Pourquoi Miraïa a choisi Garlin pour son usine de biochar - Premium

« Notre procédé refait ce que la terre a fait en 250 millions d’années : à partir de matière organique, nous produisons du charbon, des hydrocarbures et du gaz ». C’est ainsi que Julien Marchal, directeur commercial de l’entreprise toulousaine Miraïa, achève la présentation de son entreprise et de l’usine qu’elle s’apprête à construire à Garlin. Le 23 janvier dernier, les dirigeants de Miraïa, ainsi que plusieurs élus et techniciens locaux, présentaient ce projet aux habitants de la ville : la première étape d’un processus devant mener à l’ouverture d’une usine bâtie autour de la production de biochar. Julien Marchal en fait circuler un peu dans la salle, contenu dans un petit pot de verre. Visuellement, c’est une poudre noire grossière. Techniquement, c’est un charbon d’origine végétale obtenu par pyrolyse, c'est-à-dire une cuisson à très haute température et sans oxygène. « Le biochar est une éponge », composée de 60 à 70% de carbone, explique-t-il. Il peut donc être utilisé comme instrument de capture du CO2 : une tonne de biochar produit, revendique Miraïa, c’est 2,2 à 3 tonnes de carbone capturées. Utilisé dans la construction, il fait des bâtiments des puits de carbone. En agriculture, il sert d’engrais, augmente la rétention d’eau, stocke les nutriments et réduit les besoins en engrais chimique. Comme combustible, il permet de remplacer le charbon fossile, encore utilisé par certaines industries.Objectif : 20.000 tonnes de biochar par anLes quatre fours Navarre, une technologie développée dans les années 1930 et dont Miraïa est propriétaire, devraient produire sur le site de Garlin devrait produire 20.000 tonnes de biochar par an, assure Miraïa. L’usine produira également 50.000 tonnes de substrats : bio-huiles, huile pyrolytique et goudrons de bois, qui seront eux aussi valorisés dans diverses industries. Au niveau des matières premières, elle consommera chaque année mille mètres cubes d’eau, 9GWh d’électricité (produite sur place à l’aide des gaz émis par les fours), et 135.000 tonnes de bois frais. C’est d’ailleurs en partie pour son emplacement près de deux massifs forestiers, la forêt des Landes et le piémont pyrénéen, que Garlin a été retenu pour installer cette usine, la première de Miraïa. « Ce sont deux massifs avec des essences différentes, c’est un avantage pour notre projet », souligne Julien Marchal. Il insiste également sur la soutenabilité de la consommation de bois de l’usine : « seulement 11% de la croissance naturelle de la forêt béarnaise est actuellement exploitée », cite-t-il. Quant au bois utilisé, il s'agit de bois dit « bois industrie », résidu d'exploitation forestière, ou de « bois d'opportunité », c'est-à-dire issu de maladies, tempêtes ou feux de forêt. L'usine prévoit de s'approvisionner uniquement auprès de forêts labellisées « forêt durable » et dans un rayon de 150km.Reconstruire une filière boisPour les élus locaux, cette consommation de bois est d'ailleurs l’un des avantages du projet : « Malheureusement, nous sommes une terre d’élevage sur laquelle l’élevage a pratiquement disparu, et nous avons des coteaux pratiquement à l’abandon », déplore Charles Pelanne, Président du Syndicat mixte Garlin-Pyrénées, gestionnaire de la zone. L’implantation de Miraïa serait l’occasion d’accompagner la reforestation des friches agricoles. « Il faut réorganiser toute la filière bois », considère l’élu, soulignant que le territoire de la Communauté de communes des Luys en Béarn compte 7.000 hectares de forêt publique, et autant de forêt privée, partagée entre 3.500 propriétaires.« Il y a aussi un intérêt agronomique, car nous sommes une région viticole », ajoute Charles Pelanne. Miraïa revendique, en effet, des chiffres impressionnants quant à l’efficacité du biochar sur les vignes, en particulier dans les territoires souffrant de sécheresses chroniques. « C’est un autre atout de Garlin : il y a déjà des clients potentiels aux alentours, considère Julien Marchal. Les vignobles de Madiran, Pacherenc, Irouleguy… Irouleguy, l’année dernière, ce sont 50% des sites qui ont souffert de stress hydrique. Et l’emploi du biochar peut réduire les besoins en irrigation de 5 à 10% », ajoute-t-il. Autre atout décisif de Garlin aux yeux de Miraïa : le label « Industrie clé en main », obtenu en 2020, et qui permet de proposer aux industriels du foncier rapidement constructible. « Sur un projet comme celui-ci, cela fait gagner pratiquement deux ans », se félicite Antoine Hielle, directeur du développement économique de la Communauté de communes des Luys en Béarn. « C’est également un territoire bien desservi, avec deux autoroutes et le port de Bayonne pas loin qui est une solution de connexion importante », ajoute Julien Marchal.Rentabilité et perspectives« Quelle sera la rentabilité du projet ? » s’interroge, dans le public, un retraité se présentant comme « ancien employé d’une usine de charbon végétal qui a dû fermer ». Façon de s’assurer, insiste-t-il, que l’usine de Miraïa ne suivra pas le même chemin dans quelques années. « L’utilisation des coproduits », lui répond Julien Marchal, mais surtout « l’apparition d’une vraie économie de la décarbonation » : « Il y a aujourd’hui des acteurs industriels qui sont tenus de diversifier leurs approvisionnements et de rendre des comptes sur leurs initiatives de décarbonation ». Et d’avancer également le chiffre de 60.000 tonnes par an de biochar déjà produit en France par d’autres unités de production déjà existantes. Un effort sera aussi fait pour « baisser drastiquement les prix » pour les agriculteurs, « de telle sorte que le biochar soit une solution compétitive pour ce secteur ». Parmi les solutions à l’étude, l’ajout de biochar sous forme d’additif dans des engrais organiques existants.Au total, le projet, qui s’étendra sur une superficie de cinq hectares, représentera 35 emplois locaux directs (techniciens, manutentionnaires, maintenance, mais aussi direction du site et fonctions support), et environ 45 emplois induits. Le dossier d’autorisation environnementale doit être déposé en mars prochain auprès de la préfecture du 64. « On a pu rencontrer le préfet et nous avons senti un très bon retour et une volonté de nous accompagner », se félicite Julien Marchal. Aux quatre mois d’examen de la demande suivront trois mois d’enquête publique, une phase de décision de deux mois et quatre mois de phase de recours… Miraïa vise donc un début des travaux fin avril 2025, pour une mise en service fin 2026. D’autres usines devraient ensuite voir le jour dans d’autres régions françaises : l’entreprise vise ainsi cinq à six unités de production à l’horizon 2030-2035. Le site de Garlin, lui, pourra être amené à grandir : « sur la valorisation possible des bioliquides, on aura vocation à chercher plus de valeur dans ces différents produits, prévoit Julien Marchal. Et ça se fera sur site ».

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