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Agriculture urbaine (4/5) : ça pousse dans nos souterrains ! - Premium

Stratégie
vendredi 16 avril 2021

Dans le sous-sol d'une résidence à Floirac, les caves, sans lumière naturelle, humides et à température constante sont propices à la culture de champignons.

Parmi les nouvelles formes émergentes de l’agriculture urbaine, un autre modèle économique tire son épingle du jeu : la culture de champignons ou de certaines espèces végétales dans des caves, sous-sols, bunkers, parkings souterrains… Dans la métropole bordelaise, la société Cycloponics, avec sa « Cave agricole » installée à Floirac en 2020, produit ainsi plus de 10t de champignons et 8t d’endives par an.

Résidence Dravemont dans les hauteurs de Floirac : des immeubles classiques de 350 logements qui longent la tranquille et arborée rue Corneille. Difficile d’imaginer qu’à cet endroit, poussent, sous ces appartements, des tonnes de pleurotes, champignons de Paris, shiitakes et endives. De fait, depuis janvier 2020, les caves des particuliers inusitées ont laissé place à 3000 m2 de cultures prospérant dans ce milieu sans lumière naturelle, plutôt humide et baignées d’une température constante même en hiver grâce aux tuyaux de chauffage de l’immeuble. Issu d’un partenariat entre le bailleur social Aquitanis, propriétaire de la résidence et la société Cycloponics, cette culture, plus d’un an après son lancement aujourd’hui bat son plein pour atteindre les 10t de champignons par an et 8 à 10t d’endives, marchandises revendues à 75% à des grossistes, mais également des épiceries locales ou des réseaux de distribution directs telle que La Ruche qui dit oui !

Certification bio, court-circuit et ventes sans intermédiaire

Bénéficiaire, la « Cave Agricole » de Floirac, qui emploie cinq salariés, conjugue les ficelles de viabilité d’une production agricole urbaine : le court-circuit, une certification Bio attractive, pas d’intermédiaire de ventes, des produits à forte valeur-ajoutée… « Sachant que 70 % de la population est urbaine et que la demande de produits bio et local ne cesse de monter, il y a un véritable marché », indique ainsi Théo Champagnat, ingénieur en agronomie et horticulture, co-fondateur de Cycloponics. SAS agricole, fondée en 2015, sa société, qui compte de 15 salariés et a généré en 2019 un chiffre d’affaires de 600 000€, dispose, en sus de la cave de Floirac, de deux autres lieux de production en France lancés dès 2015 et 2016, dans un bunker à Strasbourg, mais également un ancien parking souterrain au cœur du 18e arrondissement de Paris.


Cinq salariés travaillent à la "Cave Agricole" de Floirac pour de la production de champignons et d’endives. Crédits : la Cave agricole. 

Des investissements et charges peu élevés

Outre des investissements modestes pour équiper ces lieux souterrains de systèmes d’éclairage, humidificateur et systèmes d’irrigation, leur modèle économique s’appuie en outre sur des prix fonciers très accessibles. Alors même que pour une agriculture classique en périurbain, il devient de plus difficile à des néo-arrivants d’accéder à des terrains agricoles, la culture en milieu souterrain, elle, contourne cet obstacle. « La viabilité en agriculture urbaine dépend en effet en grande partie de l’utilisation de lieux à des prix très modiques ; ces endroits souterrains étant souvent inusités, délaissés, et dont même parfois, personne ne sait quoi faire. Pour certains promoteurs, dans des quartiers sensibles, créer une activité se pose même comme une solution de sécurisation de leurs locaux », détaille Théo Champagnat, qui a ainsi pu négocier des tarifs avantageux de location, par exemple en fonction du chiffre d’affaires généré. « De plus, l’implantation dans du bâti déjà construit réduit les coûts d’installation qui seraient par exemple bien supérieurs à la construction d’une ferme en milieu rural ».


Les grossistes locaux se fournissent en champignons de Paris à la Cave agricole. Crédits : la Cave agricole.

Ouverture d’une deuxième cave à Lormont en 2022

Forte de ces premiers succès, Cycloponics projette dès lors l’ouverture courant 2022 -le dépôt de permis de construire est en cours- d’une deuxième cave dans la métropole : un ancien parking souterrain à Lormont. Des implantations sont de même envisagées dans des grandes métropoles à Lyon et Lille et cap est mis vers la diversification de leur activité. « Même si la production permet d’atteindre le seuil de rentabilité, il est bien d‘avoir un filet de sécurité. De fait, nous menons désormais également des prestations d’accompagnement des bailleurs sociaux pour travailler sur la viabilité et faisabilité de projets similaires ».

Pour autant Théo Champagnat reconnaît la difficulté d’atteindre une rentabilité dans ce domaine de l’agriculture urbaine. « Il y a beaucoup d‘échecs, il faut bien choisir sa production. Par exemple, nous avons abandonné les micro-pousses, n’ayant pu être certifié bio et réalisant que c’était vraiment un marché de niche. Selon les produits, il est aussi difficile d’être productif toute l’année, certains potagers en permaculture en ce sens manquent un peu de réalisme économique. Selon moi, il y a un énorme marché pour les maraîchers en périurbain, mais en ville, je ne crois pas trop par exemple aux conteneurs high-tech, modèles émergents de l’agriculture urbaine. Cela peut fonctionner peut-être aux États-Unis, mais en France, où nous sommes attachés à des modes de production traditionnelle, je doute que ces produits, même s’ils sont locaux, créent l’adhésion ».

Lire les autres articles consacrés à notre dossier : "Comment l'agriculture investit la ville ? " ; "La ferme du XXIe siècle bientôt à Mérignac" et "Des potagers en des lieux inattendus"

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