A Saint-Jean-d’Angély, la biodiversité au cœur de la Corab - Premium

Quelle est l'identité de la Corab ?La Corab (Coopérative agricole bio) a quelques années de pratiques et d’évolution puisqu’elle a émergée en 1998. Elle a fait le choix dès le départ de travailler avec des fermes engagées. Elle s’est développée sur des filières alimentation humaine qui étaient à l’époque les prémices d’un marché alimentation humaine bio assez peu explorée et qui aujourd’hui sont très structurées et bien organisées. Et c’est un créneau qui répond à la fois à des logiques éthiques et de niches économiques. La Corab couvre le territoire de l’ex-Poitou-Charentes avec une majorité de fermes situées entre La Rochelle, Niort, Saint-Jean-d’Angély et Saintes. Le cœur de l’îlot en termes de centralité géographique étant Saint-Jean-d’Angély.Comment fonctionne-t-elle ?Une coopérative, c’est tout simplement le prolongement des fermes. On a tous des parts dans cet outil de travail complémentaire de nos fermes qui vient faire l’étape d’après jusqu’à la commercialisation des grains. Cela concerne plus de 120 apporteurs de grains, qui sont redistribués, revendus, triés, stockés… ce qui est le cœur de métier de la coopérative. Avec une spécificité toujours pour l’alimentation humaine, de mettre en place des process qui sont plus exigeants, plus qualitatifs que l’alimentation animale. En nombre d’adhérents stricto sensu on est un peu plus (ndlr, environ 200), ce sont des gens qui bénéficient d’autres services de la coopérative.Quelles sont ses particularités ?On a 35 grains qui sont mis en culture en lien avec les adhérents. C’est une diversité assez grande de typologie de grains et donc de mise en pratique derrière un peu différente pour chaque grain, là où quelques coopératives conventionnelles ou mixtes sont plutôt sur 10, 15 ou 20 grains maxi. On reste sur des céréales, des légumineuses et des oléagineux. Avec un cortège assez important en légumineuses, parce que ce n’est pas le cas partout. On va retrouver un certain nombre de lentilles, corail, blondes, vertes, et puis des pois cassés, des pois chiches, des haricots secs, coco, lingots, qui viennent vraiment offrir une alternative aussi aux protéines animales. « C’est bien une force de la coopérative d’avoir cette mixité »C’est vraiment le mix produit qui va être intéressant dans cette configuration-là. D’une part, sur les fermes, il est essentiel en bio de travailler sur une rotation et des assolements variés. On est pas sur une “trois cultures” ou “quatre cultures” mais sur dix à douze cultures et ça, c’est la santé des sols, la santé de la lie en général qui est conditionnée à ça. Pour la coopérative, c’est essayer aussi de diversifier au maximum son risque et ses possibles en terme de commerce. C’est l’équilibre qui justifie l’intérêt de cette diversité. C’est bien une des forces de la coopérative d’avoir cette mixité-là. Et plutôt que se spécialiser dans un domaine qui fragilise - alors on peut devenir effectivement un peu plus expert sur un seul domaine, un seul grain ou deux ou trois - mais pour autant on est pas raccord avec les fermes avec lesquelles la coopérative travaille et sur la logique de gestion de risque. D’année en année, on a des surprises toujours différentes avec la météo d’un bout à l’autre du territoire et pas toujours les mêmes. Le fait d’avoir des grains différents donc des cycles de vie différents et des logiques de semis et de récoltes différentes et de ventes différentes, fait que derrière on ne met pas ses œufs dans le même panier. C’est une stratégique simple, basique et efficace.On stocke sans produits chimiques, contrairement à beaucoup de coopératives conventionnelles. En bio, on ne travaille le grain qu’avec le tri et le froid. C’est ce qui permet de garantir un grain sain du bout à l’autre de la chaîne. Et le tri est un savoir-faire un petit peu particulier en alimentation humaine. Donc il y a des étapes de tri assez conséquentes qui donnent la valeur au grain, directement consommable ou transformable par nos différents partenaires.La Corab collecte autour de 7.000 tonnes par an. C’est un petit peu moins que l’année dernière pour des raisons météo. On fluctue d’année en année. Ça ne donne pas une logique économique, ça donne un volume strict. En fonction des années, on va avoir des grains à plus forte valeur ajoutée qui peuvent représenter peu de tonnage mais plus d'économie ou de chiffre d’affaires et inversement. Le chiffre global du tonnage n’est pas forcément toujours le bon indicateur.Vous commercialisez via Biocoop dont vous êtes sociétaires. Corab a aussi une marque à son nom… Qu'en est-il du marché de la restauration collective ?On fournit les plateformes qui elles-mêmes fournissent les collectivités. "Mangeons bio ensemble" et "Mangeons bio en Périgord" sont deux structures qui alimentent les collectivités en légumineuses de manière classique. Il y a encore un levier en terme de volume, parce qu'entre la loi Egalim et l’application qui en est faite, il y a un pas important. Il suffit que la demande se formalise.Que vous apporte votre engagement dans le commerce équitable ?Le commerce équitable permet de donner de la transparence aux prix et aussi de faire comprendre avec tous les acheteurs comment on construit un prix. L’idée du commerce équitable, c’est vraiment de travailler sur un prix juste. On prend des engagements réciproques pour que ce prix soit le plus cohérent possible, quand ça va bien mais aussi quand ça va mal. On a une sorte de lisibilité de ce qui se passe à l’amont ou à l’aval qui est bien plus travaillée que quand on n'est pas dans la logique du commerce équitable, où chacun garde le privilège de ses prix et de la construction de ses prix. Le fait d’être dans cette dynamique-là nous donne une logique bien plus partenariale et de compréhension des uns des autres. Quels sont vos problématiques du moment ?La coopérative a vraiment une logique d’essayer de maintenir, dans un paysage où le bio est quand même un peu brassé, des prix élevés pour les fermes qui ont besoin d’assurer leur avenir dans un contexte météo pas toujours facile non plus. L’objectif c’est de faire revenir sur les fermes le maximum de plus-value sur les grains dans une logique de niche où on essaye de distribuer au plus grand nombre les produits bio. Mais aujourd’hui, clairement, le bio n’arrive pas forcément à faire grandir beaucoup sa masse d’acheteurs. On a la chance historiquement de travailler avec des clients engagés dans nos pratiques, on a aussi un certain nombre de contrats pluriannuels qui nous maintiennent des prix avec des engagements et on a pas eu à subir de plein fouet les crises des prix que nos collègues y compris en bio ont eu à subir. Pour autant, on a été fragilisé comme tout le monde et on a l’obligation aujourd’hui de revoir un petit peu notre copie en terme de modèle de prix notamment pour passer cette crise qui dure. La biodiversité comme levier de développement ?On a une demande de plus en plus pressante de produits décarbonés ou de produits qui sont engagés en terme de biodiversité. Et il s’avère qu’en bio, on est plutôt bien placé sans en avoir conscience. L’agriculture bio est bien plus respectueuse de la biodiversité et de la problématique carbone que le reste de l’agriculture. Et tous ces éléments-là rentrent de plus en plus en ligne de compte dans la construction des prix et dans l’éthique que la coopérative souhaite porter. Ce n’est pas un domaine sur lequel on a beaucoup travaillé jusqu'à présent. « On voit déjà des signes très forts sur les marchés »Il est clair que la filière bio doit mettre les bouchées doubles pour faire de la pédagogie auprès de ses adhérents pour faire monter en puissance ce volet qui est déjà présent et ensuite communiquer au niveau de la filière dans sa globalité pour pouvoir faire reconnaître cette approche où les exigences ne vont que crescendo. On voit déjà des signes très forts sur les marchés. Biocoop, par exemple, souhaite avoir plus de visibilité sur l’impact sur la biodiversité des groupements de producteurs. On a besoin d’avoir des éléments chiffrés et quantifiés. On a démarré sur les fermes de la coopérative tout un tas d’inventaires autour de ces aspects de biodiversité pour faire remonter ces données auprès de nos acheteurs. Ce qui permet soit d’ouvrir un nouveau produit certifié protégeant la biodiversité, soit de maintenir un prix correct sur des choses qui auraient pu baisser par ailleurs. Comment collectez-vous toutes ces données ?On se forme, on crée des partenariats. On est par exemple adhérent à l’association à vocation nationale BiodiScore qui collecte de la donnée. Aujourd’hui, on a un premier volet de collecte de données qui se fait au sein des fermes avec la coopérative. Ce questionnaire est croisé avec des données réglementaires. Ça se passe évidemment dans l’idée de valoriser les fermes, donc ce n’est pas contraignant. Une fois ces données massifiées, cela permet de sortir des éléments clefs de la ferme Corab en général qui représente 6.000 hectares. Cela nous donne aussi des leviers pour faire évoluer ces chiffres. Et c’est là où la coopérative doit jouer son rôle d’accompagnement et de coordination pour aller vers quelque chose d’encore mieux.Plus de 3 M€ pour réinternaliserOn a investi dans des décortiqueuses. Ce qui a permis de réinternaliser et de diminuer des coûts de transport, des coûts externes et surtout de proposer un produit de meilleure qualité parce qu’on est dans la maîtrise totale de la filière. On a également investi dans un outil de travail plus pertinent en termes de type de cellules et sur une chaîne de triage. Ces investissements, qui ont concernés les deux sites (ndlr, Saint-Jean-d’Angély en Charente-Maritime et Migné-Auxances dans la Vienne), devraient se terminer à la fin du premier trimestre et représentent plus de trois millions d’euros. L’objectif est vraiment d’être efficient en terme de qualité, de réactivité, de pouvoir se maintenir sur le marché de la bio dans le haut du panier. Ce qui nous permet aussi de nous démarquer de nos collègues, qui font un peu le même métier, mais pas toujours forcément avec cette même dynamique. Comment vous adaptez-vous au changement climatique ?Il y a l’idée de faire évoluer éventuellement les types de cultures. Il y a des cultures qui n’ont peut-être plus vocation à être faites chez nous par manque d’eau, car trop de chaleur… On peut déjà travailler sur les variétés disponibles en bio comme en conventionnel, on a des choix de variétés qui permettent de s’adapter à des climats plus chauds, plus secs. Il faut travailler ou trouver ces variétés car elles existent quelquefois sur la planète mais pas forcément diffusées parce que pas reconnues par les organismes officiels. Des variétés qui ont poussé depuis très longtemps sur des territoires plus difficiles en terme de météo que chez nous.Vous y travaillez déjà ?Les paysans y travaillent depuis que les paysans existent sur cette planète. Il y a toujours eu des choix, des essais qui sont fait sur des variétés qui viennent d’un peu plus au sud de chez nous, plus au nord, etc. Il y a des croisements naturels sans parler de trituration d’OGM qui permettent de sortir des variétés qui ont une résistance un peu plus grande face à la météo ou aux maladies. C’est un travail perpétuel du paysan dans sa globalité.CorabSiège à Saint-Jean-d’Angély15 salariésEnviron 200 adhérents7 millions d'euros de CA

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