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Fonds NACO : bilan du « capital patient »

Écosystème
mardi 05 décembre 2023

De gauche à droite : Jean-Pierre Renaudin, Alain Rousset, David Aversenq. Crédit : DM

Lancé en 2017, le fonds NACO en est à sa troisième phase. L’occasion de dresser un bilan des deux premières étapes et d’évoquer les orientations nouvelles. Regards croisés entre Alain Rousset (Région Nouvelle-Aquitaine), le président du fonds Jean-Pierre Renaudin et David Aversenq, directeur général associé de M Capital, en charge du déploiement de NACO.

« On avait obtenu que la Région puisse intervenir directement dans les entreprises et se sortir des règles des FCPI », rembobine d’emblée Alain Rousset pour évoquer les prémices du fonds NACO (Nouvelle-Aquitaine CO-investissement). Et de revenir sur l’un de ses chevaux de bataille : « Il y a un constat franco-français : les fonds propres de nos PME ne sont pas au même niveau qu’aux USA, en Angleterre, en Allemagne… » Jean-Pierre Renaudin, président de NACO, abonde : « L’objectif c’est de restructurer les capitaux permanents, le haut de bilan, une notion assez éloignée des dirigeants qui ont beaucoup recours à l’emprunt. Or, pour le faire, il faut des capitaux propres. » Le président du Conseil régional reprend : « Quand un chargé de mission d’une banque analyse le dossier d’une entreprise, il regarde le rapport fonds propres sur dette. Ce rapport est en moyenne en France de 70 de dettes et 30 de fonds propres, et encore c’est une moyenne… Ce qui est une faiblesse. En Allemagne, c’est 50-50. » Et de justifier de ne pas uniquement recourir aux subventions : « d’abord parce que c’est du one shot, ça rentre pour l’entreprise dans un cadre fiscalisé. Ça n’aide pas les entreprises à négocier une capacité d’endettement avec les banques. Et plus trivialement, pour la Région, il n’y a pas de retour. Alors certes il y a un risque, quelques entreprises accompagnées par NACO ont été en cessation d’activité, mais le reste peut être en situation de succès. Lorsqu’on sort du capital, ça donne la possibilité d’avoir un fonds qui s’alimente lui-même ».

NACO a déjà bouclé deux phases, la première sur 2017-2021, la deuxième dite phase React-EU sur 2022-2023, avec des financements du programme européen éponyme, face aux conséquences de la pandémie de Covid-19 sur l’économie locale. « Un des bénéfices de NACO est d’investir sur des secteurs prioritaires pour la région », expose Jean-Pierre Renaudin. « Dans le capital-risque et le capital-développement, il y a des phénomènes cycliques. Par exemple, on est dans une période où les biotech, qui sont les médicaments de demain, lèvent moins d’argent et sont moins attractifs. Or, un des problèmes de souveraineté nationale aujourd'hui, c'est de trouver les médicaments de demain pour ne pas être dépendants du principe actif produit en Chine. Cette recherche de projets dans lesquels on peut investir permet parfois de lisser des creux dans des domaines qui nous semblent, à nous, stratégiques », argumente le président Rousset. Selon les données communiquées, l’industrie et la santé représentent ainsi plus de 50% des interventions et des fonds levés sur les phases un et deux. « Il y a aussi une volonté d’aménagement du territoire », poursuit le président de NACO, qui concède : « ça n’est guère probant sur NACO 1, ça l’est bien plus sur NACO 2 et c’est un objectif central pour NACO 3 ».

Effet de levier de plus de 6

D’abord piloté par Aquiti, NACO est animé depuis la phase 2 par M Capital. Un partenaire avec lequel sont menés « de nombreux roadshows, pour se faire connaître. On a réuni en tout près de 450 personnes, dont une très grande majorité d’entreprises. Ça ne débouche pas automatiquement sur une entrée au capital mais ça fait prendre conscience que la Région déploie des outils importants les concernant et ça les prépare aux opérations futures qu’ils auront à faire. Ce sont des semences pour la suite », analyse Jean-Pierre Renaudin. Depuis son émergence, NACO est entré en capital de 103 sociétés, pour un total de 67 millions d’euros directement investis. 86 entreprises sont toujours en portefeuille, 10 ont cessé leur activité et NACO a cédé sa participation pour 7 d’entre elles*. « Dont une sortie la semaine dernière sur laquelle on n’a pas encore communiqué, sur une base de performance relativement significative, quasiment fois trois », évoque David Aversenq, directeur général associé de M Capital. « On sait être patient, on peut suivre les entreprises tant qu’elles ont besoin de structuration, pendant cinq ans, sept ans… », souligne Jean-Pierre Renaudin.

Sur chaque phase, NACO a engagé directement une trentaine de millions d’euros environ. Mais comme son nom l’indique, NACO « intervient en co-investissement, avec un partenaire, ça permet d’aller capter des fonds qui ne viendraient pas naturellement seuls. On leur apporte une connaissance de l’environnement, on minimise les risques », argumente encore Jean-Pierre Renaudin. Dans les faits l’effet de levier lié à l’intervention de NACO est estimé à 6,65. Et ceci avec une capacité à balayer l’ensemble des opportunités. « Nous avons une très forte intégration dans l’écosystème, avec le réseau des French tech, des technopoles, l’agence ADI NA. Sur l’été 2022, nous avons eu 500 dossiers étudiés, pour une trentaine de réalisations. On a regardé la quasi totalité des opérations qui se sont réalisées lors des 12 derniers mois en Nouvelle-Aquitaine. Mais nous ne sommes pas là pour faire de la concurrence avec des fonds qui existent déjà. NACO a vocation à servir de ticket d’entrée pour des gens ou des fonds qui n’iraient pas seuls. Nous pouvons être la tête de pont pour aller chercher des investissements dans des projets qui sont pas toujours “sexy” ou très high tech », estime encore le président de NACO. Antoine Martel acquiesce. Dirigeant de la société girondine RGoods, il a conscience que son modèle visant à aider les ONG en leur offrant des services novateurs pour augmenter leur base de donateurs et accroître leurs ressources n’est pas immédiatement le plus attractifs pour les investisseurs. « NACO s’est positionné très rapidement, avec beaucoup d’enthousiasme, ça a rassuré les deux autres investisseurs », témoigne-t-il.

Nouveaux équilibres pour NACO 3

Sur les deux premières phases, ce sont principalement les opérations liées au début de vie d’entreprises qui ont été réalisées - capital-risque (54%) et amorçage (12%) -, devant celles liées à la croissance ou la cession (27% en capital-développement et 7% en transmission). Pour NACO 3, qui sera notamment de 25 millions d’euros de fonds européens opérés par la Région (FEDER-FSE), la volonté d’équilibrer à 50-50 création/amorçage et développement/transmission est clairement affichée. Même si cette question de la transmission reste très importante. « On a trop vu de transmissions qui sont insuffisamment structurées d'un point de vue capitaux propres et qui pèsent très lourd, ensuite, sur la vie de l'entreprise. Et j'ai trop vu d'entreprises reprises par des gens qui avaient de l'argent, mais qui n'avaient pas les compétences », argumente Jean-Pierre Renaudin. Et de citer l’exemple de la société périgourdine SODOPAC, connue pour sa marque de chausson Airplum, dont NACO a financé la transmission, menée via une opération de MBI (management buy-in : l’entreprise est rachetée par un management extérieur à celle-ci). « Sans NACO, on n’aurait pas pu monter le dossier de reprise, les fonds sont assez frileux, ils n’interviennent que quand ils sont certains de faire à peu près fois dix », tient à signaler Frédéric Guiral de Haas, repreneur et président de cette belle PME depuis le printemps dernier. Et le dirigeant de M Capital de souligner pour sa part que ses équipes avaient clairement fait leur choix parmi les candidats à la reprise dans ce dossier.

« On doit aider les entreprises à franchir des caps en matière d’environnement, de social et de management, tient à faire savoir Jean-Pierre Renaudin, depuis un an, M Capital a développé un outil qui permet aux entreprises d’être sensibilisées sur ce plan, de faire un bilan puis un plan de progrès. C’est un objectif de NACO, de faire grandir les entreprises en prenant en compte ces dimensions-là qui, de toute façon, s’imposeront à elles par la force. Nous voulons le faire de façon progressive ». M Capital veut même parler de suivi ESGT, ajoutant la question de territoire aux critères environnement, social et gouvernance. « On a financé des sociétés qui font bénéficier leur réussite à leur environnement proche et au territoire », explique David Aversenq. Et d’insister : « 100% de la rémunération variable du conseiller de M Capital, en l'occurrence de NACO, sont dépendants de la performance extra-financière des sociétés du portefeuille. Non seulement on doit être performant en matière d'investissement, performant financièrement, mais on doit l'être aussi en matière d'impact positif. »

* Dioxycle, Grains'up, Hunyvers, Kereon Intelligence Group, Neta, Cogniteev, Réseau C&S

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