Santé : Hope Valley AI veut détecter plus tôt le cancer du sein - Premium

Elle a travaillé durant 15 ans en tant qu’ingénieure-chercheuse autour du risque du secteur nucléaire, notamment au Commissariat à l’énergie atomique (CAE)... et ambitionne désormais de détecter de façon plus précoce le cancer du sein, grâce à l’intelligence artificielle. Elle ? Hakima Berdouz, (future) fondatrice de la startup rochelaise Hope Valley AI, qui devrait être officiellement créée d’ici le 1er juin prochain. « Durant ma carrière, j’ai déposé six brevets, précise-t-elle en préambule. L’idée est désormais d’explorer la transposabilité des technologies développées dans le nucléaire, dans le domaine de la santé numérique - et des femmes en particulier. » Un projet deeptech sur lequel elle travaille depuis le Covid-19, financé notamment par le prix Poc in labs de l’Université Paris-Saclay, ou encore par l’Inria Startup Studio. Et dédié, depuis un an et demi, au cancer du sein. « Foncièrement, je suis une femme en colère, reprend-elle. Chaque jour, 33 femmes décèdent en France de ce cancer - 12.000 par an selon les chiffres 2023 de l’INCA [ndlr, Institut national du cancer]. Au niveau mondial, ce sont 1.820 décès quotidiens. Une femme sur huit va développer un cancer du sein. C’est énorme et on ne peut pas accepter cela ! » Sauf qu’aujourd’hui, selon Hakima Berdouz, les solutions pour détecter les tumeurs, ne suffisent pas, tout comme la prévention. La prise en charge financière des mammographies ne concerne que les femmes de 50 à 74 ans, « or les statistiques montrent que plus de 50% de celles qui reçoivent la lettre pour se faire dépister n’y vont pas. Il y a un vrai problème sur la sensibilisation », pointe la chercheuse. En parallèle, si la mammographie reste la meilleure technologie aujourd’hui, elle est réservée aux femmes de plus de 50 ans - tous les deux ans seulement - et exclut donc les jeunes. « La mammographie peut aller jusqu’à une sensibilité de 85%, mais pour les jeunes ou les seins denses, cela chute à 48% », complète Hakima Berdouz. Or, dans neuf cas sur dix, un cancer du sein identifié au stade précoce se soigne bien.Une solution de détection, et une app de prévention Hope entend travailler ces différentes problématiques. Et développe une nouvelle solution d’imagerie multimodale avec de l’intelligence artificielle embarquée, qui utilise la vision par ordinateur (à partir de caméras, infrarouges, d’imagerie ultrasons) pour détecter des signaux faibles, « précurseurs à l’incubation d’événements rares ». Traduction, dans la santé : un cancer ou une maladie rare. Et pour démontrer l’efficacité de sa solution, la startup lancera durant le prochain octobre rose (dédié au cancer du sein) une étude clinique avec le centre d’investigation clinique du CHU de Tours, « une référence sur les innovations technologiques à ultrason et sur l’IA ». Cette phase d’étude durera deux ans pour une première évaluation des protocoles, et servira à préparer une seconde étude clinique. Enfin, Hope Valley IA ambitionne de décrocher le marquage CE d’ici trois ou quatre ans. « Notre modèle économique n’est pas encore définitif, mais nous ciblons des établissements de santé, de prévention, d’imagerie. Voire même, nous proposerons de la télé-imagerie dans des centres de proximité, des sortes de stations mobiles, pour couvrir les déserts médicaux », esquisse notre interlocutrice. Qui précise que sa technologie ne servira pas à remplacer une mammographie ou une échographie, mais bien à faire de la détection précoce, tout en ramenant les femmes éloignées des dispositifs de prévention. Car la startup marchera sur deux jambes, la seconde étant une application, justement autour de la prévention, disponible sur les smartphones dès octobre prochain. Une première phase de test sera lancée auprès d’utilisatrices, pour étudier leur engagement, leur façon de se servir de la plateforme numérique. « Il y aura vraisemblablement une partie gratuite accessible à toutes, et une solution premium en lien avec des professionnels de santé, pour des services ultra personnalisés. Nous menons des discussions avec des mutuelles ou des assurances pour une prise en charge », indique Hakima Berdouz. Pour financer sa propre R&D, la startup proposera aussi des services de R&D pour d’autres entreprises… et est en phase de levée de fonds, accompagnée par l’ADI Nouvelle-Aquitaine. Objectif : collecter entre 1,4 et 1,9 million d’euros d’ici octobre prochain, pour développer les premiers prototypes et démonstrateurs.Une « smart usine » en Charente-Maritime Le choix de La Rochelle n’est pas anodin pour la jeune pousse. Parisienne, Hakima Berdouz s’est attaché à trouver une ville dont la qualité de vie attire les talents. Et les talents féminins, de préférence. « En fait, on s’est rendu compte qu’un code développé par un homme est biaisé, et ne prend pas en compte plusieurs paramètres. Par exemple, j’ai vu un data scientist chargé de développer une IA qui ne savait pas ce qu’était un cycle menstruel… Donc notre objectif est de privilégier des profils techniques féminins. » Et ces profils, jeunes pour la plupart, ne souhaitent plus forcément travailler en région parisienne. Après avoir identifié plusieurs critères de sélection, la Charente-Maritime - et plus spécifiquement La Rochelle - sont apparues comme les territoires les plus attractifs. C’est d’ailleurs dans le département que Hope Valley AI devrait, dans quelques années, implanter sa « smart usine » pour assembler les composants de sa technologie intégrée, et avoir le produit final. « Nous avons deux grands partenaires, des PME françaises, détaille l’entrepreneuse. Le groupe Aurys Industries d’abord, premier miroitier de France qui existe depuis 50 ans et qui ont deux sites en Normandie. Car une partie de notre solution comprend des miroirs intelligents. Et le groupe Doliam ensuite via sa filiale Vermon, l’un des leaders mondiaux des sondes ultrasons. » Objectif : postuler en 2026 pour ce projet d’usine dans le cadre de France 2030, pour la lancer en 2027, et démarrer l’industrialisation du produit. Ensuite, à plus long terme, Hope Valley AI s’ouvrira au secteur de l’industrie et notamment de la détection de risques, « comme dans un cœur de réacteur nucléaire ».

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