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Agriculture : en Nouvelle-Aquitaine, le « ras-le-bol » des éleveurs

Écosystème
mardi 07 novembre 2023

En 2023, la collecte de lait de vache enregistre une baisse de 7%. Crédits : AL

La production de viandes françaises - et néoaquitaines - est en perte de vitesse, en cet automne 2023. Un constat dressé par le président de la Chambre régionale d’agriculture, Luc Servant, qui pointe des causes plurielles : fatigue des éleveurs, difficultés dans la transmission des exploitations, et coûts de production en hausse.

C’est un bilan en demi-teinte que présente Luc Servant, président de la Chambre d’agriculture de Nouvelle-Aquitaine, en cet automne 2023. Si cette année est « plus sympathique » que 2022, avec des récoltes estivales et automnales globalement satisfaisantes, la situation des éleveurs est elle, bien différente. La collecte de lait de vache est en baisse de 7% sur les 12 derniers mois, et de 15% depuis 2010, en Nouvelle-Aquitaine. Une tendance de fond, sur laquelle Luc Servant alerte : « On est en train de basculer dans une dépendance, car on ne sera plus autosuffisant en production de lait de vache en France. Il y a vraiment une évolution structurelle de notre élevage en France. » Cette situation s’explique avant tout par « un ras-le-bol » des éleveurs. « C’est beaucoup de temps de travail, de capital investi. Des difficultés pour monter des projets, parfois dans la transmission aussi lorsqu’il n’y a pas de repreneurs. Des mises aux normes qui se répètent aussi… Un ensemble de choses qui font que petit à petit, ils arrêtent. Lorsqu’ils sont dans des secteurs où il y a la possibilité de faire de la culture, le pas finit par être franchi », analyse le président de la Chambre régionale d’agriculture.

La France exporte de moins en moins

Ce constat, s’il est applicable aux races laitières, concerne aussi les races de viande et notamment la décapitalisation des cheptels : -3% de vaches, et un abattage en recul de 8 points. L’année dernière déjà avait été marquée par des épisodes de sécheresse entraînant un manque de fourrage, et une hausse du prix à la production. « On voit que ça se poursuit en 2023. Il y a assez peu d’installations, on le voit dans les recensements - le Limousin enregistre la plus forte baisse du nombre d’éleveurs car il n’y a pas de jeunes éleveurs qui arrivent pour reprendre. » Le secteur de la viande ovine est également en très net recul, avec -17% des volumes d’abattage, tout comme les porcs (-5,3%) et les volailles de chair (-11,5%).

« Pour les volailles, il y a un effet Ukraine, précise Luc Servant. Il y a une très forte hausse d’importation de poulet ukrainien, beaucoup moins cher que ce que l’on fait. » Ce qui ajoute, pour le monde agricole, une incompréhension supplémentaire : « On nous dit qu’il faut faire évoluer nos pratiques, monter en gamme, mais le marché n’est pas là - c’est ce qu’on voit également sur le bio -, car nos coûts de revient sont trop élevés par rapport aux capacités du consommateur, aujourd’hui. » La semaine dernière, la France a d’ailleurs été rétrogradée au sixième rang des pays exportateurs, alors qu’elle était jusqu’à présent dans le Top 5. La Chambre d’agriculture néoaquitaine le répète, d’ailleurs : la France est déficitaire en viande depuis 2014. Le taux d’autosuffisance, qui était entre 97 et 99% jusqu’en 2020, serait cette année de 88%. Le taux d’autosuffisance des volailles est le segment ayant le plus chuté : 92% en 2020, pour atteindre 76% aujourd’hui.

Une situation sanitaire scrutée avec attention

À ce contexte économique compliqué, s’ajoute une situation sanitaire qui pourrait se dégrader dans les mois à venir pour les éleveurs bovins. En cause : l’arrivée de la MHE, maladie hémorragique-épizootique, un virus transmis par des moucherons et entraînant la mort des individus contaminés (taux de mortalité d’environ 5%). « La MHE a franchi les Pyrénées fin septembre, avec un développement fulgurant plus fort qu’annoncé », affirme Luc Servant. Pour preuve, le 2 novembre, le ministère de l'Agriculture faisait un point sur la situation : 3.136 foyers étaient recensés dans des élevages français, sur 12 départements dont plusieurs en Nouvelle-Aquitaine : les Pyrénées-Atlantiques, les Landes, le Lot-et-Garonne, la Gironde et la Dordogne. « Aujourd’hui il n’y a pas de vaccin, mais il y a des médicaments pour limiter ça. Pour autant, les conséquences assez lourdes - on ne peut plus sortir les animaux, certains qui devaient partir à l’exportation sont bloqués… Ça ajoute un ras-le-bol supplémentaire », conclut Luc Servant.

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