BD : les ambitions mondiales du studio bordelais Makma passent par Angoulême - Premium

Si Makma est pour l’heure surtout connu des initiés du monde de la bande dessinée, ce studio bordelais fondé au printemps 2001 n’en affiche pas moins de solides ambitions. « Nous faisons tous les métiers de la BD, si ça existe dans la BD, on le fait », pose d’emblée le directeur général Edmond Tourriol. Celui-ci n’hésite d’ailleurs pas, en signature de ses mails, à s’attribuer la fonction de Grand Stratéguerre, qui témoigne à la fois de son goût assumé pour la culture geek et de ses ambitions de croissance, l’aspect belliqueux en moins. « Un tiers de l’activité, c’est de la création pure, de A à Z. Pour le reste, on est prestataire de services pour des maisons d’édition et des plates-formes », sur des travaux de localisation, de traduction et de lettrage, de productions étrangères et à destination du marché français. Mais, « sur la localisation, on est tributaire des éditeurs et des ayants droit. Là-dessus le business model est fragile et ne tient qu’à de petits fils. On a besoin de pivoter et d’axer davantage notre développement sur la création », analyse-t-il.Ces dernières années, Makma s’est diversifié avec succès sur le segment du webtoon, ces bandes dessinées publiées en ligne, qui se lisent en les faisant défiler verticalement sur son téléphone ou sa tablette. « Ça a dynamité notre activité », reprend Edmond Tourriol « et ça nous fait mettre le pied dans le numérique où on n’était pas ». Une diversification qui en amène une autre. « En Corée, les webtoons font fureur mais ils n’ont pas de culture papier. En France, les mangas imprimés n’ont jamais été aussi populaires. Nous nous sommes donc posé la question : comment satisfaire tous les amateurs de BD ? Quel compromis pour n’impacter aucun mode de lecture ? ». De ces cogitations naît un nouveau concept : la printoonisation. « C’est l’art de transformer un webtoon ou un animé en un livre papier. Pour cela, il va passer entre les mains de notre équipe afin d’obtenir un rendu optimal au niveau de la densité de sa narration et de la fluidité de son storytelling », nous explique-t-on. Sur ce segment, « il y a un vrai terrain de jeu et là-dessus, on a le truc ».Intégrer les écosystèmes« Développer nos propres créations, c’est penser à long terme car on ne va pas vivre de celles-ci immédiatement. Il faut s’armer pour être capable d’exporter nos savoir-faire sur d’autres territoires. Il y a des plates-formes qui voudraient s’implanter en Europe, on a besoin de se faire connaître auprès d’elles. Ça nous permet de gagner des marchés pour développer le chiffre d’affaires et de rentrer dans des réseaux pour des productions ou coproductions », se projette Stephan Boschat, président de Makma. Un déploiement pour lequel le studio bordelais se dote d’une nouvelle compétence, qui n’a rien d’artistique mais ô combien nécessaire : solliciter et obtenir des aides. « On a commencé à le faire en 2021, jusque-là on ne courrait pas après la subvention », reconnaissent les dirigeants. « On s’est rendu compte qu’on passait à côté d’opportunités, on a eu besoin de monter une marche, nos concurrents bénéficient eux-mêmes d’aides publiques majeures, on ne peut pas faire autrement si on veut accélérer », poursuivent-ils. Il y a l’aspect financier, appréciable, mais pas sur des montants colossaux. « L’élément clé, c’est la participation à un écosystème », décrypte le président. La SAS girondine a ainsi pu bénéficier du soutien du Conseil régional ou, plus récemment, du plan France 2030.Netflix de la BDDésireux de « jouer à fond la carte de la création », Makma se lance aussi sur un nouveau segment, celui des web novels, des romans sérialisés qu’on peut lire sur téléphone ou tablette. « C’est le même modèle que les webtoons. Souvent, des formats originaux naissent de là, c’est notre pari. Nous avons un partenariat avec Neovel pour sortir les nôtres », indique Stephan Boschat. « C’est ce qui est le moins cher », ajoute Edmond Tourriol, « en espérant que ces graines originales vont germer et donner lieu à des déclinaisons sur d’autres supports ». Dans ce cadre, Makma est en train d’ouvrir un studio de production à Angoulême, « qui doit transformer nos propriétés intellectuelles en web novels, en webtoons, en mangas… ça sera aussi l’occasion de mieux découvrir l’écosystème local de l’image », explique ce dernier. Concrètement, le lieu existe déjà - 150 m² en plein centre de la ville, à deux pas de la Place du Champ de Mars - même si « on est encore en train de réfléchir à la structuration », reconnaît-il. « On veut que ce studio soit en lui-même un petit écosystème », théorise le directeur général, qui parle « d’espace de coworking pour rencontrer les auteurs locaux qu’on ne connaît pas » mais aussi « d’accueillir les stagiaires de l’école Human Academy ». En tout cas, « l’existence de ce lieu va nous permettre de développer nos créations de façon plus organique », estime-t-il.« Nos plus gros concurrents sont des studios asiatiques, ce sont des colosses, si on veut les concurrencer, il faut que les pouvoirs publics nous aident à nous structurer », signale Edmond Tourriol. Son président abonde : « avec les web novels et les webtoons, c’est une révolution de la littérature qui est en marche. On crée un nouveau média, un nouveau support culturel, qui peut devenir le Netflix de la BD. Ça apporte d’autres mécanismes en matière de production, qui justifieraient que les pouvoirs publics pensent activement à créer une ligne budgétaire pour les webtoons et leurs plates-formes dédiées. Il ne faut pas être timide. C’est l’avenir de la filière, de la BD et de l’animation. Il faut agir rapidement, le monde va très vite de ce côté et les places sont en train d’être prises ».MakmaSAS bordelaise fondée en avril 2001Effectif : une vingtaine de personnesCollaborations régulières avec environ 350 artistes et auteursCA : NC

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