Digital : In&Sight facilite la publication scientifique - Premium
La publication d'articles scientifiques est entièrement numérique. Crédits : In&Sight
La startup In&Sight, incubée à Bordeaux par Unitec, veut rendre l’édition scientifique plus accessible. Pour cela, elle développe une plateforme numérique à destination des scientifiques du monde entier.
Mise en page imposée sous peine de refus, processus éditorial lourd et chronophage… Le chemin vers l’édition scientifique, peu connu du grand public, semble jonché de difficultés. « Rien que pour la biologie, 1,5 million d’articles sont publiés dans le monde chaque année, mais 50% des articles soumis sont refusés », illustre Thibaud Jacquel, scientifique et CEO de In&Sight. Confronté lui aussi au problème, il a décidé en 2016, avec Bastien Lemaire, Raphaël Lenoble et Cyrille Bazin, de creuser le sujet. « Nous nous sommes rendu compte que la littérature scientifique est incomplète, et c’est un vrai problème, reprend-il. Nous avons échangé avec des enseignants-chercheurs pour comprendre pourquoi tout n’est pas publié, comment le monde de l’édition scientifique fonctionne. »
Historiquement, les éditeurs scientifiques (qui existent depuis 300 ans) ne pouvaient à l’époque pas tout publier, seulement les écrits les plus importants. Mais maintenant que la technologie nous permet une publication quasi-illimitée, pourquoi y a-t-il encore des freins ? « Eh bien, chaque éditeur scientifique a une ligne éditoriale, répond Thibaud Jacquel. Tout d’abord ils publient majoritairement des résultats innovants et qui fonctionnent car c’est ce qui se vend le mieux. Ensuite, chacun a des règles de publications, de mise en page strictes que les chercheurs doivent respecter scrupuleusement pour espérer être publié. » Un processus lent, qui prend entre six mois et un an pour chaque article. « Ça ne motive pas forcément un chercheur à passer du temps pour traiter un sujet où les résultats ne seront pas concluants ». Surtout, il est toujours important d’apprendre de ses erreurs, et de celles des autres. Par exemple, une équipe américaine qui travaille à un traitement du Covid-19 peut tester une molécule qui ne fonctionne pas, mais qui a peut-être déjà été testée par une équipe européenne. Une perte de temps et d’argent, ainsi qu’un gâchis des connaissances. « 75% des chercheurs ont déjà obtenu des résultats non-concluants et sont prêts à les publier, reprend Thibaud Jacquel. Beaucoup de connaissances restent dans les tiroirs des laboratoires. »
« Nous ne sommes pas Wikipédia »
Forts de ce constat, les quatre jeunes scientifiques ont décidé de créer In&Sight, une startup bordelaise qui endosse le rôle d’éditeur scientifique en ligne. Via leur plateforme, ils permettent la publication d’articles et proposent des outils aux chercheurs pour leur faciliter la tâche, et simplifier les processus éditoriaux. « Nous faisons en sorte que les usagers soient libres dans la structure de leurs propos, que les résultats soient concluants ou non. Également, il n’y a aucune mise en page type ou contrainte de forme », détaille le CEO. Les scientifiques peuvent ainsi publier des résultats expérimentaux, mais aussi des hypothèses. « Et puis, précise notre interlocuteur, la publication de leur article est datée, et permet de faire valoir des droits d’auteur. »
Mais In&Sight n’est pas Wikipédia, et la rigueur scientifique reste de mise pour les cofondateurs. En interne, ils vérifient que les auteurs sont bien des chercheurs ; ils réalisent un test de qualité comptant 60 points de vérification (sur la compréhension du texte, les références par exemple) ; avant de terminer par un test anti-plagiat. Si l’article est validé, il est ensuite diffusé gratuitement et en « open-access » via un journal thématique dédié - pour le moment - à la science du vivant, puis d’ici peu à la physique et à la chimie. Enfin, chaque chercheur utilisant la plateforme peut relire les papiers publiés (ce qu’on appelle le « reviewing », une étape importante de l’édition scientifique) et ajouter des remarques de façon transparente et visible de tous. « Cela permet d’éviter soit du favoritisme, soit un blocage volontaire de certains chercheurs qui connaissent les auteurs des papiers », précise Thibaud Jacquel.
Objectif : 60 articles en 2022
Aujourd’hui, In&Sight se base sur le modèle économique classique des journaux en open-access : celui de l’auteur-payeur. Quand un éditeur demande en moyenne 1.500 dollars pour la publication d’un papier (de 200 à 5.000 dollars selon les « options » souhaitées, comme dans le secteur automobile), la startup propose un tarif unique de 500 euros, ainsi qu’un forfait pour les grandes institutions. « Cela permet aux chercheurs indépendants de publier leurs travaux, et à des structures comme le CNRS ou l’Inserm d’avoir une visibilité sur leur budget », poursuit notre interlocuteur. Lancée officiellement en septembre, la plateforme compte pour le moment un article en ligne, ainsi que plusieurs en cours de validation. L’année prochaine, le quatuor veut franchir la barre des 60 papiers publiés, voire de la centaine, et atteindre la rentabilité. « On s’adresse à un public international, conclut le CEO. On sait que les data sont là, les chercheurs qui ont déjà rédigé des articles refusés n’ont presque qu’à faire un copié-collé. Maintenant, c’est à nous de nous faire connaître, de gagner en visibilité. »
In&Sight
Basée à Bordeaux
Incubée par Unitec
4 fondateurs
