand Michel Etchebest (ex-maire de Mauléon) est arrivé, 1,2 million de plus. Quand je suis arrivé en 2020, cette dette s’élevait à 4,8 millions. Aujourd’hui, on prévoit d’être à 4 millions au 1er janvier 2026, soit autant de dette qu’en 2009. On n’est pas au pain sec ni à l’eau claire. On a 35 salariés, un budget de fonctionnement en augmentation. Les salaires n’ont pas été augmentés de manière arbitraire : on a juste appliqué les mesures nationales, et préservé le pouvoir d’achat.Sur les créances douteuses, 97% datent d’avant 2019. Le cas le plus emblématique, c’est le Château de Libarrenx, pour 425.575 euros, lié à une structure para-municipale dirigée par un ancien adjoint qui ne payait même pas les loyers dus à la commune pour l’utilisation d’un bien public. La société a été liquidée, et ça leur a permis de solder avec l’assurance. C’est un héritage, pas une décision de ma part. J’ai rendu public le 17 octobre 2019, une lettre d’alerte sur l’état très délicat des finances communales. J’y disais qu’il ne restait que 91.418 euros alors que les emprunts de mars d’un montant 184.000 euros n’étaient pas réglés. Michel Etchebest dit aujourd’hui qu’il n’a jamais été averti. Alors j’ai informé la population, j’ai mordu le trait, tant pis.Aujourd’hui, si on me payait tout ce qu’on me doit, notamment les 442.544 euros de garanties d’emprunt, on aurait 1,9 millions d’euros. Je pourrais goudronner tout Mauléon avec ça. Mais à la place, certains crient à la mauvaise gestion. Mais pour 2025, on a tenu compte des recommandations de la chambre, et on n’a pas fait d’emprunt pour cette année. Ça fait forcément baisser la voilure niveau investissement. La Cour vous reproche d’avoir poursuivi certains investissements ambitieux, comme le terrain de foot synthétique, malgré une épargne insuffisante. Était-ce le bon moment ?Nous avons fait une promesse de campagne, et nous l’avons tenue. C’était écrit dans le document de campagne. Donc le mercredi après notre élection, nous avons reçu la section foot pour lancer le projet. C’est un équipement structurant, pour un club de 300 licenciés. Et grâce à un gros travail de montage financier, il nous a coûté moins de 200.000 euros après récupération de la TVA, avec 80% de subventions. C’était contre l’avis des finances publiques, mais j’ai dit que j’irai jusqu’au bout.« Il n'y aura plus de société d’économie mixte à Mauléon jusqu’à la fin de ce mandat » Sur la SEM Agerria, justement, le rapport pointe des manquements graves. Vous auriez pu anticiper ? Ce projet était déjà mal engagé avant mon arrivée. Un cabinet avait conclu à sa non-faisabilité. J’ai trouvé une situation sans compte bancaire fonctionnel, et j’ai demandé de l’aide à l’agglomération Pays Basque. En octobre 2020, un conseil d’administration s’est tenu : la décision du dépôt de bilan a été prise à l’unanimité. Grâce à l’agglomération, nous avons pu rembourser 1,1 million d'euros au Crédit Agricole. Il reste 442.000 euros de garantie d’emprunt, en cours de procédure. Et à l’avenir, je le dis clairement, il n'y aura plus de société d’économie mixte à Mauléon jusqu’à la fin de ce mandat.Le rapport souligne aussi l'absence de provisions pour les risques financiers, alors même que certaines créances sont jugées irrécouvrables. Pourquoi ne pas avoir anticipé ces charges ? Il faut aussi provisionner, en fonction des créanciers, à 15% de leur hauteur. Normalement, la mairie ne peut pas s’exonérer de ça. Et quand je l’ai fait la première fois, en ne respectant pas les 15%, j’ai eu quelques remarques des finances publiques. Mais je le redis : ça aurait encore égrainé un peu plus les finances de la ville, donc je n’ai pas provisionné. J’ai décidé de ne pas le faire. J’assume totalement.Autre point de crispation : le temps de travail des agents municipaux, inférieur aux 1.607 heures légales. Vous n’envisagez pas de vous mettre en conformité ?Non. Ce régime a été mis en place par mon prédécesseur en 2009. J’étais alors conseiller municipal. Aujourd’hui la loi a évolué, et Macron a décidé en 2020 que ça devenait obligatoire de changer. Mais je refuse de revenir dessus : c’est un acquis social, c’est dans mon ADN.Et pour les autres recommandations de la Chambre régionale des comptes ? Nous allons en appliquer quatre sur six. Une de ces recommandations fait l’objet de procédures en cours, notamment les garanties d’emprunt liées à Agerria. Un premier rapport de la Cour disait que les dettes n'étaient pas réelles et ne devaient pas être prises en compte par la commune. Le second dit le contraire. On attend que le tribunal administratif tranche. Et sur le temps de travail des salariés, je l’ai déjà dit, je ne changerai pas de position. Pour le reste, nous avons engagé la mise en conformité, mais c’était déjà bien lancé.Est-ce que vous serez candidat l’année prochaine à votre réélection ? Notre liste « Union Citoyenne » ne renonce pas, et ne renoncera jamais. Elle sera présente aux élections de 2026. Après, la vraie question qui se pose, c’est qui pour la diriger. Et j’ai répondu que je serai à la place que mes colistiers veulent bien me donner.La réaction de l’opposition Chef de file du groupe Agir Ensemble et ancien maire de Mauléon, Michel Etchebest conteste fermement les propos de Louis Labadot. Il renvoie au rapport d’octobre 2024 de la Chambre régionale des comptes, qu’il considère comme une référence en matière de gestion publique : « Plutôt que de chercher des boucs émissaires à son incompétence, M. Labadot devrait se référer à ce document, qui fait autorité. » Selon lui, le rapport est clair : « En 2023, la commune de Mauléon se trouve dans une situation financière très dégradée avec une trajectoire préoccupante. » Il insiste également sur les indicateurs financiers. « Le compte administratif 2020 présentait un excédent de fonctionnement de 457.000 euros pour une capacité de désendettement de neuf années. Celui de 2023 est tombé à 248.000 euros avec un ratio de 15 années, et celui de 2024 à 207.000 euros pour plus de 20 années. » Une détérioration qu’il juge d’autant plus préoccupante que « les recettes de la commune ont sensiblement augmenté » sur la période. Michel Etchebest s’étonne par ailleurs d’un budget d’investissement « ramené à zéro, même pas de travaux de voirie » prévu pour 2025, et s’interroge sur « la position du préfet face à cette situation financière compromise ». Enfin, il souligne : « Nous nous réjouissons que la réalité de la gestion municipale actuelle soit publiée par la Cour des comptes, même si cela renvoie une piètre image de notre commune. » Et de conclure : « Durant nos douze années de gestion, Agir Ensemble n’a jamais été contrôlé par la Chambre régionale des comptes pour sa gestion. »

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