Promotion immobilière : le groupe Anthelios placé en liquidation judiciaire - Premium
Le programme Terracia au Bouscat, en cours d'achèvement. Crédit : Anthelios
Les sociétés du groupe Anthelios viennent d’être placées en liquidation judiciaire. Nouvelle illustration des difficultés du secteur immobilier qui, après les entreprises de la construction, touchent désormais celle de la promotion.
Le 11 octobre dernier, le Tribunal de commerce de Bordeaux a prononcé la mise en liquidation judiciaire d’une demi-douzaine de sociétés du groupe girondin de promotion immobilière Anthelios, dont la Financière Peyre. Un groupe qui, il y a un an encore, affichait de solides ambitions et déroulait un carnet de commandes bien rempli l’amenant à tabler sur un chiffre d’affaires de 120 millions d’euros à l’horizon 2024, contre un atterrissage aux alentours de 70 millions en 2022. Une année au cours de laquelle Gilbert Peyre, entré au sein du groupe en 2016 en tant que vice-président, a pris le contrôle à l’issue d’un MBO réalisé avec le soutien financier de la holding de la famille d’industriels marseillais Liotta, spécialisée dans la logistique industrielle et les solutions de stockage.
Outre les schémas classiques de financement, Anthelios avait en parallèle activé des mécanismes de financement participatif , menant notamment deux opérations obligataires sur la plate-forme Tudigo. L’une à visée corporate pour « financer le besoin en fonds de roulement lié aux dépenses de recherche et développement concernant les opérations à venir » (1,3 million d’euros collectés). Et l’autre permettant « d’investir dans une opération de promotion immobilière haut de gamme portant sur la construction de la résidence Les Cristaux à Châtel en Haute-Savoie », une résidence « de 57 logements du deux pièces au cinq pièces » (près d’1,6 million d’euros réunis).
Des problématiques partagées
Contacté par nos soins, Gilbert Peyre indique que ses associés et lui « ne souhaitent pas, en tout cas pour l’instant, communiquer sur ce sujet » des mises en liquidation, se concentrant sur « une seule information essentielle : nous sommes convenus avec les banques de la continuation des chantiers en vue de livrer tous les programmes en cours ». Difficile donc d’analyser les causes intrinsèques. « Il y a eu 10 ans relativement euphoriques, où on a développé beaucoup de choses. Aujourd’hui, il faut revenir sur les fondamentaux et faire le bon produit pour le bon client, en particulier quand on est très développé sur tous les territoires - Paris, Rhône-Alpes… - comme l’a fait Anthélios avec des positionnements de prix sur le très très haut de gamme avec les opérations “montagne” ou sur des opérations plus classiques et plus basiques sur la métropole bordelaise. C’est difficile d’avoir ce positionnement, avec une maîtrise de la chaîne de production aussi large », propose sous couvert d’anonymat un professionnel de la promotion immobilière.
D'autres éléments peuvent être convoqués, dont la « financiarisation » de beaucoup d'opérations. Les taux d’intérêt ayant commencé à augmenter très fortement depuis 2023, le coût est devenu très important sur les opérations. Ce qui n'avait pas forcément été anticipé. Un poids financier des opérations incompatible avec un marché qui s’arrête après un essor post-covid. Conséquence ? Devoir faire preuve d'une immense agilité pour rebalayer tous les projets et les reconfigurer, avec des renégociations sur les fonciers, la programmation, les coûts travaux ou la commercialisation. Le contexte impose par exemple de passer de la vente au détail haut de gamme à une opération 100% vente en bloc pour du logement social ou du logement intermédiaire.
Le début d'un cycle douloureux
« Attristé par les difficultés d’un confrère », Pierre Vital réagit d’abord en tant que président de la FPI Nouvelle-Aquitaine, se disant « un peu révolté et en colère parce que ces sujets-là ne sont que l’amorce d’un cycle très compliqué » pour la profession. « Sur la partie travaux, on a eu une période “post covid et quoi qu’il en coûte” où le gouvernement a beaucoup subventionné avec les PGE. Maintenant que ça arrive en période d’amortissement, on se retrouve dans une situation où beaucoup d’entreprises du bâtiment dans la construction font faillite, phénomène qu’on connaît depuis plusieurs mois », amorce-t-il.
« Sur la partie promoteurs, c’est le début d’un cycle qui est douloureux. Comme on est sur des opérations qui sont assez longues, des chantiers sur 24 mois, on est encore sur cette période où les chantiers sont en cours. Je pense que le plus dur est à venir. En 2024, les permis auront été obtenus mais n’auront pas été mis en chantier parce qu’on n’aura pas trouvé de clients, parce qu’on n’a pas trouvé d’appel d’offres. Ce qu’on a connu dans le bâtiment où beaucoup de boîtes font défaut, je pense qu’on va pouvoir le transposer chez les promoteurs. Des entreprises ne renouvellent pas les départs, mettent fin aux périodes d’alternance, commencent à mettre en place des plans de sauvegarde de l’emploi », analyse-t-il.
Evoquant « un phénomène qui n’a pas été connu depuis plus de 30 ans », il se dit « inquiet, pas par rapport aux opérations en cours car elles sont couvertes par beaucoup de garanties, mais par rapport au volume de production de logement qu’on va faire dans les mois qui viennent ». Et de préciser : « Dans les belles années, on avait 140.000 logements qui étaient vendus au détail. Cette année au niveau national, on pense qu’on va en faire moins de 100.000, plutôt autour de 90.000. Tous ces logements qu’on ne va pas produire n’existeront pas pour la location et pour l’accession à la propriété dans les années qui viennent. Ça va créer de la tension sociale et on est persuadé qu’il y a aussi un phénomène de Gilets Jaunes version logements qui va émerger dans les semaines et les mois qui viennent », prophétise le président régional de la FPI, qui déplore : « on a beau alerter depuis des mois et des mois, le gouvernement n’a pas du tout agi ni réagi. »
