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Comment VDLV construit le « puzzle économique » de la vape - Premium

Stratégie
mardi 22 décembre 2020

Plusieurs lignes automatisées assurent l'embouteillage des e-liquides produits par VDLV - photo AL

Désormais installé à Cestas dans un ancien entrepôt réhabilité en 14 000 m² de surface utile, le numéro deux français de la vape VDLV revendique une approche responsable de la cigarette électronique à grands renforts de certifications et d’innovations techniques. En parallèle, le groupe capitalise sur ses investissements pour entraîner dans son sillage un hub d’entreprises en phase de démarrage industriel. Entre chimie verte, incubateur cellulaire et circuits courts, bienvenue dans le « puzzle économique » de la vape.

Il y aurait aujourd’hui entre 2 et 3 millions d’utilisateurs de cigarettes électroniques en France, même si aucune étude récente ne permet d’avaliser ce chiffre avec précision. Une chose est sûre : la vape a donné naissance à une filière économique significative, portée notamment par un réseau d’environ 3.000 boutiques, plusieurs grands distributeurs spécialisés (dont un acteur coté sur Euronext, le lyonnais Kumulus Vape) et quelques industriels qui se chargent de produire les fameux « e-liquides » aromatisés et nicotinés qui font tout l’intérêt de la vape dans une démarche de sevrage tabagique.

Fondé en 2012 à Pessac, le groupe VDLV est devenu le numéro 2 français de ces producteurs. Depuis 2019, il occupe un ancien centre logistique de la Poste à Cestas, réhabilité en site industriel au terme de 11 mois de travaux et 14 millions d’euros d’investissement. Il y fabrique 30 tonnes de liquides par mois, qui sont ensuite conditionnés sur des lignes automatisées pour être commercialisés dans une trentaine de pays soit sous ses propres couleurs (les marques Vincent dans les Vapes et Cirkus), soit en marque blanche pour une vingtaine de distributeurs spécialisés.

Promouvoir une vape responsable

À l’étage, non loin de la pièce où les deux « nez » de VDLV testent et assemblent les arômes pour créer d’innombrables recettes parfumées, un laboratoire s’affaire à contrôler des échantillons extraits de chacun des lots de la production. « On se doit d’être absolument irréprochable pour que la vape continue à gagner en maturité », explique Charly Pairaud, directeur général de VDLV et membre de la Fédération interprofessionnelle de la vape (Fivape).

Lorsque la cigarette électronique fait son apparition en France, à la fin des années 2000, tout est à construire. « Vincent Cuisset, le fondateur de VDLV, découvre la cigarette électronique en 2010. Il profite d’un retour à l’école pour étudier la façon dont sont faits les e-liquides grâce à la disponibilité du matériel de l’université de Bordeaux », raconte Charly Pairaud. « En fouillant, il réalise qu’il est possible de fabriquer des liquides à base d’arômes naturels, en vérifiant que les molécules aromatiques mises en œuvre ne présentent aucune toxicité à l’inhalation, de façon à ce que ces liquides soient le plus rassurant possible pour les consommateurs ».

Dès 2013, l’entreprise s’équipe pour apporter une caution scientifique à ses développements. Chromatographes et spectromètres de masse donnent naissance au LFEL, le Laboratoire Français du E-liquide, via lequel VDLV propose des services d’analyse et de contrôle à l’ensemble du marché. Le producteur s’implique en parallèle via la Fivape dans les procédures de normalisation engagées par l’Afnor. En 2016, il sort ses premiers liquides certifiés Afnor, l’année même où la directive européenne encadrant la distribution des produits liés à la vape est transposée en droit français.

Robot vapoteur et tabac de Nouvelle-Aquitaine

Porté par une croissance à deux chiffres, le groupe reste cependant vigilant face à ce qu’il appelle les « vapo-sceptiques », dont l’hostilité à la cigarette électronique est régulièrement alimentée par des fais divers et des études venues des Etats-Unis. « L’information autour de la vape est chaotique. 80% des français pensent encore que la nicotine est cancérigène. Si elle avait été problématique, on n’aurait jamais autorisé les patchs », glisse Charly Pairaud.


Le robot U-sav permet de simuler le comportement du vapoteur.

Pour éviter de prêter le flanc à la critique, VDLV muscle sa recherche. Son laboratoire a par exemple développé un automate vapoteur baptisé U-Save, qui permet de tester des cigarettes électroniques du marché en reproduisant au plus près l’action du vapoteur qui aspire. Ses travaux ont par exemple permis d’identifier un risque au niveau du sucralose, un additif courant dans les liquides à goût sucré, dont la dégradation lors de la vaporisation produit des composés chlorés dépassant les recommandations sanitaires.

Cette « exigence vapologique » conduit également VDLV à développer en interne un procédé d’extraction de la nicotine sans solvant chloré, à partir des feuilles de tabac fournies par des producteurs installés en région Nouvelle-Aquitaine. Ce projet - le seul à avoir reçu une subvention dans l’histoire du groupe, lui permet de ne plus dépendre des importations venues d’Inde, de Chine ou des Etats-Unis, et l’autorise à revendiquer une fabrication 100% européenne, voire 100% française sur certains liquides. Les résidus des feuilles de tabac traitées dans son usine de Cestas sont ensuite revendues à des centres locaux de méthanisation.


VDLV est aujourd'hui le seul fabricant français d'e-liquide à produire sa propre nicotine.

Créer le « puzzle économique de la vape »

Comment pousser plus loin cette logique d’économie circulaire au profit de la vape ? C’est la question qui anime les deux dirigeants de VDLV suite à leur arrivée dans leurs nouveaux locaux de Cestas. Le laboratoire, qui réalise déjà des tests pour d’autres acteurs du secteur de la cigarette électronique, devient une filiale à part entière. Baptisée Ingesciences, elle ambitionne désormais de mettre à profit ses capacités d’analyse à destination de tous les secteurs intéressés par les techniques de vaporisation, qu’il s’agisse d’agroalimentaire, de médecine ou de chimie. Elle travaille dans ce contexte à la création d’un incubateur cellulaire, qui permettra à terme de mesurer les effets d’un produit vaporisé sur des tissus vivants. Une première mondiale, que VDLV espère pouvoir mettre à disposition de la recherche scientifique dans une approche d’innovation ouverte.

En attendant, VDLV met à profit l’espace disponible dans sa nouvelle usine pour héberger d’autres entreprises. Certaines, comme le vendeur de cigarettes électroniques Vapoclope, présentent un lien évident avec l’activité première du groupe. Pour d’autres, la complémentarité est moins évidente… du moins à première vue. La holding détenue par Charly Pairaud et Vincent Cuisset préside par exemple ABNova, une jeune pousse hébergée à Cestas et chargée d’élaborer des techniques de fabrication de bioéthanol de deuxième génération, un procédé permettant de valoriser la quasi-totalité de la biomasse d’une matière organique telle qu’un plant de tabac. Le hub VDLV accueille également ImmunRise Biocontrol, une startup qui planche sur la mise au point de biopesticides élaborés à partir de microorganismes marins. Une potentielle révolution qui pourrait, là encore, finir par servir de façon très opérationnelle les intérêts du groupe en lui permettant par exemple de revendiquer une nicotine fabriquée sans phytosanitaires de synthèse.

« L’idée de ce puzzle économique est de créer un écosystème de sociétés en phase de démarrage industriel, auquel nous pouvons apporter un soutien à la fois technique, économique et industriel », explique Charly Pairaud. De façon plus pragmatique, les deux patrons de VDLV ont également racheté à son fondateur l’entreprise EMI Fluides I&S, spécialisée dans la tuyauterie industrielle et les équipements thermodynamiques, histoire de mener à bien les travaux d’aménagement de leur usine. Forts de leurs nouvelles compétences en soudure, ils envisagent désormais d’accueillir à Cestas un fablab dédié à la fabrication de guitares en aluminium. Parce que pourquoi pas ?

VDLV, qui a financé son nouveau bâtiment sur fonds propres et grâce à un pool bancaire, affiche aujourd’hui une trésorerie « confortable » qui lui permet de financer ses futurs projets, à commencer par la remise à plat de son système d’information, déjà bien engagée. Si 2020 s’annonce comme une année « compliquée », la croissance externe permet de lisser la baisse. VDLV, qui emploie en propre 115 personnes à Cestas, devrait réaliser 15 millions d’euros de recettes sur l’activité vape, pour un chiffre d’affaires groupe compris entre 17 et 18 millions d’euros.

VDLV - fondé en 2012
Chemin des Arestieux, 33610 Cestas
+33 (0)5 56 10 16 16

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