Pierre Venayre (Stade Rochelais) : « Une stratégie d'entreprise en place » - Premium

Ce qui devait être une année sabbatique à la fin de ses études à Sciences Po Paris s’est finalement transformé, par une histoire « de rencontres et d’amitiés », en aventure professionnelle dans le monde du rugby. Joueur au Stade Rochelais de 2001 à 2008, il se voit ensuite proposer par son président, Vincent Merling, de participer à la professionnalisation du club. Si l’association créée à l’occasion n’est plus majoritaire, il ne voit « que des avantages » dans la présence de partenaires au tour de table. « En fait le club n’appartient à personne, il appartient à tout le monde », argumente-t-il, illustrant la solidarité induite par la décision de « l’ensemble des partenaires » de faire don au club de ses abonnements lorsque le championnat de Top 14 fut arrêté en cours de saison par la Covid-19. « C’était plus de 6 millions d'euros qui étaient en jeu », sur un budget d’environ 30 millions rappelle-t-il. « Quand une entreprise s’engage sur un partenariat majeur, on lui propose d’intégrer la gouvernance du club, qui permet aussi une logique de fidélisation, pour partager un projet collectif dans une démarche de temps long », détaille-t-il.Un socle élargiLe virage de 2010, première accession en Top 14, le club « n’y est certes pas prêt économiquement, on prend conscience de nos limites d’infrastructures, budgétaires, sportives. Mais on prend aussi conscience d’un potentiel qu’on avait jusqu’alors sous-exploité, celui d’être le club d’un territoire beaucoup plus vaste que la seule ville de La Rochelle. On commence à attirer sur une zone de chalandise beaucoup plus large, à une heure et demi de distance. Et là on a un bassin de population de plus de deux millions d’habitants, près de 3.000 entreprises de plus de 50 salariés. En donnant à notre projet une envergure plus large, on s’est donné de nouvelles ambitions », déroule-t-il. Si le jeu de la comparaison des budgets entre clubs n’est selon lui pas très opérant, « chacun n’y mettant pas les mêmes choses », souligne Pierre Venayre, celui du Stade Rochelais le place tout de même dans le premier quart du Top 14. Au taquet sur le « salary cap » (l’enveloppe maximale qu’un club français de rugby peut affecter à la masse salariale des joueurs), un dispositif dont il précise qu’il « permet de créer un maximum de concurrence entre les clubs », le club jaune et noir se fixe une règle : « Hors de question pour nous de dépenser plus que ce que l'on était capable de générer comme économie réelle, c’est un modèle de pérennité. »Des marges de progression économique limitées« Pour grandir, il fallait mettre une stratégie d'entreprise en place. Le prérequis de notre développement, ça a été de créer la valeur économique qui nous permettrait de créer de la valeur sportive », pose-t-il encore. « On a toujours voulu garder une part d'une allocation de nos revenus pour les infrastructures, pour le développement, la structuration administrative du club, pour le développement de la marque… » Et de souligner aussi les presque 20 millions consacrés par le club « au développement du stade Marcel Deflandre et la construction du centre d'entraînement ». Concernant le stade, où les matchs de Top 14 s’enchaînent à guichets fermés, la capacité est désormais de 16.700 places, dont 3.500 vendues avec des prestations. « Cette activité d’hospitalité, d’accueil VIP sur les matchs, c’est quasiment 15 millions d'euros, soit 40% du budget. Donc on est sur un modèle où notre connexion au monde de l'entreprise est extrêmement importante », reconnaît-il. Et d’ajouter : « On a une dizaine de partenaires majeurs du club qui associent leur image à la nôtre. L'ensemble de la partie qu'on appelle BtoB chez nous, c'est quasiment 60% du budget du club », calcule le dirigeant. La vente de places au grand public représente à peu près cinq millions d'euros, le merchandising un peu plus de quatre millions. Un modèle de revenus « diversifié, mais qui est extrêmement dépendant de notre relation au monde de l’entreprise ».D’autant que « le club n'a aujourd'hui plus beaucoup de marges de progression » sur ces différents postes, estime-t-il. Tout juste est-il encore possible d’agrandir encore un peu le stade, pour atteindre 18.000 places, un exercice difficile en environnement urbain. En revanche, l’exploitation du stade en lui-même offre des perspectives, alors qu’il « vit 15 dates par an en tant que lieu de compétition ». « On considère qu'avec la qualité des espaces réceptifs qu'on a construit et avec d'autres idées qu'on a de développement autour du stade, on a la possibilité d'en faire un vrai lieu de vie 365 jours par an. Pour nous, ce sera l'un des moyens de générer des revenus demain », annonce-t-il.Engagement envers le territoire« Ce n’est pas parce qu'on est double champion d'Europe qu'on doit perdre notre humilité. En fait, on avait quasiment terminé la rédaction de notre plan stratégique à 2027, juste avant d'être champion d'Europe pour la deuxième fois. Et on s'est dit que ce plan stratégique, on devait aussi l'adapter à ces nouveaux standards. Donc on a réécrit une feuille de route. On est en train de la finaliser pour 2030. Ce qu'on a ajouté et ce qui est pour nous l'essentiel quand on vise de la très haute performance à long terme, c’est ce qui nous lie à notre écosystème. » Fort d’un réseau de plus de 1.000 entreprises partenaires, dont les deux tiers issues du département, le Stade Rochelais se positionne comme le plus grand club d'entreprises du département. « On a voulu aller plus loin en créant un fonds de dotation qui porte des actions grâce au soutien des mécènes, notamment sur le domaine de l'éducation », ajoute-t-il. Et d’évoquer également la section rugby-santé fondée il y a trois ans à destination de femmes en phase de soin ou de guérison d’un cancer. « On a aussi lancé un programme de transformation du club et de ses activités, à partir d'un bilan carbone qu'on a réalisé il y a deux ans. Donc on travaille sur la manière dont on va pouvoir petit à petit, réduire notre impact carbone, notamment sur la mobilité des supporters, qui est un vrai sujet. » Aussi, dans le projet 2030, « le club a fait aussi le choix de se transformer en entreprise à mission. On est en train de terminer la démarche de formalisation de la raison d'être et de nos objectifs sociaux et sociétaux. On inscrira aussi dans nos statuts le rôle social et le rôle sociétal du club », conclut-il.

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